Sur BFM Business, l’ingénieur Ilian Moundib, spécialiste de l’adaptation au changement climatique, a donné des pistes d’adaptation pour une France qui verra son climat et ses saisons profondément changer dans les 50 prochaines années.
Le changement climatique est désormais irréversible. Il va falloir apprendre à vivre avec et surtout à s’adapter. C’est cet immense défi qu’Ilian Moundib, ingénieur spécialisé dans les questions climatiques, tente de comprendre dans son livre « Adapting to global warming ».
Sur le plateau de BFM Business ce jeudi matin, le diplômé de Centrale Lyon et de l’Imperial College London s’est livré à un exercice pédagogique très éclairant en commentant cartes, graphiques et chronologies.
Pour l’expert, il faut déjà déplorer un retour en arrière concernant le climat.
« En 2022, en France, on a déjà atteint environ 1,7-2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle », indique-t-il. […] Nous avons trois scénarios possibles pour l’avenir : un scénario « bleu » de forte baisse des émissions, ce sont les accords de Paris, mais nous restons jaune, le changement est irréversible. Les conditions de 2022 où nous n’avions plus d’eau du robinet dans certaines régions du sud de la France sont la nouvelle moyenne pour 2050-2060. »
Trop chaud, trop d’eau et trop sec
Mais c’est le scénario optimiste. Deux autres sont envisagés : un scénario rouge d’emballement climatique et un scénario orange intermédiaire qui est le plus probable et qui est celui de « France 4 degrés ». Dans ce scénario intermédiaire, les différents Etats atteindraient leurs objectifs climatiques.
À quoi ressemblerait une France 2 degrés plus chaude qu’aujourd’hui et 4 degrés plus chaude que l’ère préindustrielle ? La région parisienne aurait le climat de Montpellier et la moitié du pays ressemblerait à l’Andalousie actuelle. Mais les impacts ne se limiteront pas à un réchauffement généralisé.
« Une « France 4 degrés », c’est une France avec trois saisons supplémentaires, explique Ilian Moundib. C’est une saison trop chaude à +7 degrés dans le sud-est de la France. Ce sont des canicules qui durent plusieurs dizaines de jours, voire plusieurs mois. […] Mais on constate également une relative augmentation hivernale des précipitations de 25 à 40 % sur toute la moitié nord. Toute l’eau évaporée supplémentaire retombera d’un coup sur le nord du pays. A l’inverse, l’ensemble du sud de l’Europe sera trop sec, en voie de désertification.»
-Gestion de l’eau
Une « France 4 degrés », c’est une France à la fois trop chaude, trop d’eau et trop sèche en permanence dans les différentes zones du territoire.
La question est alors de savoir comment s’adapter à ces néo-climats jamais connus en France ? Le sujet principal est la gestion de l’eau.
« Le sol est sec et absorbe moins facilement les précipitations. Le débit d’eau est plus faible et on se retrouve dans une situation où il faut gérer des conflits autour de l’usage de l’eau », décrit Ilian Moundib. La meilleure solution, c’est l’hydrologie régénérative : nous allons cultiver l’eau et remplir notre parcelle agricole de petits réservoirs aux sols asséchés, une forme d’agriculture pour ralentir le cycle de l’eau. Il faut ajouter des solutions. En agroforesterie, les arbres constituent le meilleur réservoir d’eau dont nous disposons.
Selon l’ingénieur, l’agriculture française devra passer du paradigme de l’efficacité (meilleurs rendements possibles mais accidents liés au changement climatique et à la dégradation des sols) à celui de la robustesse (moins de rendement chaque année mais des cultures plus résilientes).
Les villes devront également s’adapter, ce qui nécessitera d’importants investissements publics.
« Il va falloir déshydrater en grande partie nos villes en incluant des grilles bleues (cours d’eau) et des grilles vertes (flux de verdure), explique-t-il. Il va falloir réaliser la rénovation thermique des bâtiments face aux températures trop chaudes […] Il va falloir y faire face, il vaut mieux l’anticiper que de l’endurer.