En l’absence de budget, quelles sont les préoccupations majeures des particuliers et des entreprises ? Tout en abaissant ses prévisions de croissance pour la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a abaissé ses taux directeurs de 0,25 point, jeudi 12 décembre semblant vouloir relancer la croissance.
Ces dernières années, la BCE a relevé ses taux d’intérêt à « briser la spirale inflationniste »explique Philippe Crevel, mais aujourd’hui nous entrons “dans un nouveau cycle”avec une baisse continue des taux depuis 2023, qui vise à relancer les investissements, dans les entreprises et dans l’immobilier.
franceinfo : Quelle lecture faites-vous de la décision de la BCE ? ?
Philippe Crevel: Avec cette 4ème baisse des taux directeurs par la banque centrale, nous aurons une baisse totale de 1 point par rapport à 2023. Et cette baisse vise à relancer l’économie européenne qui stagne depuis près d’un an. Il est vrai qu’il est urgent de relancer l’économie en baissant le coût du crédit, pour faciliter les investissements ou les projets immobiliers. Cela aura donc des conséquences concrètes pour tous les ménages et pour les entreprises, avec une baisse des taux d’intérêt qui seront pratiqués par les institutions financières.
Ainsi, il vous reviendra moins cher d’emprunter, par exemple si vous souhaitez acheter une maison ou un appartement.
Oui, dans les mois à venir, les taux d’intérêt qui seront proposés par les banques, tant aux ménages pour acheter une maison qu’aux entreprises pour investir, seront plus bas. Et donc cela réduira le coût de l’emprunt. Et c’est une bonne nouvelle pour tous les acteurs économiques en France, car ces derniers mois, ça souffre un peu dans de nombreux secteurs d’activité, notamment dans l’immobilier.
La zone euro n’est pas forcément en grande forme. Ces baisses de taux arrivent-elles trop tard avec le recul ? Selon vous, aurait-il fallu baisser encore davantage les taux d’intérêt ?
C’est facile de refaire le match après.
« L’objectif de la Banque centrale européenne était avant tout d’enrayer la spirale inflationniste. Ce pari a été gagné et nous baissons aujourd’hui les taux dans l’espoir de relancer l’activité.»
Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargnesur franceinfo
Nous avons eu une inflation très élevée de 2022 à 2023, qui a atteint 10 %. L’objectif de la hausse des taux d’intérêt était donc de briser cette spirale. Ceci a été réalisé. Aujourd’hui, le taux d’inflation est d’environ 2,3% au sein de la zone euro. C’est encore moins en France. Et on peut donc dire que ce pari est gagné. Évidemment, il y a des effets négatifs à la hausse des taux d’intérêt : c’est la croissance, l’activité qui a diminué. Nous entrons donc aujourd’hui dans un nouveau cycle, celui de la baisse des taux, avec l’espoir d’une reprise de l’activité.
Comment se comportent les Français en ce moment en termes d’épargne et de consommation ?
Les Français, depuis la crise du Covid, sont en mode « épargne » et les derniers résultats communiqués par l’Insee indiquent que le taux d’épargne moyen des Français était de 18 % du revenu disponible brut.
« Aujourd’hui, près d’un cinquième des revenus est mis de côté. C’est donc 3 points de plus par rapport à 2019. »
-Philippe Crevelsur franceinfo
La succession de crises – Covid, guerre en Ukraine, inflation puis crise politique depuis juin – incite les Français à épargner et à ne pas consommer. Et d’un autre côté, la consommation est plutôt stable, évolue très faiblement et cela se reflète donc dans le PIB de la France, avec une croissance attendue nulle au dernier trimestre. Après avoir eu un petit gain mais non négligeable au 3ème trimestre, dû aux JO, on paye un peu cet « effet de jeu » avec une croissance qui devrait être nulle au dernier trimestre.
Actuellement, le taux du Livret A est gelé à 3 %. Cela va changer en février prochain, à quoi peut-on s’attendre ?
Le taux du livret A, comme celui du livret développement durable, comme celui du livret d’épargne populaire, devrait baisser au 1er février car l’inflation a diminué et les taux d’intérêt baissent. Il faudrait certainement revenir de 3% vers 2,25 ou 2,5%. Il y aura donc forcément une baisse du taux du livret A et aussi du petit livret d’épargne populaire qui devrait certainement passer de 4 à 3 %. Après, c’est évidemment le ministre de l’Économie, lorsqu’il sera nommé, qui sera chargé de choisir ces tarifs. Si nous n’avons pas de ministre, peut-être que nous resterons aux tarifs actuels.
Quel est le produit d’épargne le plus populaire en France aujourd’hui ?
« En volume, le premier investissement reste l’assurance vie. C’est 1 900 milliards d’euros. C’est donc bien plus que le Livret A, qui représente environ 400 milliards d’euros.»
Philippe Crevelsur franceinfo
Le premier produit est l’assurance-vie, dont les recouvrements se sont améliorés ces derniers mois. Ce qui laisse penser que les Français ont une vision à plus long terme et prennent un peu moins de précautions. Et puis il y a les retours qui entrent en jeu. Les Français savent que le livret A va diminuer et que le rendement de l’assurance vie va augmenter un peu. Il y a donc des arbitrages, ce qui prouve que les Français sont assez observateurs et plutôt intelligents en matière d’épargne.
L’épargne et la consommation sont souvent opposées. Mais vous dites que c’est peut-être un peu stérile comme opposition ?
Oui, parce que nous avons besoin d’économies. L’épargne ne dort pas. On ne met pas d’argent dans un coffre-fort. Les économies sont utilisées. Cela permet de financer le crédit. Quand on le met sur le livret A, derrière c’est le logement social qui en profite. Quand on met le livret développement durable, c’est utile pour les PME.
« L’assurance-vie sert à financer l’État. Et aujourd’hui, l’État a besoin d’argent, et nous ne voulons pas qu’il fasse faillite.»
Philippe Crevelsur franceinfo
Et d’ailleurs, si la France n’a pas été dégradée aussi fortement qu’elle aurait pu l’être par les agences de notation, c’est parce que nous avons un taux d’épargne élevé. Cela contribue donc au financement de l’État. Et puis le plan d’épargne en actions finance des entreprises comme le plan d’épargne retraite. L’épargne d’aujourd’hui est l’investissement de demain et donc la croissance et l’emploi d’après-demain. Donc pour moi, il ne faut pas opposer l’un à l’autre. Évidemment, à la date T, s’il y a beaucoup plus d’épargne, il y a moins de consommation. Cela a donc un effet négatif sur la croissance, mais à long terme, c’est beaucoup moins vrai.