Dimanche 8 décembre, quelques heures seulement après la prise de Damas par les rebelles syriens et la fuite de Bachar Al-Assad avec les dirigeants de son régime déchu, l’Algérie a opéré un virage à 180 degrés. Pas plus tard que mardi dernier, elle accusait à nouveau, dans un communiqué officiel du ministère algérien des Affaires étrangères, les rebelles syriens d’être «terroristes», envahisseurs, tout en renouvelant le «solidarité» et le «soutien absolu » d’Algérie,le gouvernement et le peuple», au régime de Bachar Al-Assad. Mais depuis la chute et la fuite de ce dernier, le revirement de la diplomatie algérienne est fulgurant. En une semaine, le régime a publié deux communiqués diamétralement opposés.
Quelle meilleure preuve de l’irrationalité d’un régime en fin de vie, qui avance en vain ? Dans un nouveau communiqué diffusé dimanche soir, les Affaires étrangères algériennes ont écrit que «L’Algérie suit avec une grande attention l’évolution récente de la situation et les changements accélérés en cours en République arabe syrienne et (…) réaffirme son soutien au peuple syrien frère, avec lequel le peuple algérien partage les pages lumineuses d’une histoire commune fondée sur la solidarité. et entraide».
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Du jour au lendemain, la solidarité du régime algérien avec Bachar Al-Assad est revenue à «Frère du peuple syrien», que l’Algérie tente soudain d’amadouer, sans faire le moindre mea culpa. Pire, et bien que le régime algérien ait toujours refusé de dialoguer avec ses nombreux opposants, dont des centaines de milliers ont été tués depuis l’indépendance tandis que d’autres centaines sont actuellement en prison, le communiqué du ministère ajoute que «L’Algérie appelle également au dialogue entre les enfants du peuple syrien, dans toutes ses composantes, les invitant à défendre les intérêts supérieurs de la Syrie, pays frère, à préserver les biens et les ressources du pays et à se tourner vers l’avenir pour construire un pays unificateur avec des institutions issues de la volonté du peuple syrien, loin de toute ingérence étrangère».
Tout ce qui manque à l’Algérie est donc fortement recommandé aux Syriens. Mais il n’échappe à personne que depuis le déclenchement de la rébellion militaire en Syrie, le 27 novembre, les hautes autorités algériennes sont restées en contact permanent avec leurs homologues syriens. Officiellement, il s’agissait de s’enquérir du sort des quelque 500 Algériens présents à Alep, première grande ville stratégique tombée aux mains des rebelles.
En réalité, ces contacts visaient à offrir une aide au régime syrien en vue d’arrêter ou de soumettre ses opposants, la Syrie étant perçue comme le dernier rempart qui protège le régime militaire algérien, au pouvoir depuis 1962. Aujourd’hui, le régime d’Alger se souvient surtout , et prend même très au sérieux, l’affrontement verbal qui a opposé au Caire, en novembre 2011, l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et son homologue qatari, Cheikh Hamed Ben Jassim Al-Thani. A l’époque, la Syrie avait été suspendue de la Ligue arabe, ce que l’Algérie avait refusé en défendant le régime syrien.
La décision de suspension a finalement été approuvée, et le chef de la diplomatie algérienne a été vertement menacé par Cheikh Hamed Ben Jassim en ces termes : «Arrêtez de défendre la Syrie car votre tour viendra et peut-être aurez-vous besoin de nous« . En juillet 2021, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, rappelait cette séquence, qui hante toujours le régime algérien, dans son premier entretien à la chaîne qatarie, Al Jaziraen vue de faire les yeux doux aux pays du Golfe.
Pourtant, ce parallèle entre les destins des régimes syrien et algérien est revenu sur le devant de la scène ces dernières heures. Ainsi, lors de manifestations spontanées, organisées par la diaspora syrienne à travers différentes capitales européennes, le régime algérien a été répertorié comme étant le seul à avoir soutenu jusqu’au bout le régime déchu de Bachar Al-Assad. Sur les banderoles des manifestants syriens dimanche à Paris, on pouvait lire : «A bas la dictature et ses complices à l’intérieur et en Algérie (représenté par son drapeau) ».
De même, de nombreuses vidéos diffusées ces dernières heures en Syrie critiquent notamment le soutien du régime algérien à Bachar Al-Assad. Dans l’une de ces vidéos, un Syrien déclare : «le régime militaire algérien est l’un des derniers régimes dictatoriaux qui doivent être renversés« . Et l’un des manifestants a fait cette promesse qui en dit long sur l’idée que les Syriens se font du régime algérien : «Nous allons transformer l’ambassade d’Algérie à Damas en toilettes publiques !».