UNLe barrage Honoré est toujours au septième ciel. « Ma femme m’a réveillé la nuit pour me dire que ce qui se passait. Je me demandais si je rêvais. » Ce Syrien originaire de Hama, à quelques dizaines de kilomètres au nord de Homs, sur la route qui mène d’Alep à Damas, ne se rend toujours pas compte : le régime de Bachar al-Assad est tombé. « Cela fait presque quatorze ans que j’attends ça ! »
L’homme propose ses services de traiteur dans la région bordelaise et vend ses spécialités syriennes sur les marchés de La Réole et de Libourne. Il était en poste dans la bastide ce dimanche 8 décembre. « Je suis tellement content d’avoir proposé ma marchandise aux clients… »
Les Libournais n’ont pas boudé l’événement. Shawarmas, falafels et boureks du stand Cuisine Nour (1) sont repartis en un clin d’œil. La nouvelle le rattrape. « C’est une victoire totale », commente-t-il en rangeant son stand. La Russie, l’Iran, l’Europe et les États-Unis ont laissé tomber Assad. Et surtout, c’est une victoire pour le peuple syrien. Aucune armée étrangère n’est intervenue… » Il n’en revient toujours pas de la rapidité avec laquelle les rebelles sont arrivés aux portes de Damas. “Un peu plus d’une semaine!” Le 8 décembre sera pour beaucoup en Syrie un jour de fête nationale. »
Libérez les prisonniers
Arrêté pour manifestation, il a fui le pays via la Turquie, passant par la Grèce et l’Italie avant de s’installer en 2016 en Gironde. Il dénonce les violences, les emprisonnements, les viols commis par la police et l’armée… « Les enfants naissent en prison ! » Certains parlent de 500 000 morts sous la botte du régime. Il craint que ce chiffre double. La priorité pour lui ? Libérez les prisonniers. « Les conditions de détention sont épouvantables. Et certains sont là depuis des décennies. »
Lui-même a dû subir la violence du régime. « J’ai été emprisonné à l’aéroport militaire de Hama. C’est un cauchemar là-bas, je ne sais pas dans quel état sont les prisonniers. » La question des réfugiés le préoccupe. 6,6 millions en 2021, estime l’ONU, il pense plutôt à 8 millions. Un réfugié sur quatre dans le monde est d’origine syrienne. « Rien qu’en Turquie, il y en a trois millions. »
“Il y a tellement de choses à faire”
Un client revient exprès vers lui pour le saluer. « Je n’ai pas compris tout de suite, sourit-il. La poignée de main est franche. Adam Honoré recommence à réfléchir au pays. « Je n’y suis pas retourné depuis quatorze ans. Je compte y aller dans quelques - pour revoir la famille. Retrouvez cette chaleur humaine. »
Il ne sait pas ce qu’il fera ensuite. « Le pays doit se reconstruire. Je peux vous aider là-bas comme ici. Nous aurons besoin d’hôpitaux. Et il faudra prendre soin des enfants, rouvrir les écoles, les encadrer, leur apporter un soutien psychologique. Il y a tellement de choses à faire. » Adam Honoré espère voir la fin des souffrances du peuple syrien. En attendant, il suit l’évolution de la situation dans les médias, partageant sa joie avec ses clients.
(1) Sur Facebook, Instagram et TikTok, @cuisine.nour33