Le réalisateur Jacques Doillon, 80 ans, cinéaste axé sur les sujets intimistes, a connu un certain succès critique puis a chuté, lorsqu’il s’est retrouvé accusé de violences sexuelles.
Accusé de viol par plusieurs personnes et notamment par l’actrice Judith Godrèche, Jacques Doillon a été convoqué vendredi matin par un juge d’instruction parisien pour une éventuelle mise en examen.
En marge de l’industrie du 7e art, mais très bien intégré dans le système du cinéma d’auteur français, grâce auquel il a pu financer ses films, il s’est toujours détourné du divertissement.
« Nous ne sommes pas là pour faire des films conviviaux. Arrêtons-nous avec les héros positifs», disait-il en 1998 à la Berlinale, où «Too Little Love» était fraîchement accueilli.
Ses longs métrages les plus connus du grand public sont l’adaptation du roman « Un sac de billes » en 1975 (1,2 million d’entrées) et, plus récemment, un « Rodin » où Vincent Lindon tient le rôle-titre, en 2017 (300 000 entrées). .
Ce film lui vaut une troisième sélection en compétition au Festival de Cannes, après « La Drolesse » en 1979 et « La Pirate » en 1984, avant de faillir sombrer dans l’oubli.
– « Drames tendances » –
Les cinéphiles se souviendront de titres comme « Le Petit Criminel » en 1990, qui valut à Gérald Thomassin le César du meilleur espoir masculin, « La Fille de 15 ans » l’année précédente, avec Judith Godrèche qui l’accusera plus tard d’agression sexuelle, ou encore « Ponette” en 1996.
Depuis son premier film en 1973, il ressasse des thèmes comme les portes closes de l’amour et les tourments de l’enfance.
Respecté par la critique dans les années 1980-90, on lui reproche ensuite de se répéter ou d’incarner, avec son cinéma d’analyse psychologique, une veine nombriliste du cinéma français. Plusieurs de ses films connaissent de cuisants échecs en salles, avec moins de 30 000 entrées.
Le critique Éric Neuhoff, du Figaro, dans son bilan de ses films en 2024, lui reproche « une série de drames éprouvants, narcissiques, pleins de cas cliniques ».
Celui qui fut le compagnon de Jane Birkin et est le père de Lou Doillon, actrice, chanteuse et mannequin, a vu sa chute précipitée par le mouvement #Metoo. En février 2024, l’actrice Judith Godrèche l’accuse d’agression sexuelle alors qu’elle avait 15 ans. Elle rapporte notamment que Jacques Doillon « a mis ses doigts dans son pantalon » lors des tests.
« CE2 », son film qui devait sortir le mois suivant, a vu sa sortie repoussée sine die. Il est probable qu’il restera inédit pour toujours.
Une autre actrice, Isild Le Besco, a expliqué avoir subi des avances du réalisateur lors de séances de travail alors qu’elle était mineure, tandis qu’Anna Mouglalis l’accusait de l’avoir embrassée de force chez elle en 2011.
Jacques Doillon est visé par plusieurs plaintes judiciaires, notamment pour viol ou tentative de viol, dont certaines semblent prescrites.
– Personnages en détresse –
Né le 15 mars 1944 à Paris dans une famille modeste, Jacques Doillon débute sa carrière de monteur dans les années 1960, notamment sur des documentaires. Il passe à la réalisation avec « L’An 01 » en 1973, emblématique de la contestation libertaire.
Ce père de cinq enfants a choisi comme héros des enfants, des adolescents ou des femmes, avec une prédilection pour les personnages en détresse et les triangles amoureux.
Il engage souvent des inconnus ou des proches, comme Jane Birkin dans « La Fille prodigue » et « Le Pirate », ou sa fille Lou dans « Trop (petit) amour » ou « Carrément à l’Ouest ».
Privilégiant les espaces clos et les décors naturels, il apprécie les scènes longues, multipliant les prises avec ses acteurs lors des tournages que certains d’entre eux qualifient de très fatiguants.
“C’est vers ce qu’on ne peut pas prévoir que l’on va courir”, expliquait-il à l’AFP en 2017. Il disait aimer “la liberté d’interprétation” mais “ne pas être un fanatique de l’improvisation”.
