“J’ai quitté mon conjoint du jour au lendemain pour me réfugier chez des amis”

“J’ai quitté mon conjoint du jour au lendemain pour me réfugier chez des amis”
“J’ai quitté mon conjoint du jour au lendemain pour me réfugier chez des amis”

Humour, horreur, fantastique… Son deuxième film en tant que réalisatrice, Les femmes au balcon, mélange les genres. Une manière de retrouver sa liberté et de remettre en question les rapports entre hommes et femmes.

En pleine conversation, Noémie Merlant rejette la tête en arrière sur le canapé et éclate de rire. La vie émane d’elle, à cet instant encore plus qu’à tout autre. Ce moment précieux s’est produit lors de l’émission télévisée de Madame Figaro, Conversations. L’actrice était là pour évoquer le film sorti début septembre, Emmanuelle, d’Audrey Diwan.

Nous nous sommes alors promis, vu la vivacité de la discussion, de nous revoir pour discuter de l’autre grand film de l’année, Les femmes au balcon, dans lequel elle joue et qu’elle a également réalisé. « Le point commun entre Emmanuelle et Des femmes au balcon ? Il s’agit de femmes qui n’ont plus de désir et qui cherchent à l’avoir », décrypte-t-elle lorsqu’on la revoit. Ce deuxième entretien a cependant failli ne pas avoir lieu.

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Liberté d’expression

Au moment de fixer le rendez-vous, Noémie ne répondait plus, elle était à l’hôpital – nous ne révélons ici aucun secret médical : elle l’a signalé sur son compte Instagram. Et puis enfin, un vendredi soir, juste avant de terminer ce numéro, elle l’invite chez elle, une petite maison cachée dans une banlieue est parisienne.

Lorsqu’on lui demande comment elle va, et si cette hospitalisation – heureusement sans gravité – n’est pas due au stress de la sortie du film, elle répond simplement en finissant de préparer un thé à la rose noire. : “Peut-être, mais on ne peut pas tout le - mettre le stress sur le compte, non ?” Noémie Merlant, et on l’admire pour cela, a cette capacité rare à dire les choses avec clarté et justesse, en remettant toujours le point sur les faits.

Gore, comédie et amour

Ce soir donc, elle reçoit pour discuter de ce film unique qu’elle vient de réaliser. Les thèmes féministes se croisent avec le sang, la violence scandaleuse, la comédie pure, l’amour et beaucoup de fantômes. Un mix assez vaste. « Dans mes références, il y a Boulevard de la mort, par Tarantino, Des femmes au bord de la dépression nerveuse, d’Almodóvar, quelques films coréens, mais aussi Le Père Noël est une poubelleby Jean-Marie Poiré, and Fenêtre sur cour, d’Alfred Hitchcock.»

Noémie Merlant, the freed woman

Trop pour un seul film ? « Mon sujet est la libération de mes personnages féminins. Je ne pourrais le faire qu’avec le mélange des genres qui permet de tout faire. L’absurde, la comédie, le gore. Dans ce type de film, tout est permis et j’ai voulu tout permettre à mes personnages. Et j’adore les films d’horreur, c’est très cathartique. Il existe un exutoire qui vous permet de libérer toute la violence accumulée en vous.

La ville des femmes

Le film se concentre donc sur trois femmes, qui ont la trentaine : deux d’entre elles vivent en colocation à Marseille (“J’y ai vécu et je suis tombée amoureuse de Marseille, de la lumière, de ce bordel plein de vie, fou et poétique”. , et de la mer. ») L’un veut devenir auteur, raconter une histoire d’amour, l’autre veut cam-fille – elle anime des émissions érotiques sur des sites destinés au regard des autres, notamment des hommes, qui se demandent, dans la vraie vie, où ils l’ont déjà vue. Cela donne l’une des scènes les plus drôles du film, lorsqu’un caissier semble reconnaître ce visage. A moins que ce soit son corps ?

La question du corps

Le corps, c’est l’une des grandes questions du film : celle d’Élise, troisième femme, interprétée par Noémie Merlant, qui débarque chez ses amis, garant mal sa voiture, arrivant en robe rouge et coiffée à la Marilyn Monroe. Autant de choses qui vont, au fil de l’histoire, se défaire et disparaître, pour laisser place au corps réel de cette femme. A la fin, elle est seins nus dans le port de Marseille. Entre--, il y aura eu beaucoup de dégâts et de violences (meurtres, viols, etc.), et des fantômes d’hommes qui errent, des ectoplasmes sans paradis, car ils n’ont jamais reconnu le mal qu’ils faisaient aux femmes.

Noémie Merlant porte une robe bustier en tulle de soie, Louis Vuitton, collier Panthère de Cartier, en or blanc, diamants, émeraude et onyx, Cartier. Collants Calzedonia.
Nicolas Valois

Noémie’s ghosts

Par une étrange coïncidence, les fantômes de Noémie Merlant arrivent au moment où un splendide texte de l’Américaine Claire Cronin est traduit en français, Les écrans sanglants (Éditions Le Gospel), dans lequel cette autrice enquête de manière poétique et intense ce que son attirance pour les films et séries d’horreur provoque en elle et lui permet.

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Son exploration fait exactement écho à celle du film. Autre coïncidence, nous rééditons un texte fondamental de Jacques Derrida, Spectres de Marx (Éditions du Seuil), dans lequel le penseur théorise en 1990 son idée de « hantologie », ou comment les traces invisibles du passé influencent le présent : Femmes au balcon évoque pleinement cette idée de ce qui hante constamment le présent – ​​les fantômes du film sont les signes obscurs d’un passé toujours actif et douloureux. A écouter Noémie Merlant, tout cela part du réel, de sa réalité.

Le regard patriarcal

« Tout a commencé par une sensation physique, il y a quatre ans, pendant le confinement. J’ai beaucoup de crises de panique et j’ai commencé à comprendre que cela venait du sentiment de toujours devoir faire plaisir aux autres avant de savoir ce que je voulais, que ce soit au travail ou dans l’intimité de ma relation amoureuse. Mon corps a soudain pris conscience de tout cela, comme s’il avait atteint une limite. J’ai ensuite quitté mon compagnon du jour au lendemain, pour me réfugier chez des amis. Resté sans rien, sans affaires, j’ai vécu avec eux et j’ai petit à petit compris pourquoi je me sentais attaqué, j’ai pris conscience des choses mais aussi de mon propre rôle dans tout ça, pourquoi je jouais à ce jeu. J’ai connu alors une grande détente physique. Surtout, partout autour, il n’y avait plus de regard patriarcal. Nos paroles étaient libres, il y avait une écoute particulière entre femmes.

Noémie Merlant porte une robe en soie à franges et des chaussures en cuir Louis Vuitton. Bague Panthère et bague Clash, Cartier, chaussettes Calzedonia.
Nicolas Valois

La liberté d’être soi-même

Ce qui fait écho à l’une des phrases les plus marquantes du film : « Nous ne pouvons être nous-mêmes qu’entre nous. » Au fait, qu’est-ce que ça veut dire ? Noémie : « Bonne question… Élise, mon personnage, le ressent très fort quand elle le dit, mais elle a aussi une pointe de tristesse. Parce qu’elle aimerait être elle-même tout le -, avec tout le monde. C’est aussi mon cas. Mais au moins c’est tout : elle peut être elle-même avec ses amis. Que signifie être soi-même ? C’est ne plus avoir à penser au regard des autres, ne plus être constamment sur ses gardes. Dans le film, mon personnage change de corps au fur et à mesure qu’il est avec ses amis. Elle ose prendre plus de place, elle ose dire ce qu’elle pense.

Le couple romantique, une construction ?

A l’entendre, on comprend que cette oppression ressentie par le personnage vient de ses expériences. « Je ne pouvais pas ne pas me sentir opprimé. Cela vient de la notion de couple romantique telle que la société la raconte avec les notions de jalousie et de possessivité qui prennent beaucoup de place. Le couple est au centre de tout tandis que l’amitié doit avoir sa place, la jalousie et la possession doivent être canalisées, les choses doivent se faire sans l’autre. La notion de performance sexuelle aussi : on prétend qu’un couple devrait faire l’amour tout le -… Ces choses m’épuisaient psychologiquement, le devoir sexuel du couple, je n’en pouvais plus et je ne trouvais personne qui comprenne ça. ce n’est pas ça l’amour. Jusqu’à ce que je rencontre un homme qui pense comme moi. Et appliquez-le.

Le viol conjugal et la notion de consentement

Au cœur du film, une scène très réaliste d’un couple dans une chambre d’hôtel résonne longtemps. On comprend vite qu’il s’agit d’un viol dans un contexte conjugal. En clair, la femme n’y consent pas, et son compagnon s’en fiche. « C’est l’une des premières scènes que j’ai écrites. J’ai tellement vécu cette scène depuis mon adolescence, depuis mes premières relations, qu’elle est sortie précipitamment, très vite. Je savais que c’était un plan séquence parce que je ne voulais pas tromper le spectateur, pas de montage, je voulais montrer tout ce qui se passe, et c’est un des seuls pour lequel je n’ai pas eu à penser. cent cinquante mille ans. Cela vient de mon expérience et j’ai réalisé qu’autour de moi, que ce soit mes cousins ​​de 18 ans, ma tante de 70 ans, des amis de mon âge ou même parfois certains hommes, beaucoup vivent ce genre de situation. Et je voulais le montrer parce que, en revanche, les autres ne comprennent pas du tout cela. La notion de viol conjugal ne séduit pas tout le monde. Cela fait référence à la notion de consentement dans le couple, avec ces termes « épouse de » ou « petite-amie de » : il fallait que je filme cette scène, la montre, pour pouvoir en discuter après. Filmer cela, dit-elle, a été cathartique : « Cela m’a apaisée. Je pense que ça m’a calmé. Même si, avoue-t-elle rapidement, tout n’est pas résolu – « J’ai l’impression de dénouer les choses et puis je tombe sur de nouveaux nœuds… »

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Une chambre à soi

Plus que l’apaisement, on se rend compte qu’en la voyant ainsi, chez elle, Noémie Merlant semble avoir obtenu ce quelque chose que recherchent ses personnages, quelque chose de la propre chambre de Virginia Woolf. « Élise recherche un refuge et de la détente, c’est son désir avant tout. J’ai l’impression qu’il faut être dans un environnement où l’on se sent en sécurité, avec de l’espace, pour être en pleine présence de son corps et de celui des autres. Le problème n’est pas d’avoir une relation sexuelle où l’un tire les cheveux de l’autre, mais que cela soit décidé par les deux, et de ne pas finir sans l’avoir décidé. Nous avons besoin d’un espace sain et sécurisé.

Un péplum queer et punk en préparation

Face à cela, on souhaite savoir ce que vont devenir ces femmes fictives, sur leur balcon. On imaginerait une suite à leurs étranges aventures. Noémie Merlant n’y a pas pensé, elle travaille à autre chose, comme pour aller ailleurs, mais reste quand même dans ces décors turbulents : “J’écris un autre film, l’adaptation d’un livre de Cristina Rodriguez, nous travaillons ensemble , ce sera un péplum, mais je pense que ce mot n’est pas très joyeux, il a trop de connotations. Alors disons que ce sera un péplum queer et punk.

C’est avec cette idée légère et sérieuse aussi, à l’heure où le monde masculin se dispute partout sur la planète, qu’on repart en se disant que ce soir, quelques jours avant la sortie de ce film si particulier, cette conversation nous a appris plus d’une chose, et d’abord, pour moi en tant que garçon, sur nous-mêmes devant elle, cette femme qui vit bien au-delà de son balcon.

Femmes au balconde Noémie Merlant, avec Souheila Yacoub, Sanda Codreanu, Noémie Merlant… Sortie le 11 décembre.

 
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