des réponses à vos questions sur la situation politique

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Michel Barnier pourrait, mercredi 4 décembre, entrer dans l’histoire du Ve République. Il serait le premier chef du gouvernement renversé par une motion de censure après avoir engagé sa responsabilité, en activant l’article 49.3 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), lundi 2 décembre.

S’il se confirmait, un tel scénario plongerait le pays dans une nouvelle période d’incertitude politique, ouvrant la voie à d’autres configurations nouvelles, du fait du contexte particulier dans lequel il s’inscrit. Risques de blocage, portes de sortie, avenir du budget… Tour d’horizon des principales questions soulevées par la crise politique.

Le Premier ministre est-il obligé de démissionner si une motion de censure est adoptée ?

Selon l’article 50 de la Constitution, lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Premier ministre « doit » présenter sa démission au président de la République. « Il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que le gouvernement a immédiatement démissionné » si une telle motion est adoptée, précise le spécialiste de la Constitution Julien Boudon, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay. “Aucun délai n’est fixé, mais il serait difficile de comprendre si la présentation de sa démission au chef de l’Etat n’est pas immédiate”acquiesce Stéphanie Damarey, professeur de droit public à l’Université de Lille.

Que deviendraient les projets de loi déposés par le gouvernement Barnier ?

Si le gouvernement est renversé, tous les textes actuellement en cours d’examen seront immédiatement enterrés, estiment plusieurs juristes interrogés par Le . A commencer par les textes budgétaires en discussion au Parlement, et le plus emblématique d’entre tous, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. “Le gouvernement ne pouvait assurer que l’envoi des “affaires courantes””, assurent Aurélien Baudu, professeur de droit public à l’université de Lille, et son collègue de l’université Paris-Cité, Xavier Cabannes. “S’il y a chute du gouvernement, c’est fini, les textes tombent, ils sont nuls”, agrees Julien Boudon.

Contrairement à ses collègues, Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l’université Toulouse-Capitole, affirme que « rien dans notre histoire parlementaire récente ne permet de soutenir que le renversement du gouvernement rend ses textes obsolètes ». La seule motion de censure victorieuse, votée en octobre 1962 contre le gouvernement Pompidou, fut suivie d’une dissolution de l’Assemblée nationale. “ce qui a rendu obsolètes tous les textes en attente”poursuit l’avocat. Mais la situation est différente aujourd’hui, car le Président de la République ne peut pas convoquer d’élections législatives avant juillet 2025, au plus tôt.

Y a-t-il un risque de coupure budgétaire ?

En cas de censure gouvernementale, les chances que le Parlement adopte un budget pour 2025 diminueraient. Les délais sont en effet trop serrés pour qu’un nouveau projet préparé par un futur gouvernement soit examiné par l’Assemblée nationale et le Sénat. avant le 31 décembre.

S’il est possible que l’État ne soit pas en mesure d’engager des dépenses ou de percevoir des recettes au 1erest Janvier est un scénario techniquement possible, des garde-fous sont prévus par la justice française pour éviter ce qui s’apparenterait au shutdown américain – qui désigne la cessation des activités gouvernementales en l’absence d’accord sur le budget. Cette configuration ne s’est jamais produite dans l’histoire du Ve République.

Quels scénarios réalistes permettraient à l’État de continuer à fonctionner en 2025 ?

En l’absence d’un budget voté et promulgué d’ici la fin de l’année, le nouveau gouvernement (ou le gouvernement démissionnaire) pourrait demander « au Parlement, de toute urgence, l’autorisation de percevoir les impôts et + par décret les crédits relatifs aux services votés »comme prévu au paragraphe 4 de l’article 47 de la Constitution.

Cette loi spéciale, dont les modalités sont précisées par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), permettrait de reconduire provisoirement pour 2025 les dépenses et recettes du budget 2024. Le Rassemblement national (RN) a déjà laissé entendre qu’il voterait une proposition de loi spéciale, qui permettrait « au minimum le renouvellement du budget 2024, en attendant un nouveau gouvernement et une loi de finances formelle », a expliqué Marine Le Pen, la cheffe des députés RN, dans une tribune à Figaro.

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Cette solution ne serait cependant que de courte durée, surtout dans un contexte de déficit croissant. Un certain nombre de lignes budgétaires augmenteraient mécaniquement, comme la rémunération des fonctionnaires. En l’absence d’une révision à la hausse du barème de l’impôt sur le revenu pour tenir compte de l’inflation, “Tous les Français paieraient plus d’impôts”a également prévenu le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, mercredi 27 novembre, sur Inter.

Enfin, l’incertitude politique alimente la méfiance des investisseurs : elle contribue à faire monter les taux d’intérêt auxquels la France emprunte (déjà élevés), et peut avoir des répercussions sur la bourse et sur l’ensemble de l’économie. Le nouveau gouvernement aurait donc tout intérêt à déposer au plus vite un nouveau projet de loi de finances pour 2025, qui remplacerait, une fois adopté par le Parlement, ce budget « automatique ».

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Théoriquement, le président de la République a le pouvoir de nommer la personne de son choix à Matignon. Il n’a aucune obligation légale de choisir un membre du groupe le plus important à l’Assemblée nationale. Cependant, la logique institutionnelle ne lui permet pas de passer outre l’avis de la majorité des députés, puisqu’un gouvernement qui leur serait contraire pourrait être rapidement renversé par une motion de censure. Le chef de l’Etat est donc censé choisir un candidat susceptible d’obtenir le soutien d’une majorité de députés – ou du moins de ne pas susciter le rejet d’une majorité d’entre eux.

Rien n’empêcherait Emmanuel Macron de renommer Michel Barnier, même si ce dernier venait d’être censuré par les députés.

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Qu’est-ce que le gouvernement technique ?

Si la situation se bloque, la nomination d’un gouvernement « technique » pourrait devenir une porte de sortie. Il s’agit de nommer des ministres sans affiliation partisane pour gérer les affaires courantes et mettre en œuvre certaines réformes consensuelles, avec le soutien au cas par cas des différents blocs politiques de l’Assemblée.

Cette configuration, que l’Italie a déjà connue à plusieurs reprises dans des moments de crise, n’a jamais été très durable. Il est en effet difficile pour un tel exécutif de maintenir sa position dans la durée, faute de légitimité auprès des urnes. Surtout, cette hypothèse se heurterait rapidement à la difficulté d’élaborer un nouveau budget pour 2025, alors que les différents groupes politiques peinaient déjà ces dernières semaines à trouver un consensus sur les textes budgétaires.

Qu’est-ce qu’un gouvernement en charge des affaires courantes ?

Lorsqu’un Premier ministre démissionne mais que son successeur n’est pas encore nommé, lui et ses ministres restent temporairement en fonction pour « gérer les affaires courantes », c’est-à-dire assurer la continuité de l’État, de ses services, et donc des fonctions essentielles et fonctionnement quotidien des administrations placées sous leur responsabilité. “Un ministre démissionnaire n’est plus vraiment un ministre, mais agit comme un ministre, il ne peut rien faire, il y a des limites à son pouvoir”précisé à Monde Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas, en juillet 2024.

Un gouvernement chargé de gérer les affaires courantes ne peut, en principe, prendre des mesures de nature politique : il ne peut pas créer de nouveaux droits et devoirs pour la population, prendre des mesures qui ne sont pas déjà prévues par les lois existantes et promulguées, ni procéder à des nominations importantes. Mais il peut prendre des décrets, des circulaires et des arrêtés pour mettre en œuvre les lois déjà votées.

Aucun texte juridique ne régit spécifiquement ce qu’un gouvernement démissionnaire peut ou ne peut pas faire. Il s’agit d’un principe traditionnel de droit public qui remonte au IIIee République, qui s’est affirmée dans la pratique. Mais faute de précédents, la jurisprudence est mince. « La frontière est difficile à établir, car elle relève du pouvoir discrétionnaire du Conseil d’Etat. », notait l’été dernier le constitutionnaliste Dominique Rousseau. Le Conseil d’État a le pouvoir de contester un décret s’il juge que la mesure dépasse l’objectif de maintien de la continuité des services publics.

En revanche, les pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire ne sont pas limités lorsque les mesures prises revêtent un caractère urgent. En cas de censure de son gouvernement, cette exception d’urgence pourrait permettre au gouvernement Barnier de présenter, avant la fin de l’année, un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer de collecter les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année.

Quand peut avoir lieu la prochaine dissolution de l’Assemblée nationale ?

Le retour aux urnes apparaît généralement comme une option pour clarifier ou résoudre une situation politique tendue. Mais, dans le cas présent et pour l’instant, cette hypothèse est en principe exclue. L’article 12 de la Constitution interdit de poursuivre “à une nouvelle dissolution l’année suivante” l’élection précédente.

L’Assemblée nationale élue en juillet 2024 est donc censée siéger au moins jusqu’à l’été prochain. Pour le professeur de droit public Julien Boudon, « la nouvelle dissolution ne pourrait intervenir, au mieux, que le 8 juillet 2025, soit un an après le second tour des dernières élections législatives » – ce qui impliquerait de faire voter les Français fin juillet ou mi-août, en pleine vacances d’été.

Romain Geoffroy, Romain Imbach et Asma Maad

 
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