Il en a fait « fils combat » depuis plus de trente ans. Le professeur Israel Nisand vient régulièrement dans les collèges pour parler de sexualité aux étudiants. Gynécologue reconnu, espère-t-il, dans cet entretien avec Ouest de la France, la publication prochaine d’un véritable programme d’éducation à la vie affective et sexuelle, détaillé dans Ouest de la France ce vendredi 29 novembre 2024. Et fustige les groupes de parents qui font pression pour que ces séances – censées être obligatoires trois fois par an – ne soient pas assurées.
Comme le constate le spécialiste en classe en répondant aux questions des collégiens : les adolescents sont de plus en plus confrontés à des contenus pornographiques en ligne. Des images parfois violentes qui déforment leur vision des relations sexuelles, notamment sur l’aspect du consentement. Selon le professeur Nisand, les élèves plus jeunes doivent également être informés pour se protéger de la violence que peuvent leur faire subir les adultes.
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Pourquoi est-il important d’éduquer les élèves à la sexualité ?
L’école est le lieu où l’on apprend toutes les connaissances. Lorsqu’il s’agit de vie émotionnelle et sexuelle, des connaissances sont nécessaires. De nombreux aspects de l’éducation relèvent de la responsabilité des parents – les valeurs, la morale, éventuellement la religion – mais ils ont besoin d’aide pour les autres. Notamment lorsqu’on parle de sexualité, au moment de la puberté.
Les associations militantes font pression pour que les séances n’aient pas lieu. Selon eux, ce ne serait pas le rôle de l’école…
Le débat a longtemps été alimenté par certains milieux catholiques très pratiquants qui prétendent qu’il s’agit d’une affaire privée. Ne pas aborder la sexualité au nom de tabous personnels, c’est manquer une étape dans l’éducation de nos enfants. Lorsqu’on n’apprend pas à un enfant à se respecter lui-même et à respecter les parties de son corps que les autres ne sont pas autorisés à toucher, la porte est ouverte aux abus sexuels. Selon les chiffres de Ciivise, près de 20 % des enfants subissent ces abus sexuels avec des séquelles permanentes pour les victimes. Il est donc important que cette information soit retirée de la famille.
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Quelles sont les conséquences d’un manque d’éducation sexuelle ?
Lorsqu’il n’y en a pas, ce sont les femmes qui paient la note. Ce ne sont pas les hommes qui doivent avorter d’une grossesse non désirée. Et si personne n’éduque les jeunes à la sexualité, la pornographie s’en charge à notre place, avec des conséquences désastreuses.
C’est à dire ?
Les vidéos des sites pornographiques – encore trop facilement accessibles en France, malgré la loi sur l’âge des utilisateurs – normalisent le non-consentement dans l’esprit des mineurs. La majorité de ces contenus dégradent l’image de la femme. Avant, il fallait chercher des images sur Internet. Désormais, ils sautent au visage des internautes. Ce qui peut conduire à de véritables addictions.
Vous travaillez dans les collèges depuis trente ans. Comment ont évolué les questions des étudiants ?
Au début, il s’agissait surtout de savoir comment éviter une grossesse non désirée, ou encore comment ne pas contracter d’infections sexuellement transmissibles. Les questions ont beaucoup changé à la fin des années 1990, avec l’avènement des sites pornographiques. Une semaine avant mon intervention, je demande toujours à un professeur de recueillir les questions par écrit, de manière anonyme. Et les adolescents en profitent souvent pour se déchaîner. Je me pose parfois des questions comme : la zoophilie est-elle normale ? Un jeune de 14 ans n’a pas l’esprit critique pour prendre du recul face à ces images violentes. Certains établissements me demandent d’intervenir un an plus tôt car ils ont constaté des pipes collectives en 9ème. La pornographie leur apprend cela et les parents ont besoin d’aide pour protéger leurs enfants, et ils le savent.
Ils n’abordent pas la notion de consentement ?
Oui, mais c’est plus d’informations que je leur donne. Je leur rappelle que « céder » ne signifie pas « consentir ». Ils sont réceptifs.
Le ministère de l’Éducation doit publier son programme, adapté à la maturité de l’élève. Que dire aux enfants ou aux adolescents ?
Jusqu’à la puberté, il doit avant tout être une éducation à la vie affective. Il faut faire comprendre aux enfants que leur corps leur appartient, personne n’a le droit d’y toucher. Surtout quand on se lave, à 5-6 ans. Pour les adolescents pubères, il doit s’agir d’informations sur la sexualité. Concernant la procréation, des cours de sciences de la vie et de la terre sont prévus. Mais parler de sexe sous un angle physiologique n’intéresse pas les adolescents. Ils doivent parler d’identité de genre, d’orientation sexuelle, de plaisir, mais aussi des risques et des bons comportements à adopter.