SE CONCENTRER – Les jihadistes et leurs alliés ont pris le contrôle de la majeure partie de la deuxième ville de Syrie, après deux jours d’offensive rapide contre les forces gouvernementales, a indiqué samedi une ONG.
Les jihadistes et factions rebelles du nord de la Syrie ont lancé leur plus grande offensive de ces dernières années contre le régime de Bachar al-Assad, parvenant en quelques jours à le vaincre, selon une ONG. « la majeure partie » de la métropole emblématique d’Alep.
Pourquoi une offensive maintenant ?
Mercredi, des jihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), alliance dominée par l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda, et des rebelles soutenus par la Turquie ont attaqué des territoires du régime dans la province d’Alep et dans la région voisine d’Idleb (nord-ouest). . Trois jours seulement auront suffi pour conquérir des dizaines de villages et surtout le « la majeure partie » quartiers d’Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
Les combats ont fait plus de 300 morts, principalement des combattants – dont une centaine de forces gouvernementales et leurs alliés – mais aussi 28 civils, selon l’ONG basée en Grande-Bretagne et disposant d’un vaste réseau de sources en Syrie.
L’opération était préparée depuis plusieurs mois, assure Dareen Khalifa, experte de l’International Crisis Group. « Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime »souligne Mme Khalifa, en allusion aux précédents bombardements intensifs de l’armée syrienne et de son allié russe, contre les zones rebelles du nord-ouest. Mais, souligne-t-elle, HTS et ses alliés « observer également les changements régionaux et géostratégiques ».
Leur offensive a été lancée le jour même de l’entrée en vigueur d’une trêve au Liban entre l’armée israélienne et le Hezbollah – allié du régime syrien et de Téhéran – et alors que la Russie est en pleine guerre en Ukraine. « Ils pensent que désormais les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé »souligne Mme Khalifa.
Ces derniers mois, parallèlement à la guerre au Liban, Israël a mené plusieurs frappes sur le territoire syrien, affirmant vouloir neutraliser le Hezbollah en ciblant ses transferts d’armes coordonnés avec Téhéran et les forces syriennes.
Quels enjeux diplomatiques ?
Aujourd’hui la perte des quartiers d’Alep est d’autant plus symbolique qu’en 2016, la reconquête par le régime de tous les secteurs rebelles de la métropole constituait une victoire essentielle pour Bachar al-Assad et ses alliés. Cette bataille d’Alep représente alors un tournant dans la guerre syrienne. Elle a été marquée par une intervention forte de l’armée de l’air russe, engagée en 2015 en Syrie pour remettre sur les rails le régime affaibli.
Vendredi, le Kremlin a appelé les autorités syriennes à « remettre les choses en ordre le plus vite possible » à Alep. Téhéran a dénoncé un complot ourdi par les États-Unis et Israël. Et après plus d’une décennie de guerre qui a divisé la Syrie, les belligérants sont toujours soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents.
L’offensive intervient également à un moment diplomatique délicat : depuis des années, un potentiel rapprochement entre Damas et Ankara est au point mort. Moscou et l’Iran plaident pour un assouplissement, mais Damas exige le retrait des troupes turques déployées dans le nord de la Syrie, le long de la frontière.
Pour Caroline Rose, du Newlines Institute basé à Washington, la réaction mesurée des alliés de Damas pourrait bien être « une manière de forcer le régime à négocier à partir d’une position plus faible, en l’absence de tout signe de soutien de la part des Russes et des Iraniens »elle estime sur le réseau social
La Turquie, qui soutient les rebelles dans le nord de la Syrie, a appelé à la fin “attaques” du régime contre l’enclave d’Idlib. “Dans les prochains jours, si (les rebelles) parviennent à conserver leurs acquis (territoriaux), ce sera un test révélateur de l’ampleur de l’engagement turc”dit Mme Khalifa.
Le régime est-il affaibli ?
L’offensive constitue indéniablement un coup dur pour Damas. « Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a surpris tout le monde »estime Mme Khalifa. Les rebelles ont coupé l’autoroute stratégique M5 reliant Damas à Alep, ainsi qu’un carrefour routier assurant la liaison avec Lattaquié.
Malgré les combats confirmés par l’armée syrienne, jihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à “pas de résistance significative” assure Rami Abdel Rahmane, qui dirige l’OSDH. Dans le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l’aviation russe et des forces du Hezbollah libanais – absorbées depuis deux mois par leur guerre ouverte contre Israël. Mais “la présence russe a été considérablement réduite”explique l’analyste Aaron Stein.
L’éblouissement de l’offensive vient « rappelez-vous à quel point le régime est faible » estime-t-il, ajoutant que les forces progouvernementales avaient probablement baissé la garde grâce au calme précaire qui régnait dans le nord.