L’armée française l’a toujours considéré comme son fief en Afrique. Un porte-avions au milieu du désert qui, malgré les vents contraires venus du Sahel ces dernières années, a dû être préservé. Le Tchad, qui abrite l’une des cinq bases militaires françaises sur le continent, et où des générations d’officiers français se sont succédées depuis l’indépendance en 1960, a annoncé jeudi 28 novembre rompre l’accord de défense liant les deux pays. Une décision “ce qui marque un tournant historique”, selon le communiqué de la diplomatie tchadienne, qui ajoute que le moment est venu “d’affirmer sa pleine souveraineté, et de redéfinir ses partenariats stratégiques”.
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Si N’Djamena précise que “cette décision ne remet en aucun cas en cause (…) les liens d’amitié entre les deux nations”la gifle est inattendue pour Paris. Ce communiqué intervient alors que l’avion du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, vient à peine de décoller du Tchad – après une visite express de vingt-quatre heures dans le pays. A l’Elysée, au ministère des Armées, ou encore au Quai d’Orsay, personne ne semblait avoir été prévenu. Plusieurs officiers français, en visite à N’Djamena pour discuter de la poursuite de la coopération militaire, n’avaient pas non plus été informés.
D’ailleurs, même du côté tchadien, certains semblaient surpris. Selon des sources concordantes, le ministre de la Défense lui-même a eu connaissance de cette décision du président Mahamat Idriss Déby juste avant la diffusion du communiqué. Elu en mai, après avoir succédé à son père en 2021, le général de 40 ans était le dernier allié de la France au Sahel depuis que l’armée française a été chassée du Mali, du Burkina Faso puis du Niger par les juntes qui y ont pris le pouvoir entre 2020 et 2023. Alors qu’il regardait déjà vers Moscou, où il s’est rendu en janvier, le président tchadien n’a guère apprécié que le Parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire à son encontre pour des soupçons de des gains mal acquis. “C’est l’étincelle qui a révolté la famille” raconte un responsable à N’Djamena, d’accord que “Moscou n’est pas loin”, en embuscade
“Parfum de rupture”
Pour l’armée française, l’explosion tchadienne est d’autant plus désastreuse qu’elle intervient quelques heures après un premier revers infligé par un autre partenaire historique africain : le Sénégal. Juste avant l’annonce de N’Djamena, le président Bassirou Diomaye Faye, défenseur d’une ligne souverainiste, affirmait dans un entretien à Monde qu’il n’y aurait bientôt plus de soldats français – et donc plus de base à Dakar – dans son pays. Même si les dirigeants français minimisent volontiers le phénomène, après le divorce avec les pays sahéliens, les fissures sont de plus en plus visibles dans toutes les anciennes colonies. « C’est une évolution qui sent la rupture. Il y a de l’eau de tous les côtés. note un diplomate africain.
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