“Jusqu’à la fin de la vie, nous avons une mission.” Cette phrase, prononcée par une « collègue » de son âge, va servir de déclencheur à Émilie (Yolande Moreau), une septuagénaire qui vient de perdre son fils unique et qui se retrouve, du jour au lendemain, faute d’argent, expulsée de l’Ehpad où elle occupait une chambre. C’est le début d’une étrange escapade, à la fois comique, poétique et mélancolique, dans laquelle il s’agit d’un petit carnet vert et d’une liste de noms à rayer. Des noms, six au total, qui sont des personnes qui ont à un moment ou à un autre humilié, blessé ou rabaissé Émilie. Au cours de son aventure (presque) sauvage, il y aura une moche prise d’otages au pistolet-alarme, ou encore un rodéo sur un terrain vague qui finira mal pour une Citroën C4.
Émilie fera également des émules. Au moins une : Linda (Laure Calamy), une femme de ménage également abîmée par la vie. Ensemble, nous sommes plus forts, nous sommes plus fous. Même si deux policiers pas très en forme, incarnés par Anna Mouglalis et Raphaël Quenard, très faiblement se lança à sa poursuite. ” Pour cette escapade à deux, j’avais en tête Thelma et Louise, mais sans violence ni effusion de sang. “, expliquer Gustave Kervern, qui réalise ici son premier téléfilm, après dix films de cinéma co-écrits et co-réalisés (Louise-Michel, Mammuth, Eraser l’histoire…) avec son complice, Benoît Delépine.
UN ROAD-MOVIE JOLIMENT FOLLE
« La vengeance passe par les paroles, et un peu par les actes aussi, pour faire prendre conscience aux autres du mal qu’ils ont causé. J’ai d’abord pensé à une retraitée aux abois, incapable de payer son Ehpad, puis j’ai imaginé qu’elle est accompagnée d’une autre femme qui a des choses à régler : aide-ménagère, elle est une de ces ombres invisibles. S’est alors formé le duo de policiers, qui ont presque les mêmes blessures, les mêmes souffrances à vie, et qui portent leur tristesse tout au long de la vie et dans leurs enquêtes.. » Récompensé à La Rochelle Fiction Festival 2024 comme Meilleure réalisation pour une fiction, J.il ne me laissera plus faire est à la fois un road movie, calme mais doucement fou, et une comédie cinglante remplie de petits moments de grâce.
Comme ce moment où un personnage vêtu de noir, d’apparence austère et menant une cérémonie d’enterrement dans une église, se met à se déhancher et à danser au rythme d’une chanson punk-rock jouée pour rendre hommage au défunt. Ou cette scène drôle et poétique où le personnage de Raphaël Quenard, très trempé et blessé au dos après avoir fait exploser une table basse en verre, s’observe longuement dans le miroir de sa salle de bain pour trouver où et comment coller un pansement, et finit par l’appliquer sur… le miroir. ” Nous vivons tous dans notre vie de petites humiliations, même insignifiantes, des frustrations qui nous accompagnent pendant des années, et auxquelles nous regrettons de ne pas avoir réagi, explique Gustave. Je voulais dire ça. »
Je ne laisserai plus ça arriver, vendredi 29 novembre à 20h55 sur Arte