Raphinha, il était une fois l’ouest – C1 – J5 – Barça-Brest

Ils ne devraient pas être nombreux au FC Barcelone capables de faire connaître Brest, lorsqu’ils accueilleront les Finistériens à Montjuïc, en Ligue des Champions, ce mardi soir. Dans le vestiaire catalan, il faudra peut-être se tourner vers le Parisien Jules Koundé ou, pourquoi pas, Raphinha. L’homme fort et actuel capitaine du Barça (13 buts, 10 passes décisives en 18 matchs cette saison) a déjà mis les pieds dans la cité corsaire, et même au stade Francis-Le Blé. C’était le 14 septembre 2019 pour ses grands débuts sous le maillot (bleu, une fois n’est pas l’usage) du Stade Rennais (0-0). Le Brésilien a même inscrit un but, finalement refusé après une énorme mésentente ponctuée par la VAR, Clément Turpin et Brestois menaçant de quitter le terrain en cas de pion validé. A l’époque, il était difficile d’imaginer voir ce type inscrire un triplé contre le Bayern Munich dans la compétition reine ou s’imposer comme un leader parmi les Blaugrana. « Je pense que personne ne se rendait compte de la chance que le Stade rennais avait d’avoir ce joueur »présente son ancien président Olivier Létang. L’aventure bretonne de « Raphi » n’a duré que treize mois, dont un tiers passé en confinement. Une sorte d’étoile filante qui n’a pas vraiment eu le temps de scintiller, mais qui a laissé quelques souvenirs et dont le départ est resté longtemps un mystère.

Transfert surprise et bon ami

Lorsqu’il posait ses valises dans la capitale bretonne en septembre 2019, Raphinha (à ne pas confondre avec Rafinha) arrivait avec deux étiquettes : celle de promesse pour 22 ans et surtout celle du plus gros transfert de l’histoire du club, avec un somme à peu près similaire à celle dépensée pour son compatriote Severino Lucas une quinzaine d’années plus tôt (21 millions d’euros). «Quand le président Létang me dit qu’il y a une opportunité de le faire venir, franchement, je lui dis que c’est impossiblese souvient Romain Salin, alors tout juste revenu dans son club formateur après avoir passé une saison dans la même équipe que l’attaquant brésilien au Portugal. Entre le Sporting et Rennes, il n’y a pas photo. Pour moi, c’est un pas en arrière. » Les Rouge et Noir ont quelques arguments à faire valoir dans les négociations : une nouvelle Coupe de en fenêtre, des frissons européens contre le Real Betis et Arsenal et un début de saison tonitruant (9 points sur 9).

En face, le Sporting a besoin de vendre et c’est a priori entre Bruno Fernandes, dont le prix est fixé à 70 plaques, Marcos Acuña et donc Raphinha, une saison et une quarantaine de matches dans son sac. « La première fois que je suis allé le voir à Lisbonne, je lui ai demandé : « C’est quoi Rennes pour vous ? Tout en connaissant la réponse, et c’était normal qu’il ne le sache pasreplaces Létang. Il a fallu le convaincre que c’était le bon projet. Une fois embarqué, nous avons beaucoup discuté avec le président du Sporting pour réussir le transfert. » Née à Porto Alegre et passée par Guimarães, où les hivers sont froids, Raphinha ne craint pas les changements de température, commence à apprendre le français, reste 3-4 mois dans un hôtel (Salin : “C’était une situation vraiment embêtante pour lui, alors il est venu manger à la maison”) et finit par trouver une caserne à Pacé, en petite couronne rennaise, où il passera le confinement malgré son envie de rentrer au Brésil. « Je me souviens lui avoir dit : « Si vous partez et qu’il faut reprendre le championnat, vous serez bloqués et nous sommes morts », rappelle Salin, aujourd’hui retraité. On ne lui dit qu’une seule fois à Raphi, il comprend très vite. Honnêtement, c’est plus facile de gérer Raphinha que mes joueurs de R1 à Bréquigny. »

Si tout le monde boit, il boira une bière et regardera les gars avec un grand sourire. C’est un gars du vestiaire qui respire le football et l’aventure humaine.

Romain Salin

Le garde s’impose rapidement comme un personnage central de l’aventure de Raphinha sur les bords de la Vilaine. Si le club a rapidement assigné Joaquim Preto, ancien adjoint de László Bölöni, au rôle de traducteur, le néo-Rennais compte surtout sur Salin. “Pendant les discussions, il avait tendance à écouter son ami”rigole Matthieu Le Scornet, alors adjoint de Julien Stéphan. « Il avait la chance d’avoir Romain, qui était bilingue en portugais.s, confirme Clément Grenier, désormais consultant sur Canal+. Son adaptation était simplifiée et, en plus, il parlait français très vite. » Le garçon n’est pas du genre à se cacher ou à rester dans son coin, il est « tactile » et a « C’est facile d’accepter »assures Le Scornet.

Un repas en groupe ? Pas de problème, il est de la partie. Salin : « Si tout le monde boit de la bière, il boira une bière et regardera les gars avec un grand sourire. C’est un gars du vestiaire qui respire le football et l’aventure humaine. » Si les deux hommes n’étaient pas particulièrement proches au Sporting, Salin affirme avoir remporté un “véritable ami” à Rennes. Le genre qui ne l’a pas oublié quelques années plus tard lorsque le gardien venait passer des vacances à Barcelone, avec des billets pour les matchs contre le Shakhtar et le Real Madrid, ou encore un déjeuner organisé chez lui la veille du match. Classique. « Il avait une table de volley-ball dans sa salle de sport. On jouait ça tout le temps à Rennes, donc on rejouaitprécise Salin. Je transpirais, il jouait au Real le lendemain… »

Le derby à bascule

Et qu’en est-il du football ? Le passage de Raphinha à Rennes compte 8 buts et 6 passes décisives en 36 apparitions, un bilan honnête, qui ne laisse pas non plus présager que les Loustic feront les beaux jours du Barça quatre ans plus tard. “Quand il arrive, je me dis qu’il va falloir qu’ils comprennent que c’est un gros moteur, qu’il a besoin de beaucoup s’entraînersuite de la traduction. Au Sporting, Bruno Fernandes, Jérémy Mathieu et lui adoraient rester en fin d’entraînement. Le problème à Rennes, c’est qu’ils voulaient tout contrôler et ils l’arrêtaient tout le temps. » Le Scornet parle d’un joueur impressionnant dans le « efforts “, LE « contre-efforts » et le “haute intensité »avec une envie de toujours travailler plus dur sur ses finitions. “Il savait qu’il n’était pas performant, il faisait un travail supplémentaire pour y arriver, illustre l’actuel entraîneur de la réserve strasbourgeoise, qui confirme avoir souvent dû être arrêté. On l’a aussi fait travailler au milieu, il a joué quelques matches en tant que deuxième attaquant, il bougeait bien, il était bon techniquement sous pression. Là, je le vois parfois tourner autour de Lewandowski, ça me fait sourire. »

Les compliments sont légion chez ses anciens partenaires rennais, Clément Grenier parlant d’un « patte gauche extraordinaire » et un « pied droit assez efficace »de « sa capacité d’adaptation » un toi « traiter » pouvoir se retrouver les yeux fermés sur un terrain avec lui. Il lui aura encore fallu attendre son onzième match pour faire trembler les filets, sur un penalty offert par M’Baye Niang lors d’un succès contre Amiens. “M’Baye a des bonus dans son contrat pour les buts et les passes décisives, mais il savait que Raphinha n’avait pas encore marqué et il lui a donné le ballon »sourit Létang. Preuve d’un homme intégré, qui le devient un peu plus un soir glacial de janvier, en inscrivant un doublé taper sur dans un derby fou contre Nantes où les Rennais étaient menés 2-1 à la 94ee minute, un soir où il avait « il s’est passé quelque chose en ville » pour la traduction. « C’est le match qui chamboule toutestime Le Scornet. Il a compris cette rivalité, donc il nous a touchés ainsi que les supporters et il a pris confiance. »

« Faute professionnelle »

Son départ en toute fin de mercato quelques mois plus tard, après une saison tronquée et au moment de voir le Stade rennais découvrir les stars de la Ligue des champions, compétition qu’il rêve de disputer, est difficile à comprendre. D’autant que l’attaquant alors représenté par Déco, qui n’hésitait jamais à mettre en avant son client dans les médias internationaux, ne souhaitait pas quitter la Bretagne. « Il pensait que pour son épanouissement et sa maturité, il devait rester à Rennesconfirme Grenier. Il était assez triste, c’est arrivé très vite pour lui. » Romain Salin revient en coulisses : « Il m’appelle pour me dire qu’on a besoin de se voir. J’arrive, il a l’air d’un con, le visage fermé, il me dit : “Savez-vous?” Et là il me dit que le club a accepté un transfert de 17 millions (venant de Leeds United, NDLR). Sur le moment, il s’offusque, il dit qu’on ne le respecte pas. C’est quelque chose d’émotionnel, c’était fini, c’était cassé. » Le Brésilien dispute un dernier match au Roazhon Park contre Reims, signe un but et une passe décisive, et ne cache pas qu’il boude.

Il pensait que pour son épanouissement et sa maturité, il devait rester à Rennes. Il était assez triste, c’est arrivé très vite pour lui.

Clément Grenier

Une photo montre alors le Brésilien entouré de Salin, Damien Da Silva et Julien Stéphan, alimentant la thèse d’un joueur décidé à partir et qui tentait de conserver et présentée comme un coup monté par certains observateurs. « Personne dans le groupe ne veut le voir partir. Même son concurrent Romain Del Castillo souhaitait qu’il reste, ils s’entendaient vraiment bien. Je lui dis aussi qu’il peut rester s’il veut, qu’il n’est pas obligé d’accepter »résume Salin. Dans le même temps, Florian Maurice finalise l’arrivée de Jérémy Doku, et plusieurs sources parlent d’une volonté de Julien Stéphan de se séparer de Raphinha. «Stéphan lui dit : “Si tu veux, tu peux rester”, mais ce n’est pas très convaincant. Ils se sont tous blâmés par la suite. » L’ancien technicien rennais nie encore aujourd’hui ces allégations. En tout cas, pour Salin, ” je Ils n’ont pas réalisé son impact sur le groupe ».

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Salin parle toujours d’un « faute professionnelle »de le revendre à un prix inférieur (17 à 18 millions d’euros) à celui de son achat un an plus tôt. Olivier Létang, licencié quelques mois plus tôt et resté en contact avec l’attaquant avec qui il avait même tapé dans le ballon pendant le confinement, n’a pas dit autre chose : « Il faut respecter les choix faits par les clubs, mais le faire partir contre son gré était très surprenant, voire incompréhensible pour moi qui le connais très bien. » Ainsi s’achève l’histoire peut-être inachevée de Raphinha avec le Stade rennais, où d’autres favoris et bons joueurs permettent au club breton d’accéder aux qualifications européennes. Pour Grenier, ce n’était peut-être pas la destination qu’il “espéré” après Rennes. «Quand il est parti pour Leeds et la Premier Leaguecontinues Le Scornet,Je me souviens lui avoir dit :“En route contre la Sélection.”» Il a pu y goûter un an plus tard, en octobre 2021, et fait désormais partie des habitués de la sélection brésilienne (31 sélections, 10 buts). Sa carrière aurait pu ressembler à autre chose, il l’embrasse avec bonheur en ce moment, s’imposant comme l’un des visages du séduisant Barça de Hansi Flick. Il ne lui reste plus qu’à marquer un but valable contre Brest cette fois.

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