Ce 25 novembre, Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, l’ambiance était plus qu’électrique à Avignon, où se tient depuis le 2 septembre le procès des viols de Mazan devant le tribunal correctionnel du Vaucluse. Déjà mobilisées depuis le début des débats, les féministes de différentes émanations – les Amazones d’Avignon, la Brigade d’actions féministes en faveur de l’égalité (Baffe), Osez le féminisme, notamment – n’ont jamais baissé les bras. Ils sont en guerre. Surtout ce lundi au moment des réquisitions du ministère public. A l’intérieur du court, dans la salle de diffusion, ils n’en ont pas raté une miette, réagissant avec virulence à certaines annonces. « Vingt ans pour tout le monde ! » chantent-ils dans la Salle des Pas Perdus.
Mélissa Plaza, ex-footballeuse pro : “C’est important de lutter contre la culture du viol, l’impunité des violeurs, la soumission chimique”
Dans l’après-midi, ils ont pris d’assaut le boulevard devant le palais de justice, brandissant des banderoles et scandant à l’unisson des slogans : « Stop au viol », « Hommes, éduquez vos fils », « Sécateurs pour violeurs »… Parmi les temps forts de ce « spectacle » , un haka féministe qui réunissait les militantes dans une chorégraphie martiale interprétant les séquences du procès. Ou encore la prestation, debout sur un tabouret, de l’ancienne footballeuse professionnelle Mélissa Plaza, qui a consacré un slam à l’attention des victimes. « Il faut lutter contre la culture du viol, l’impunité des violeurs, la soumission chimique – l’histoire de Gisèle est aussi la mienne », confie-t-elle à la fin. Les athlètes devraient s’impliquer davantage, se politiser un peu plus et mettre leur notoriété au profit de la cause des femmes. »
Le consentement dans la loi : pourquoi ?
La veille, le groupe de manifestants s’était réuni à la tombée de la nuit pour escalader les remparts et accrocher des banderoles malgré le mistral. Les rues du centre-ville en sont couvertes.
Un peu plus tôt encore, ils s’étaient retrouvés au théâtre Saint-Michel, pour répéter le haka, bien sûr, mais aussi pour participer à une soirée-débat sur l’inscription du consentement dans la loi, animée par Catherine Le Magueresse, docteur en droit et chercheuse féministe. Avec un groupe d’avocats, de magistrats, de chercheurs et de juristes, elle travaille sur ce sujet qui divise les féministes. Ce dimanche soir, l’audience n’était pas gagnée à la cause du consentement à la loi.
« N’est-ce pas un piège pour la victime ? » « Et si la femme donne son consentement à l’instant M mais n’est pas d’accord avec le déroulement des événements ? Faut-il contractualiser tous les moments d’un acte sexuel ? » demande l’un des militants, dont certains viennent de Suisse ou du Canada.
Le débat était lancé. Catherine Le Magueresse n’avait plus qu’à dérouler. Expliquez comment elle a revisité le droit pénal français à la lumière des failles du système. « Les lacunes dans le traitement des violences sexuelles proviennent-elles de l’application de la loi ou est-ce la loi elle-même qui est sexiste ? » demande-t-elle. C’est au Canada qu’elle retrouve la méthodologie appliquée à ce questionnement : « La loi ne peut pas véhiculer de stéréotypes de genre. Pour le vérifier, il faut regarder comment cela s’applique spécifiquement aux femmes. ” Répondre ? « Sur n’importe quel sujet, les textes fonctionnent moins bien pour les femmes. »
Droit pénal : enraciné dans le patriarcat
Surprenant? Non si l’on considère que « l’arsenal législatif français trouve ses racines dans le code napoléonien, ou dans le patriarcat le plus pur ». Et depuis, cela a peu changé. « Au XIXème sièclee Déjà un siècle, le viol est défini comme un coït illicite (hors mariage) commis par la violence. Reste à prouver qu’il y a eu des violences. » Mais 70 % des victimes de violences sexuelles sont stupéfaites. Et avoir ajouté « par contraintes, menaces ou surprises » tout au long de la jurisprudence ne suffit pas.
« Tout part du fait qu’il existe une présomption de consentement par défaut, celle-ci ne s’efface que si l’on peut prouver les violences, les menaces, les contraintes ou les surprises. On s’attend donc à une résistance particulière de la part des femmes. »
Le collectif de chercheurs invite donc à « inverser le paradigme » en partant d’un « consentement positif et féministe qui serait un accord libre de toute coercition ». Par conséquent, chaque personne doit prendre des mesures raisonnables et volontaires pour garantir qu’il y a consentement. »
Ce qui pourrait tout changer : « Depuis le dépôt de plainte jusqu’au procès, il ne s’agirait plus d’orienter l’enquête et l’interrogatoire sur la victime mais sur le comportement de l’auteur des faits. »
En attendant, les féministes continueront à se battre.