L’inquiétude s’est accrue en France vendredi 23 novembre sur le sort d’un éminent romancier franco-algérien détenu dans son pays de naissance, son éditeur demandant sa libération immédiate et le président Emmanuel Macron suivant de près l’affaire. Boualem Sansal, figure majeure de la littérature moderne francophone, est connu pour ses positions fermes contre l’autoritarisme et l’islamisme ainsi que pour son fervent militant sur les questions de liberté d’expression.
L’écrivain de 75 ans, qui a obtenu la nationalité française cette année, a été arrêté samedi dernier à l’aéroport d’Alger à son retour de France, selon plusieurs sources jointes par Le Monde. Son arrestation a été signalée pour la première fois par Marianne. Sa détention par l’Algérie intervient dans un contexte de tensions entre la France et son ancienne colonie qui semblent également s’être propagées au monde littéraire.
Les éditions Gallimard, qui publient son ouvrage depuis un quart de siècle, ont exprimé dans un communiqué “sa très profonde inquiétude suite à l’arrestation de l’écrivain par les services de sécurité algériens”, appelant à sa “libération immédiate”.
Il n’y a eu aucune confirmation de la part des autorités algériennes concernant son arrestation et aucun autre détail sur sa situation.
Macron est « très préoccupé par la disparition » de Sansal, a déclaré un responsable présidentiel français, sous couvert d’anonymat. “Les services de l’Etat sont mobilisés pour clarifier sa situation”, a indiqué le responsable, ajoutant que “le président exprime son attachement indéfectible à la liberté d’un grand écrivain et intellectuel”.
Relativement tardif dans l’écriture, Sansal s’est tourné vers le roman en 1999 et a abordé des sujets tels que l’horrible guerre civile des années 1990 entre les autorités et les islamistes. Ses livres ne sont pas interdits en Algérie mais il est un personnage controversé, notamment depuis sa visite en Israël en 2014.
La haine de Sansal envers l’islamisme ne s’est pas limitée à l’Algérie et il a également mis en garde contre une islamisation rampante en France, une position qui a fait de lui un auteur privilégié de personnalités de droite et d’extrême droite. D’éminents hommes politiques de ce côté de l’échiquier politique se sont empressés de faire écho à l’expression de l’inquiétude de Macron à l’égard de l’écrivain.
« Adversaire courageux de l’islamisme »
Edouard Philippe, ancien Premier ministre de centre-droit et candidat à l’élection présidentielle de 2027, a écrit sur X que Sansal « incarne tout ce que nous chérissons : l’appel à la raison, à la liberté et à l’humanisme contre la censure, la corruption et l’islamisme ». La figure de proue de l’extrême droite Marine Le Pen, autre candidate potentielle à 2027, a déclaré : « Cette combattante de la liberté et courageuse opposante à l’islamisme aurait été arrêtée par le régime algérien. C’est une situation inacceptable.
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En 2015, Sansal remporte le Grand Prix du Roman de l’Académie française, gardienne de la langue française, pour son livre 2084. La fin du monde (2084 : La fin du monde)un roman dystopique inspiré de celui de George Orwell Dix-neuf quatre-vingt-quatre et se déroule dans un monde totalitaire islamiste au lendemain d’un holocauste nucléaire. Son éditeur a déclaré que les romans et essais de Sansal « révélaient les obscurantismes de toutes sortes qui affectent tragiquement le cours du monde ».
Les inquiétudes concernant son arrestation surviennent alors qu’un autre éminent écrivain franco-algérien, Kamel Daoud, est attaqué à cause de son roman. Hourisqui a remporté le plus grand prix littéraire de France, le Goncourt. Une femme a affirmé que le livre était basé sur son histoire de survivants aux massacres islamistes des années 1990 et utilisé sans son consentement.
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Elle a affirmé à la télévision algérienne que Daoud avait utilisé l’histoire qu’elle avait racontée confidentiellement à une thérapeute – qui est aujourd’hui son épouse – pendant son traitement. Son éditeur a nié ces allégations.
Les controverses se déroulent dans un contexte diplomatique tendu entre la France et l’Algérie, après que Macron a renouvelé le soutien français à la souveraineté marocaine sur le territoire contesté du Sahara occidental lors d’une visite historique dans le royaume le mois dernier. Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est de facto contrôlé en grande partie par le Maroc. Mais elle est revendiquée par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, qui réclament un référendum d’autodétermination et sont soutenus par Alger.
Daoud a quant à lui demandé la libération de Sansal, écrivant dans la droite Le Figaro: «J’espère sincèrement que mon ami Boualem nous reviendra très bientôt», tout en exprimant sa perplexité face à «l’imprudence» dont Sansal aurait fait preuve en se rendant en Algérie.