Ces dernières années, la foire Sainte-Catherine de Vesoul, institution multiséculaire s’il en est, est devenue un formidable support de communication pour le Rassemblement national. De Marine Le Pen qui y a pris un bain de foule, à Jordan Bardella ce lundi, l’événement est une « machine à selfie » incontournable, qui accrédite l’idée que le parti d’extrême droite a conquis les territoires ruraux, et le cœur des citoyens. ceux qui y vivent. Ainsi, les responsables du RN profitent pleinement, dans la préfecture du Haut-Saône, d’un accueil très favorable, dont les photos sont immédiatement partagées sur des milliers de comptes de réseaux sociaux.
“Jordan Bardella va où il veut, et moi aussi”
N’est-ce pas pour laisser ce privilège à ses adversaires que le maire Alain Chrétien a invité Edouard Philippe, le président de son parti Horizons, à venir visiter la foire cette année ? Les deux hommes nient. Le premier rappelle qu’il est originaire du département, et qu’il vit depuis longtemps la vie rurale au quotidien, notamment dans sa commune de Vesoul, qu’il qualifie de « plus grand village de Haute-Saône ». Le second, candidat déjà déclaré à l’élection présidentielle, explique que depuis trois ans, il sillonne les territoires, non pas pour multiplier les selfies, « mais pour écouter ce que disent les habitants, apprendre d’eux, et nourrir la population ». projet ambitieux » qu’il pense avoir pour la France. « Jordan Bardella va où il veut, et moi aussi », résume-t-il.
Et il arrive, comme ce lundi, qu’il soit au même endroit. Avec des styles fondamentalement différents, à commencer par la tenue. L’ancien Premier ministre a opté pour un col roulé, une veste coudière très « casual » et un jean, pour un look plutôt décontracté. Le malheureux prétendant de Matignon avait choisi son habituel costume-cravate bleu marine, plus strict, mais peut-être plus seyant sur les photos… Un costume dont le jeune président du RN a rapidement « détaché » la veste, éclaboussée d’un œuf envoyé du foule dès qu’il descendit de sa voiture officielle.
54 kg les deux cochons
Mais évidemment, c’est dans leur manière de se déplacer dans la foire que les différences entre les deux personnalités s’exprimaient le plus. Edouard Philippe se promène tranquillement sous la conduite d’Alain Chrétien, posant ici dans un stand de gaufres, là discutant longuement avec le président de la CCI Jean-Luc Quivogne, ou encore avec un chef d’entreprise qui est aussi éleveur de chevaux, Claude Marconot. Plus loin, le patron d’Horizons devait encore rencontrer des représentants du monde agricole, dont ceux de la FDSEA, qui l’ont interrogé sur le Mercosur, cet accord de libre-échange qui cristallise leurs inquiétudes.
L’ancien Premier ministre a également dû essuyer quelques propos plutôt « cash ». Comme celui de cet habitant qui lui reprochait l’instauration des 80 km/h. « Vous avez fait ralentir la France de 10 km/h ! » accusa-t-il de manière quelque peu énigmatique. Autre question non filtrée, cette fois de Philippe Auger, éleveur haut-saônais de vaches charolaises. « Comment avez-vous fait pour supporter l’autre imposteur pendant trois ans ? » a-t-il demandé en désignant, sans le nommer, le président Emmanuel Macron. L’ancien chef du gouvernement ne lui adressait qu’un sourire gêné pour toute réponse… Une visite finalement très « démodée », qui se terminait par quelques remises de prix aux lauréats des concours agricoles et aux Catherinettes, et par le non pesée moins traditionnelle des deux porcs à vue.
Un sourire pour chaque selfie
En revanche, la foule rassemblée deux heures plus tard autour de Jordan Bardella tout au long de son parcours avait quelque chose à décider. Un enthousiasme parfois confinant à l’hystérie, notamment chez les jeunes, ivres de bonheur après avoir obtenu « leur » selfie, leur autographe sur un vieux tract de campagne ou leur dédicace sur le livre du jeune leader d’extrême droite. Dans cet exercice de style « pop star », le président du RN excelle, affichant un sourire éclatant sur commande ou enregistrant une vidéo pour Marie-Claude, la mère d’un jeune homme qui l’aborde : « Nous sommes très déçus que vous ne soyez pas Ne soyez pas là, on vous embrasse ! « .
Et si malgré tout, on devait trouver un point commun entre les deux visiteurs du jour, c’est peut-être une réputation qui reste encore à parfaire chez certains. Comme en témoigne cette dame lors de la visite d’Edouard Philippe : « Il m’a serré la main, mais je ne sais pas qui c’est ! » Ou encore cet homme rencontré dans le rush de l’après-midi, très content de son exploit, qui criait : « Ça y est, j’ai mon selfie avec Zordan ! »
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