FErme de Buglose, à Saint-Vincent-de-Paul, dans les Landes. Au cœur d’une prairie et d’une forêt d’une soixantaine d’hectares, une centaine de vaches paissent l’herbe. « En hiver, on les laisse tranquilles. Nous leur donnons à manger et nous nous assurons qu’ils vont bien, qu’ils n’ont pas besoin de l’intervention d’un vétérinaire. » Teddy Labat, 43 ans, est à la tête d’une entreprise d’élevage familiale créée en 1941 par son grand-père. Un élevage qui, pendant cinquante ans, a fourni ses « cowlets » au jeu culte lancé par Guy Lux en 1962 sur RTF : Intervilles.
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Alors, lorsque Teddy apprend la décision de France Télévisions de relancer le programme sans les bovins, il est déçu : « Ils vont se priver du meilleur. Les vaches sont la seule chose qui ne peut être calculée par l’homme. C’est imprévisible et spectaculaire. Dommage pour eux», estime-t-il.
Bayonne, Dax et Mont-de-Marsan ne seront pas présentsIntervilles
L’été prochain, les téléspectateurs de France 2 assisteront en effet au retour de la célèbre émission dans une nouvelle version. Si deux villes s’affronteront toujours lors d’épreuves physiques et d’adresse, exit les bovidés qui prêtaient leurs cornes et leur tête au logo du programme et faisaient aussi courir les candidats, pas toujours fiers de se retrouver face à eux. La décision a été prise par Nagui, animateur et producteur de cette Intervilles 2025grand défenseur de la cause animale. « Il n’y a plus d’animaux dans les émissions télévisées aujourd’hui. On connaît leur sensibilité au bruit et à la foule, leur inconfort. Sans parler des risques de blessures pour les humains », a-t-il déclaré à nos confrères de Ouest de la France.
Une annonce qui a rapidement fait rugir plusieurs villes historiques au programme. Dax, Mont-de-Marsan et Bayonne ont déclaré ne pas vouloir y participer. Yves Ugalde, adjoint au maire chargé de la culture de la ville basque, a notamment indiqué que « la télévision veut relancer une émission culte sans aucunement assumer la responsabilité de son contenu. La vache est l’élément constitutif, le sel de ce divertissement. »
Charles Dayot, le maire de Dax – ville qui est d’ailleurs la première gagnante du jeu – le rejoint : « Intervilles sans vaches, ce n’est pas le cas Intervilles. C’est autre chose, c’est une foire, ou un jeu télévisé en quelque sorte, mais ça ne s’appelle pas Intervilles. »
La course automobile, un sport national dans le Sud-Ouest
Il faut dire que, dans ce coin du sud-ouest, les vaches sont sacrées. « Lors des fêtes de Bayonne, on les lâche sur une place et tout le monde s’amuse. Cela fait partie de l’ADN et des rites initiatiques de nos régions », rappelle André Viard, chargé de projet à l’Union des villes taurines. Un peu plus au nord, dans les Landes, on aime aussi défier l’animal, en sautant par-dessus ou en le faisant dévier de sa trajectoire en effleurant ses cornes.
Ce sport, reconnu par le ministère de la Jeunesse et des Sports et inscrit au patrimoine culturel immatériel de France depuis 2020, a aussi un nom, la course landaise, et son propre championnat de France. « Ces courses existent depuis le Moyen Âge », rappelle Patrice Larrosa, président de la Fédération landaise des courses. A l’époque, les jeunes couraient derrière les vaches et les bœufs que les bouchers amenaient à l’abattoir. Et puis, au 19èmee siècle, des arènes furent construites. » Pour lui, comme pour les toreros, dans cette activité, la maltraitance animale n’existe pas : « Les vaches sont aussi connues et célèbres que les athlètes. Ils ont tous un prénom et lorsque l’une d’entre elles décède, elle fait la Une du journal de la Fédération. Ce sont pour nous des êtres à part entière. »
Teddy Labat confirme. Chaque été, les ruminants de l’éleveur sont les vedettes des expositions – Top à la vachette – données dans le sud-ouest et le sud-est. “Il n’y a pas d’entraînement, pas de dressage”, explique-t-il. Les vaches ont la capacité de jouer et de s’amuser dans un espace clos. Lorsque vous les mettez dans le camion avant un voyage, vous n’avez pas besoin de les forcer. Ils y vont seuls, on ne les force pas. S’ils refusaient de participer, ils resteraient dans le coin, ils ne sortiraient même pas de leur box », raconte-t-il avant de poursuivre : « Nos vaches passent toute leur vie avec nous jusqu’à leur mort. Nous ne les élevons pas pour les manger et ce ne sont pas des produits jetables. Nous les aimons. Nous ne nous permettrions pas de les faire courir dans une arène si nous pensions que cela pourrait leur nuire. »
Intervilles un danger ?
Les animaux prendraient-ils plaisir à jouer avec l’homme ? Le retour deIntervilles sans vaches relance en tout cas le débat autour de la question du bien-être animal. Et si les défenseurs des animaux saluent la décision de France Télévisions, une autre question se pose encore : alors que la France compte 55 villes taurines, d’autres communes pourraient-elles s’opposer à cette version 2025, comme Bayonne, Dax et Mont-de-Marsan ? André Viard imagine “que si Nagui va à Nîmes, Béziers ou Arles, il aura la même réponse”. Le chef de projet de l’Union des villes taurines va encore plus loin : « Il a le droit de penser ce qu’il veut, mais le plus grave, c’est que France Télé le laisse déployer son idéologie. Que vont-ils nous faire après : le tiercé trio sans chevaux ? »
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Pour l’heure, ce tollé des vaches pro-vache ne semble pas influencer le présentateur de France 2, qui campe sur ses positions. « J’entends les discours traditionnels. Mais il existe près de 35 000 communes en France. Je n’en ai besoin que de six pour commencer et nous avons déjà beaucoup de candidatures, dont certaines émanant de villes qui ont déjà participé. Donc je ne suis pas inquiet”, a-t-il déclaré dans Ouest-France.
Le public sera-t-il séduit par la nouvelle « vache » du programme, une mascotte en mousse ? Le public doit parler pour lui-même. Mais pour cela, il faudra être un peu patient.