Ils ont accepté la mission, stratégique, ingrate et peut-être impossible face à la menace de la censure. Celle de donner du sens et de la cohérence à l’action du gouvernement dans une situation inédite de accumulation d’une majorité relative à l’Assemblée nationale et d’une coalition gouvernementale.
Responsable des relations avec le Parlement, Nathalie Delattre, 55 ans, est toujours assise à gauche de Michel Barnier, sur le banc ministériel au Parlement. La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, 33 ans, présente chaque semaine le rapport du conseil des ministres, avant de répondre à la presse. Responsable de la cohésion gouvernementale, Marie-Claire Carrère-Gée, 61 ans, veille, dans l’ombre de son bureau, à la bonne entente entre alliés de droite et macronistes.
Le jour de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre, ces trois ministres délégués ont accompagné Michel Barnier, à pied, dans les rues le menant de Matignon au Palais-Bourbon. Lundi, c’est, en tête-à-tête ou ensemble, l’un des tout premiers rendez-vous de son calendrier. Car leurs portefeuilles sont rattachés au Premier ministre, signe que tous les canaux de dialogue et de communication irriguent Matignon.
« Trésors de la diplomatie »
«Je suis prêt à être en opération commando»» a clamé Nathalie Delattre lors de sa prise de fonction fin septembre, en promettant de déployer « trésors de la diplomatie ». Depuis, cet ancien sénateur de Gironde, président par intérim du Parti radical, a eu de nombreux entretiens avec les patrons des groupes et les membres des commissions parlementaires, seul ou avec Michel Barnier. Elle parle quand il, “silencieux”, « écoute beaucoup »selon les participants.
Nathalie Delattre, ministre chargée des Relations avec le Parlement, en octobre. / Joël Saget / AFP
« Elle est intelligente. Elle a le sens de l’altérité, de la convivialité, du peps et une forme de liberté d’expression », salue un sénateur macroniste. Cependant, les députés, qui le perçoivent comme « le ministre des relations avec le Sénat »paraissent récalcitrants. Les discussions budgétaires ont pris fin, après avoir mis en lumière les divergences du « socle commun », qui regroupe les partis Renaissance, MoDem, Horizons et Les Républicains soutenant Michel Barnier.
Les alliés ne parviennent pas à trouver un moyen de se parler et de se coordonner. Un député proche du Premier ministre craint même « entrer dans une logique de victoire par groupe et non par base, qui risque d’être accentuée par des niches »ces ordres du jour réservés à chacun des groupes parlementaires.
« Ministre, vous faites du team building »
Le gouvernement tente également de trouver cette nouvelle culture du compromis. Il n’a pas échappé aux fausses notes. Les ministres de l’Intérieur et de la Justice sur l’exécution des peines de prison, ou encore ceux de la transition écologique et des comptes publics sur le prix du gaz. Remonter le cartable est l’œuvre de Marie-Claire Carrère-Gée, fidèle au Premier ministre, dont elle a été directrice de campagne en 2021, lors de la primaire LR pour la présidentielle.
Marie-Claire Carrère-Gée, ministre déléguée chargée de la coordination gouvernementale, en septembre. / Xose Bouzas / Hans Lucas/AFP
“A quoi ça sert ?” »interrogent cependant les parlementaires et les membres du gouvernement, dubitatifs sur l’influence de « le ministre du team building »comme l’appelle ironiquement un député. Selon un décret précisant ses responsabilités, le 7 novembre, l’ancienne sénatrice de Paris et conseillère de Jacques Chirac à l’Élysée « veille à favoriser, en lien avec les ministres concernés, la cohérence de l’ensemble des actions menées par le gouvernement », « suivi » de leurs feuilles de route et « coordonne la préparation des projets identifiés comme prioritaires » par Matignon. Un rôle qui incombe habituellement davantage au chef de cabinet du Premier ministre.
C’est Maud Bregeon, l’une des figures médiatiques du parti présidentiel, qui se laisse finalement abattre par la tâche. “périlleux” – avait-elle prévu lors de sa nomination – de défendre l’action du gouvernement, sans commettre de dissonance. Dans les coulisses du ministère, on a dit « les mots »cet ancien ingénieur d’EDF, spécialiste du nucléaire et ex-député des Hauts-de-Seine, proche de Gérald Darmanin, s’efforce de créer un dialogue entre élus de toutes nuances du « socle commun ». « Dîners, déjeuners, petits-déjeuners, réunions informelles, c’est la seule méthode» préconise un parlementaire. Si nous avons trois ans, nous y arriverons. »