Pourquoi Hennessy souhaite-t-il réaliser ce test ?
Le système chinois de surtaxe sur les spiritueux de vin européens s’applique aux contenants de moins de 200 litres. Ce qui, par déduction, implique que les spiritueux exportés dans des contenants de plus de 200 litres ne seraient pas soumis à une surtaxe de 35 %. C’est pour contourner cette taxe mortelle pour ses exportations que Hennessy, leader du cognac, souhaite réaliser ce test et expédier son cognac en vrac vers la Chine pour qu’il puisse y être embouteillé puis vendu.
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Ironiquement, l’industrie automobile chinoise tente la même parade pour échapper aux taxes européennes sur les véhicules électriques. Le numéro un du secteur a en effet annoncé la construction d’une usine d’assemblage en Hongrie, puis d’une seconde en Turquie. Construire des véhicules électriques dont les pièces proviennent de Chine.
Oui, la mise en bouteille de cognac à l’étranger est autorisée
C’est autorisé parce que ce n’est pas… interdit. Le cahier des charges de l’appellation cognac ne prévoit aucune mise en bouteille. A chaque crise, le débat est relancé. Et à chaque fois, la même spécificité revient : le cognac est un produit… Industriel, car il ne figure pas dans l’annexe des produits agricoles au Traité de Rome de 1957.
Tout ce qui concerne la production de l’eau-de-vie et son vieillissement est standardisé. Pas la mise en bouteille. On peut donc produire à Cognac, expédier en vrac jusqu’au bout du monde, mettre en bouteille puis vendre en conservant l’appellation « cognac ».
Jusque-là, les géants du cognac interdisaient ce type de pratique avec leur marque phare. Question de prestige, d’image de marque, de qualité et de traçabilité.
A noter que pour le porto par exemple, la mise en bouteille au Portugal est obligatoire. Dans les années 2000, les géants du cognac ont voulu s’inspirer de ce modèle pour interdire la mise en bouteille en dehors de la zone d’appellation Cognac.
Qu’est-ce que le vrac ?
Depuis la quasi-disparition du marché russe du cognac, le vrac ne représente plus que 2 % des expéditions de cognac. Concrètement, il s’agit d’une eau-de-vie expédiée sans avoir été mise en bouteille, pas encore réduite à 40 degrés. Il prend moins de place à l’export et est ensuite mis en bouteille dans les usines des pays à bas coûts. Ce fut le cas en Russie, en Arménie, etc. Sur le marché russe, dans les années 2005/2010, le coût de production a été divisé par deux par les opérateurs choisissant le vrac. A l’époque, les géants du cognac considéraient cette pratique comme très dangereuse. Et l’a dénoncée.
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Les risques : emploi et fraude
Cette pratique est d’autant plus dangereuse qu’aucun mécanisme de contrôle n’est mis en place. Et que la crainte de voir cohabiter eaux-de-vie – eaux-de-vie de vin produites ailleurs que dans la région définie comme cognac – et cognac dans ce type d’usine n’est pas qu’une chimère. Si l’on ne peut soupçonner un grand groupe de se laisser tenter par ce jeu très dangereux, d’autres opérateurs plus obscurs sont déjà soupçonnés d’avoir participé à cette arnaque.
Le risque est donc double : d’une part, il pèse sur l’emploi local. La mise en bouteille – par les maisons et sous-traitants – par les verriers, déjà en mauvaise posture, les bouchons, les emballages, bref tout ce qui concerne le conditionnement d’une industrie qui pèsera un peu plus de 160 millions de bouteilles en 2024. La seconde est celle de la fraude et de la contrefaçon. Un risque acceptable alors que le vrac concerne 2% des expéditions. Un risque bien plus élevé si ce type d’expédition est institutionnalisé.
Le BNIC réfléchit depuis plusieurs années à un système de contrôle
Il s’agit d’un document officiel, un compte rendu de réunion de novembre 2023 accessible en trois clics. Il est intitulé : « Projets du BNIC pour la mise en place d’un système de contrôle de la chaîne logistique jusqu’à la mise en bouteille du produit fini » et émane de l’INAO, l’institut national des appellations d’origine.
Ce document souligne donc deux choses. 1. Le BNIC souhaite contrôler la mise en bouteille du cognac en dehors de la zone d’appellation. 2. Ce qui signifie que le BNIC réfléchit sérieusement à la montée en puissance de ce type de packaging.
Voici le projet interprofessionnel : « Le BNIC souhaite donc mettre en place un système permettant de maîtriser la chaîne logistique jusqu’à la mise en bouteille du produit fini, quelle que soit sa localisation, à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone ou du territoire national.
Ce système nécessiterait de prévoir dans le cahier des charges une autorisation ou un agrément des opérateurs concernés qui nécessiterait un engagement à respecter le cahier des charges, à se soumettre à des procédures de contrôle et à ne vendre qu’en gros aux opérateurs agréés.
La réflexion est donc plus qu’enclenchée et amorcée avant le conflit commercial avec la Chine.