Manifestation devant la préfecture de Montpellier, opérations de filtrage à Nîmes, « feux de détresse » ici et là… La première journée de mobilisation agricole s’est révélée calme dans la région. Mais la Coordination rurale va entrer dans le jeu et renforcer un mouvement qui pourrait aller crescendo.
Ils avaient prévenu : ils n’ont pas l’intention de tout bloquer. Du moins pas immédiatement. Peut-être pour éviter que leur mouvement ne tombe immédiatement dans l’impopularité.
Comme l’ont annoncé les deux syndicats majoritaires, FNSEA et Jeux agricoles, les agriculteurs sont retournés dans la rue ce lundi, mais ont – pour l’instant – préféré mener des actions relativement calmes, malgré l’incendie qui couve dans les exploitations. A Nîmes, où ils s’étaient installés en janvier sous les ponts de l’A9 bloquant l’autoroute pendant huit jours, les manifestants se sont ainsi « contentés » d’opérations de filtrage dans le quartier Saint-Césaire, à partir des portes d’entrée de la ville, où ils ont vérifié le contenu. de camions. Une « belle » opération, réalisée à la tombée de la nuit, qui a permis, grâce à un grand incendie de secours allumé devant la plateforme d’approvisionnement d’Auchan, d’afficher leur présence. “Nous avons reçu une pilule d’aspirine. en réponse au premier mouvement, estime Frédéric Cavagna, secrétaire général de la FDSEA du Gard. Maintenant, prévient-il, lui et ses collègues veulent « actes » répondre à tous les maux qui frappent la profession, à commencer par l’absence de juste rémunération de leur travail et les normes qui les étranglent.
A Montpellier, c’est dans la matinée que la centaine de manifestants déambulaient, de la préfecture où ils accrochaient symboliquement sur les portes des panneaux d’entrée et de sortie de différentes communes, jusqu’à l’Hôtel de Région où ils déversaient un peu de fumier. Auprès du préfet venu à leur rencontre, les militants FDSEA et JA ont réitéré leur colère. « La situation est encore pire que l’année dernière. 70% des exploitations viticoles de l’Hérault perdent de l’argent depuis le début de la crise en 2019. Dans les autres secteurs, la moitié des exploitants ne ressortent même pas d’un seul Smic »a alerté le secrétaire général de la FDSEA Cédric Saur. Rémi Dumas, de JA, ajoute, courtois mais ferme : « Le malheur agricole est profond. Alors pourquoi se sacrifier pour importer de la merde ?« .
Un SOS vu du ciel
Ce projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud, le fameux Mercosur, détonateur de ce nouveau mouvement agricole, était au cœur de tous les discours ce lundi. À Espalion, en Aveyron “où la colère ne s’est jamais arrêtée”les banderoles installées sur le rond-point portaient le même message. “On nous impose des normes pour être plus verts que verts, alors que d’un autre côté, nous sommes prêts à importer des milliers d’animaux gavés d’antibiotiques et élevés sans souci de bien-être”, fulmine Clémence Bernié, vice-présidente des JA de l’Aveyron, à côté d’une canette en feu.
A l’autre bout du département, à Millau, des tracteurs ont formé un SOS dans un champ à la tombée de la nuit. Dans les deux cas, sans imposer de blocage de la circulation, un mode opératoire observé un peu partout dans la région, notamment en Lozère où, comme à Montpellier, les manifestants ont pu communiquer avec le préfet. Dans l’Aude, c’est à 19 heures que les manifestants se sont retrouvés sur un rond-point jugé stratégique à Castelnaudary. Au total, plus de 80 actions ont eu lieu durant la journée en France, certaines plus importantes que d’autres. A Avignon, très tôt, les agriculteurs ont bloqué l’incontournable Pont de l’Europe qui relie le Gard au Vaucluse avant de planter symboliquement des vignes arrachées à leurs terres au pied des remparts.
« Coordination » à la frontière
Un premier tour de cet Acte II en guise d’échauffement. Ou un avertissement. Car les actions pourraient prendre de l’ampleur rapidement… et même dès ce mardi avec l’entrée en scène d’un autre syndicat agricole, la Coordination rurale. Le président régional, Lionel Candelon, prévient déjà : «Nous allons nous installer devant les préfectures pour une durée de 24 à 48 heures, avant de bloquer les centrales d’achat, les lieux de transport de marchandises ou la frontière espagnole.
Une mobilisation importante est ainsi promise au péage du Boulou, sur l’A9, pour empêcher les camions d’importer des produits qui ne sont pas contraints par les mêmes normes qu’en France. « Nous voulons pouvoir combattre avec les mêmes armes. Il faut protéger notre agriculture qui se meurt depuis 40 ans”gronde Lionel Candelon. Qui ajoute : « Nous n’avons plus rien à perdre, que ce soit avec ou sans le Mercorsur. Les promesses du début d’année étaient des conneries, donc cette mobilisation va monter jusqu’à un crescendo», a-t-il déclaré. Jusqu’à quel point? “Je ne sais pas. Nous sommes à bout de souffle, il y a eu deux autres suicides depuis cet été.»» affirme le responsable régional de la « Coordination », qui réclame des effectifs plus importants depuis les actions du début de l’année. Surtout, plus de soulèvements. “Si nécessaire, cela durera jusqu’en janvier.”
Bonnes nouvelles?
L’accord du Mercosur peut-il être évité ? Ce lundi, le ministre italien de l’Agriculture a en tout cas fait savoir qu’il se joignait à l’exécutif français pour refuser de ratifier l’accord. Bonnes nouvelles. La France peut en effet constituer une minorité de blocage, à condition de convaincre trois autres pays qui représentent au moins 35 % de la population de l’Union européenne.
Par ailleurs, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a annoncé lundi la mise en place de deux nouvelles aides en espèces, dont elle avait présenté les modalités lors de son déplacement dans l’Aude. Suffisant pour calmer la colère ?