Le plus petit Zankel Hall du Carnegie Hall est devenu jeudi soir le théâtre d’une rare convergence musicale. Deux des plus grands ensembles à cordes du monde – le Quatuor Belcea et le Quatuor Ébène, tous deux fondés il y a plusieurs décennies – se sont réunis pour une interprétation spéciale de deux octets à cordes : l’un renommé, l’autre moins connu. Les deux Mendelssohn Octuor en mi bémol majeur, Op. 20, et celui d’Enescu Octuor en do majeurOp. 7 ont été composés par des musiciens exceptionnellement jeunes – âgés respectivement de 16 et 19 ans – et tous deux partagent un esprit d’exubérance et une ambition formelle qui ont été mis en scène avec éloquence.
Le Quatuor Ébène et le Quatuor Belcea
© Stéphane Cohen
Normalement, les instructions inscrites par Mendelssohn – « Cet octuor doit être joué par tous les instruments à la manière d’une symphonie » – deviennent particulièrement claires dans le Finale énergique, où chaque instrument apporte sa voix individualisée. Dans cette interprétation, cependant, la gamme dynamique de l’Andante, plus caractéristique d’un grand ensemble et renforçant l’effet dramatique, a révélé l’intention de l’instruction du compositeur bien plus tôt.
Le groupe, avec des membres du Quatuor Ébène occupant les premières chaises, a souligné non seulement l’incroyable inventivité, l’habileté et la confiance avec lesquelles le compositeur adolescent a relevé des défis de composition complexes, mais aussi la surprenante maturité spirituelle d’un jeune de 16 ans. L’œuvre est souvent remarquée pour les textures aériennes et diaphanes du Très joyeux – préfigurant la magie elfique de son Ouverture de Le Songe d’une nuit d’été – une grâce rendue vivante par le jeu délicat de l’ensemble. Néanmoins, l’Adagio susmentionné était imprégné d’une mélancolie à la Schubert et le mouvement d’ouverture, malgré son apparente exubérance, contenait de nombreux coins sombres suggérant que le jeune compositeur cultivé aurait pu être un lecteur de l’œuvre des frères Grimm. Contes de ménage.
Lorsque Mendelssohn conçut son Octuor, il n’avait pas de véritable modèle à suivre. L’Octuor d’Enescu, avec son début à l’unisson fulgurant et son utilisation intensive du contrepoint, rappelle indéniablement la partition innovante de Mendelssohn. Pourtant, 75 ans s’étaient écoulés. Enescu développe le développement thématique de Mendelssohn, tissant des thèmes cycliquement récurrents qui unifient l’œuvre. Son paysage sonore transcende le romantisme tardif de manière aussi décisive que celui de Schoenberg. Nuit transfiguréecomposé un an plus tôt, dont les échos s’insinuent de manière intrigante dans le deuxième mouvement, « Très fougueux ».
Toutes les subtilités de l’Octuor d’Enescu ont été magnifiquement mises en valeur grâce à l’interaction sensible de la soirée entre les interprètes, dirigés par Corina Belcea. Né en Roumanie et élève de Ștefan Gheorghiu, un vénéré professeur de violon roumain qui était lui-même un protégé d’Enescu, Belcea a joué cette musique avec une sensibilité unique, inspirant l’ensemble de l’ensemble à exprimer la même profondeur de sentiment et d’enthousiasme. Plusieurs échanges entre le premier violon et le premier alto (Krzysztof Chorzelski) ont été marqués par un mélange de tendresse et d’intensité. La cohésion globale de l’ensemble – évidente tant dans les unissons que dans les moments de transition – a surpassé celle atteinte dans leur interprétation de Mendelssohn. Les thèmes, réapparaissant sous des formes rythmiques variées, ont émergé naturellement de la tapisserie musicale complexe, tandis que la polyphonie n’a jamais été surestimée.
Trouver un rappel pour un octuor à cordes n’est pas une mince affaire, mais les artistes se sont montrés à la hauteur avec un choix inspiré : Au paradisle dernier mouvement de Fauré Requiemarrangé par Raphaël Merlin, ancien violoncelliste d’Ébène. Marquant le centenaire de la mort de Fauré et de son héritage en tant que professeur d’Enescu, l’interprétation a capturé la qualité élégiaque du mouvement – solennel et contemplatif mais empreint d’espoir – et a profondément ému le public.
****1