Le tribunal de première instance marocain de Rabat a condamné lundi le journaliste Hamid El Mahdaoui à 18 mois de prison pour diffamation à l’encontre du ministre marocain de la Justice, Abdellatif Ouahb. Le verdict comprend également une indemnisation civile d’environ 150 000 dollars américains pour le ministre de la Justice.
Ce verdict fait suite à une plainte déposée en octobre par le ministre de la Justice et ancien secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité (PAM), Abdellatif Ouahbi. Ouahbi a accusé Mahdaoui de « diffuser et diffuser de fausses allégations et informations visant à nuire à la réputation des individus, ainsi que de diffamation et d’insultes publiques », en vertu des articles 443, 444 et 446 du code pénal marocain.
L’affaire est centrée sur une vidéo dans laquelle Mahdaoui prétendait que Ouahbi avait reçu une voiture de luxe d’une femme impliquée dans une affaire judiciaire active. Lors de la dernière séance avant le délibéré, la défense du ministre de la Justice a requis la peine maximale contre Mahdaoui, ainsi qu’une demande d’indemnisation civile de 10 millions de dirhams. La défense a également demandé un audit financier des revenus générés par la chaîne YouTube privée de Mahdaoui et a demandé que les bénéfices soient transférés, sur décision de justice, à des organisations caritatives.
Dans son entretien avec Reuters après le verdict, Mahdaoui a maintenu son innocence et a exprimé son hésitation à faire appel du verdict car il a été reconnu coupable malgré « la présentation de tous ses arguments pour sa défense au tribunal ».
Par ailleurs, l’Association marocaine de soutien aux détenus politiques, la salle de baina critiqué la décision, la qualifiant d’injuste et surprenante. Ils ont affirmé qu’il s’agissait d’une victoire du parti puissant, faisant référence au ministre de la Justice. L’association s’est dite étonnée de la décision du tribunal et a souligné que le procès de Mahdaoui était politique.
Mahdaoui, rédacteur en chef du site d’information Badil, a fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires par le passé, notamment liées à sa couverture des manifestations de la Hirak Rif mouvement. En 2017, il a été arrêté pour « incitation à des manifestations » après avoir publié des articles sur les manifestations à Al-Hoceima. Initialement condamné à trois mois de prison, sa peine a ensuite été portée à un an.
En outre, un autre tribunal de Casablanca a rendu une décision supplémentaire contre Mahdaoui pour « omission de signaler un crime menaçant la sécurité nationale ». Il a été condamné en 2018 à trois ans de prison. L’affaire fait suite à une conversation téléphonique entre Mahdaoui et un Marocain résidant à l’étranger, au cours de laquelle l’individu aurait affirmé qu’il allait « amener un char au Maroc ». Human Rights Watch a commenté l’affaire, déclarant qu’elle violait le droit de Mahdaoui à s’exprimer pacifiquement et suggérait qu’elle reflétait une utilisation abusive de la loi contre un journaliste honnête par les autorités qui ont considérablement limité l’espace réservé aux reportages et commentaires critiques.
Reporters sans frontières a classé le Maroc au 129ème rang sur 180 pays dans son Classement mondial de la liberté de la presse 2024.