Après une carrière de scénariste pour le cinéma et la télévision, Pierre Schoeller s’oriente vers la réalisation avec l’intention d’aborder des réalités humaines encore peu évoquées par le cinéma français. Du monde hiérarchique de l’usine (Zéro Défaut), aux héros et héroïnes populaires de la Révolution française (Un peuple et son roi) en passant par les habitants clandestins des jardins d’un château (Versailles) Pierre Schoeller semble avoir trouvé sa voie en choisissant de nouveaux points de vue sur certains lieux, événements et figures emblématiques de la culture française. L’autre point fort qui ressort de sa filmographie est son intérêt pour le pouvoir, ses structures et ses incarnations, dont le thriller politique L’exercice de l’État (2011) ont traité le plus directement. Avec la série « Dans l’ombre », adaptée du roman éponyme écrit conjointement par Edouard Philippe et Philippe Boyer, Pierre Schoeller pénètre dans les coulisses de la conquête du pouvoir.
Le point de vue de l’apparatchik
Dans l’ombrecomme son titre nous l’indique, n’est cependant pas à proprement parler une série sur un candidat à la présidentielle, mais plutôt sur « son ombre » – à savoir Cesar Casalonga (Swann Arlaud). César Casalonga se présente comme un apparatchik, faisant sienne cette désignation souvent péjorative d’un membre important d’un parti politique. Il connaît Francoeur depuis longtemps et œuvre – à l’exclusion de toute autre activité – pour amener Francoeur au pouvoir.
“Que le regard sur l’action politique soit du côté de ceux qui encouragent le patron nous ouvre sur ce qui peut se passer dans les coulisses, dans l’antichambre du pouvoir. Le point de vue de la série est celui de l’homme qui chuchote à l’oreille du pouvoir. Déjà, au moment de l’Exercice d’Etat, j’avais compris que dans cette relation entre le conseiller et l’homme du pouvoir, on peut tout dire.“
Les chemins de la philosophie Écoute plus tard
Conférence écouter 49 minutes
Pourquoi vouloir le pouvoir ?
“Depuis des années je me pose des questions sur ce qu’est le pouvoir, comment le dire ? Pourquoi un homme se dit-il tout à coup : je représente les autres ? Pour tenter d’aborder cette question du pouvoir, Pierre Schoeller choisit de se plonger dans les tourments et les affects de ceux qui ont fait de la politique un métier : «Le projet n’est pas axé sur une lecture politique, c’est avant tout un thriller, une étude des personnages et de leurs sentiments. Nous discutons de quelques enjeux de politique contemporaine, mais ce n’est pas le cœur du projet.»
Aussi, interrogé sur les éventuelles résonances de la série avec le contexte politique actuel (qui est évidemment renforcé par la participation directe d’Edouard Philippe à l’adaptation) Schoeller répond : « La fiction s’autonomise. J’espère que la série aura plus d’existence que d’être un mirage d’homme politique. Lorsque nous fictionnalisons le monde politique, nous nous exposons à des interférences. C’est pour cela que si on tire sur les fils les plus humains, les sentiments et les humeurs, ça ne vieillit pas.»
Son actualité
- Dans l’ombre est une mini-série télévisée franco-belge en six épisodes, réalisée par Pierre Schoeller et Guillaume Senez sur un scénario de Pierre Schoeller, Lamara Leprêtre-Habib et Cédric Anger, d’après un livre d’Édouard Philippe et Gilles Boyer, et diffusée pour la première fois en Belgique le 1er octobre 2024 sur La Trois et en France le 30 octobre 2024 sur France 2.
Extraits sonores
- Le monologue de l’apparatchik, extrait de la série Dans l’ombre
- Yasmina Reza, qui a accompagné la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007 dans « La vie est un je » sur France Inter, en novembre 2014
- Excerpt from Les Guignols, la fiction (1999)
- Ending song: “Ordinaire” by Robert Charlebois, from the album Un gars assez ordinaire (1971)
