« Le carburant du harcèlement, c’est la souffrance de l’enfant victime de harcèlement. » On lit le « Manuel de survie contre les harceleurs » d’Emmanuelle Piquet

« Le carburant du harcèlement, c’est la souffrance de l’enfant victime de harcèlement. » On lit le « Manuel de survie contre les harceleurs » d’Emmanuelle Piquet
« Le carburant du harcèlement, c’est la souffrance de l’enfant victime de harcèlement. » On lit le « Manuel de survie contre les harceleurs » d’Emmanuelle Piquet

CLe 7 novembre 2024 est la Journée nationale de lutte contre le harcèlement. Depuis 2015, le premier jeudi qui suit les vacances de la Toussaint est dédié à cette cause. Malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics et le système pHARe (1) de l’Education Nationale, 22% des élèves se déclarent victimes de harcèlement et deux tiers des personnes harcelées n’en parlent pas à leurs parents de peur de leur causer du tort. la punition. La thérapeute Emmanuelle Piquet, une des spécialistes françaises de la souffrance en milieu scolaire, créatrice des centres École Chagrin – À 180degrés, publie dans la collection BD Psy, aux Arènes, un « Manuel de survie face aux intimidateurs » (2). Elle donne des clés pour comprendre le harcèlement et des conseils pour aider les victimes.

Le harcèlement est un sujet douloureux et connu de tous. Aujourd’hui, en sommes-nous victimes encore plus tôt dans notre scolarité ?

Nous n’avons pas de recul, car c’est encore assez mal mesuré. Depuis cinq ans, en consultation, j’ai l’impression que cela s’agrandit, c’est-à-dire que le harcèlement commence de plus en plus tôt, à l’école primaire, et se poursuit de plus en plus tard, pendant l’enseignement supérieur. . La zone à problèmes maximale est clairement le collège, cela ne fait aucun doute. Il y a cette idée reçue – statistiquement injuste, d’autant plus douloureuse pour ceux qui le vivent en ce moment – ​​que ça se calme au lycée.

La campagne gouvernementale lancée à la rentrée 2024 montre un écart entre ce que les parents imaginent du harcèlement et la réalité. Quelle définition pourrait-on donner au harcèlement ?

Il existe en effet un écart absolu entre le monde des adultes, qui a effectivement des lunettes très déformantes, et ce que vivent les enfants ou les adolescents. Le harcèlement est une escalade complémentaire, c’est-à-dire quelqu’un qui descend de plus en plus bas, sous l’influence, impuissant, traversé par toutes sortes d’émotions extrêmement douloureuses. Et puis, de l’autre côté, une personne qui, soit toute seule, soit souvent en groupe, est de plus en plus en position haute, en position de contrôle, avec un plaisir très malsain, et dont elle constate les effets, puisque ce la personne voit souffrir « ses harcelés ».


La thérapeute Emmanuelle Piquet vient de publier un ouvrage pour venir en aide aux victimes de harcèlement scolaire sous la forme d’une bande dessinée aux éditions Les Arènes.

Surtout la masse

« Le harcèlement est le désir de nuire à quelqu’un en essayant de le renverser, de manière répétée et humiliante. »

Enseignants comme parents, nous avons beaucoup d’idées préconçues sur cette problématique. Lesquels ?

L’une des premières est que les enfants victimes d’intimidation sont incompétents en matière d’intimidation. Il était souvent demandé aux victimes d’en parler à des adultes. Sauf qu’au moment des faits, la moitié d’entre eux n’en ont rien dit. Donc ça ne marche pas. Je pense au contraire que les enfants sont mieux équipés que nous. Ils sont beaucoup plus observateurs. Ils comprennent des choses que les adultes ne comprennent plus, car ce ne sont plus nos codes.

La deuxième idée fausse est que l’enfant qui intimide souffre. Certainement pas. Au contraire, il devient plus sécurisant, puisqu’il se dit : « Si je harcèle, je serai moins harcelé ». Et, deuxièmement, il éprouve ce fameux plaisir malsain.

Les réseaux sociaux augmentent-ils le harcèlement ?

Il existe une idée fausse selon laquelle il existe deux types de harcèlement : dans la vie réelle et en ligne et selon lesquels ils devraient être traités différemment. Non, c’est juste un changement de support, c’est une interaction dysfonctionnelle. Nous n’avons jamais reçu un enfant qui était seulement harcelé sur les réseaux. Il y a toujours une contrepartie dans la vie de tous les jours. Je pense qu’on confond la violence en ligne, qui existe évidemment, avec le harcèlement. Le harcèlement est un désir de nuire à quelqu’un en essayant de le renverser, de manière répétée et humiliante.

Votre méthode, la stratégie de résistance, par la prise de confiance en soi et la prise de contact, est différente de ce qui a été préconisé jusqu’à présent. Pour quoi ?

Je pense qu’il y aurait moins de harcèlement si nous pouvions outiller les enfants victimes de harcèlement pour qu’ils sachent gérer les comportements problématiques, car ils en rencontreront beaucoup dans leur vie, que ce soit en ligne ou ailleurs. L’idée est de jeter la pierre dans le cercle vicieux du harcèlement. Et que ce soit l’enfant intimidé lui-même qui le fasse, pour faire tomber le ou les enfants intimidateurs de son piédestal. Nous leur demandons de faire preuve d’autodérision et d’humour. C’est vraiment très courageux de leur part. Nous ne devons pas oublier que le carburant du harcèlement est la souffrance de l’enfant victime d’intimidation.

Pour vous, punir les harceleurs ne fonctionne pas ?

C’est complexe. Je participe le 7 novembre, sur 2, à la table ronde, après la diffusion du documentaire sur la mort de Lindsay, 13 ans, qui s’est suicidée dans le nord de la France. Cette affaire prouve clairement que la punition n’a aucun impact sur les enfants intimidateurs.

Je ne fais pas de critique, mais il y a une pression de la part des parents de jeunes harcelés, qui veulent que les coupables soient punis. D’où ce besoin de sanction qui relève aussi d’une logique sociétale. En disant dans quelle mesure nous voulions sanctionner, nous avons malheureusement créé des faits beaucoup plus clandestins. Depuis trois ou quatre ans, je reçois, dans environ 40 % des cas, des adolescents totalement invisibles aux yeux des autres. C’est-à-dire qu’ils n’existent pas. Et cela n’est pas pris en compte par la sanction. Parce que vous ne pouvez pas dire aux enfants : « Je vais vous punir si vous ne parlez pas à cet enfant. » »

“Je pense qu’il y aurait moins de harcèlement si nous pouvions outiller les enfants harcelés pour qu’ils sachent gérer les comportements problématiques”

Pensez-vous que cette journée dédiée est une bonne ou une mauvaise initiative ?

Cette journée est nécessaire pour pouvoir aborder ce sujet avec plus de recul et pas seulement à l’occasion d’un suicide, c’est-à-dire de manière un peu moins émotionnelle. Il serait intéressant de se poser la question de former du personnel capable d’équiper les enfants comme nous le faisons dans nos bureaux. S’il y avait deux personnes de référence dans les 20 % d’établissements où le climat scolaire est le plus difficile, on ferait un travail d’utilité publique. Je pense que les enfants méritent mieux que notre simple émotion.

(1) Programme contre le harcèlement scolaire. Le 3018 est le numéro d’écoute et d’aide gratuit.

(2) “Survival manual against harassers”, by Emmanuelle Piquet, Jean-François Marmiton and drawings by Camille Blandin, ed. Les Arènes, 128 p., €20.

 
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