Le député de la Somme sort un nouveau documentaire qui met en scène un avocat qui s’en prend au « bien-être », plongé dans le quotidien des salariés au Smic. Après plusieurs mois politiquement compliqués, le film a aussi le mérite de remettre François Ruffin en selle.
Un film pour se remettre sur les rails. Relativement discret depuis sa rupture avec Jean-Luc Mélenchon en septembre dernier, François Ruffin fait son retour au cinéma avec Au travail. Avec un double espoir : celui de réitérer l’exploit du carton Merci patron mais aussi de réussir à incarner une nouvelle voix de la gauche.
Dans ce documentaire, le député qui siège désormais parmi les écologistes à l’Assemblée met en scène l’avocate Sarah Saldmann, chroniqueuse de longue date des Grandes Mouches de RMC et critique de « la France des feignasses » qui partage depuis plusieurs jours le quotidien des travailleurs.
Un film en forme de « super argument politique »
Chauffeur-livreur, aide-soignant, femme de ménage, agriculteur, serveur, ouvrier dans une usine de conditionnement de poisson… L’avocat, plutôt habitué des quartiers sympas, les rejoint sur leur lieu de travail et les accompagne dans l’exercice de leur métier, souvent physiquement pénible.
Au menu : “la colère” lorsque certaines personnes filmées apprennent que l’avocat achète “des montres à 50 000 euros et des sandwichs à 54 euros” mais aussi “une revanche sociale” et “un droit de réponse” pour “les héros du film”. » comme l’explique François Ruffin, en tournée promotionnelle.
Autrement dit, un manifeste politique pour le député qui a notamment farouchement défendu à l’Assemblée nationale la hausse des salaires des aides-soignants, agents de ménage et accompagnateurs d’étudiants handicapés (AESH).
« Ce film nous donne un formidable argument politique. Ça aide énormément à montrer la réalité de millions de Français qu’on voit rarement à la télévision ou au cinéma», salue le député LFI Christophe Bex, qui reste proche de François Ruffin.
L’espoir d’un succès au box-office
Le distributeur du film – Jour2fête – mise gros : Au travail est distribué dans près de 150 points de vente – un lancement majeur pour un film qui sera projeté principalement dans les salles d’art et d’essai. Avec l’espoir pour l’ancien journaliste de faire son grand retour Merci patron. Ce film, dans la lignée de ceux du cinéaste américain Michael Moore, récompensé par le César du meilleur documentaire en 2017, avait atteint les 500 000 entrées.
Celui qui n’est pas encore député mais rédacteur en chef du magazine Fakir part tenter de rencontrer Bernard Arnault, le patron de LVMH. Avec une mission : évoquer avec lui la situation d’un couple, tous deux licenciés par un sous-traitant du groupe de luxe qui avait préféré délocaliser sa production de costumes de luxe en Pologne.
De quoi lui permettre de capitaliser sur sa notoriété pour se lancer dans la bataille législative à Amiens, aidé par la fermeture du site Whirpool, devenu un enjeu de la campagne présidentielle de 2017.
Depuis, François Ruffin a traversé des périodes fastes – le succès du parti de Macron en 2018, une manifestation « festive » contre le président, ou sa réélection au fauteuil en 2022 – et des moments plus difficiles.
« Une bulle d’air » après des mois compliqués
Depuis son départ du groupe La France insoumise à l’été ou sa victoire aux législatives de juillet dernier, après avoir été à 7 points du candidat RN au premier tour, le fondateur de Picardie Debout a été fragilisé ces derniers mois.
Le député cherche désormais sa place à gauche. Avec plusieurs sondages le plaçant en tête des partisans aux côtés de Raphaël Glucksmann, François Ruffin espère incarner l’alliance entre ce qu’il appelle « la France des villes » et « la France des tours ».
Comprendre : la France rurale et périurbaine ainsi que la France des quartiers, loin de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon qui souhaite concentrer ses forces sur « les quartiers jeunes et populaires ».
« Il se donne une bonne bouffée d’air frais avec ce film, c’est sûr. C’est vraiment nourrissant de rencontrer beaucoup de monde », reconnaît Christophe Bex.
Un film, “pas un programme” pour LFI
Et peut-être de quoi lui donner des idées pour la suite. Interrogé à plusieurs reprises sur un éventuel candidat à gauche en 2027, le député de la Somme lui avait jusqu’ici tourné le dos.
« Je prépare, avec d’autres, qu’une carte soit posée sur la table. Sautons les obstacles les uns après les autres», s’exprimait François Ruffin au printemps dernier sur RTL, sans toutefois fermer la porte.
«C’est le film qu’il fait. Bon après tout, ça ne fait pas un programme », relativise déjà un élu insoumis.