Courrier Réveil du 21 octobre 2024

Courrier Réveil du 21 octobre 2024
Courrier Réveil du 21 octobre 2024

Ces dernières années, le passage de nombreux pays africains sous régime militaire a alimenté les débats sur l’avenir incertain de la démocratie en Afrique et dans le reste du monde. Récemment, des mouvements sociaux dirigés par des jeunes se sont développés à travers le continent et remettent en question le statu quo en protestant contre le coût de la vie élevé, la corruption et la crise de la dette. Allons-nous assister au même scénario qu’en 1990, lorsque, de Dakar à Mombasa, les manifestations contre l’incurie et l’autocratie ouvraient la voie au pluralisme politique ?

Face à la part croissante des jeunes dans la démographie de nombreux pays africains, les autorités gouvernementales en place se révèlent incapables de créer des emplois et d’assurer l’accès aux services publics. Cet échec politique a semé les graines de l’alternance, propulsant des personnalités qui promettent de rebattre les cartes politiques.

Ces acteurs, longtemps restés en marge de la politique africaine, ont su mobiliser les populations contre la domination des élites économiques et politiques, qui s’exerce aux dépens des plus démunis.

À mesure que le modèle néolibéral s’est imposé dans le monde entier, certains pays africains, notamment des démocraties émergentes comme le Sénégal et la Tanzanie, ont vu leur population augmenter en faveur du changement et d’un renouveau des idéaux des luttes pour l’indépendance. Dans d’autres pays, comme l’Afrique du Sud, les protestations anti-système sont principalement alimentées par les inégalités économiques.

Les nouveaux visages de la gauche panafricaine

Ce nouveau populisme de gauche est principalement soutenu par les figures de proue des trois plus jeunes partis marxistes-léninistes du continent : Bassirou Diomaye Faye au Sénégal, Julius Malema en Afrique du Sud et Zitto Kabwe en Tanzanie.

Les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) ont remporté l’élection présidentielle du 24 mars 2024 dès le premier tour avec 54% des voix, battant Amadou Ba, candidat du président sortant Macky Sall.

En Afrique du Sud, les Economic Freedom Fighters (EFF) de Julius Malema ont vu leur score chuter de 1,5% lors des élections générales de mai. Cependant, la formation d’un gouvernement d’union nationale entre l’African National Congress (ANC) et l’Alliance démocratique – majoritairement dirigé par des Blancs – est l’occasion rêvée pour l’EFF et son fougueux leader de se réaffirmer comme parti d’opposition.

En Tanzanie, Zitto Kabwe est confiant : l’Alliance pour le changement et la transparence (ACT-Wazalendo) pourrait bien remporter les élections locales à Zanzibar, cette île tanzanienne semi-autonome qui est son fief. Ce vote prévu en novembre servira de test à son parti avant les élections générales de 2025, où il espère faire tomber le Chama Cha Mapinduzi (CCM), le plus ancien parti du pays, actuellement au pouvoir.

Les difficultés rencontrées par Ousmane Sonko comme Premier ministre du Sénégal et celles de Julius Malema lors des dernières élections générales sud-africaines font que le tanzanien ACT-Wazalendo se retrouve à l’avant-garde de la gauche panafricaine. Face aux prochaines échéances électorales, toute la question est de savoir si le parti de Zitto Kabwe imitera Pastef et arrivera au pouvoir, ou s’il subira une défaite qui minera à long terme son influence.

Pastef devrait franchir le cap des Sénégalais, qui l’exhortent à concrétiser les changements promis. En effet, le gouvernement s’est d’abord attaché à affirmer la souveraineté économique, monétaire et agricole du pays, alors que le peuple sénégalais attend une baisse du coût de la vie, davantage d’emplois et la renégociation des accords. pêcher avec l’Union européenne.

En Afrique du Sud, Malema et l’EFF s’apprêtent à jouer un rôle majeur dans l’opposition, une stratégie qui devrait leur permettre de compenser les pertes du dernier scrutin. Le programme du parti, avec le slogan «Une Afrique sans frontières» [“Une Afrique sans frontières”]n’a pas réussi à convaincre les électeurs, davantage intéressés par les questions nationales. L’entrée au gouvernement de l’Alliance démocratique, souvent qualifiée de « parti blanc » et accusée de vouloir rétablir l’apartheid en Afrique du Sud, ne devrait pas changer cette tendance.

Vers un « printemps africain » ?

La montée en puissance de Pastef, de l’EFF et d’ACT-Wazalendo et la notoriété de leurs dirigeants sur la scène internationale s’expliquent par les événements de la période 2008-2014. Dans un monde encore sous le choc de la crise de 2008, le « printemps arabe » a entraîné la chute du président libyen Mouammar Kadhafi, le début de la guerre civile en Syrie et de faux espoirs de démocratie en Tunisie et en Égypte. C’est en réaction à ce contexte instable, mais aussi à une crise démocratique qui couve depuis les années 1990, que ces mouvements ont émergé en Afrique subsaharienne.

Les dirigeants de ces partis ont des parcours très différents. Julius Malema a quitté l’African National Congress (ANC), dont il avait dirigé le mouvement de jeunesse, pour fonder l’EFF, tandis que Zitto Kabwe a fondé ACT-Wazalendo après son exclusion du principal parti d’opposition, le Chadema. Ousmane Sonko, quant à lui, s’est fait connaître comme agent des impôts sénégalais en créant un parti antisystème avec le soutien des douaniers.

En Afrique du Sud, la période post-Thabo Mbeki a été marquée par la remise en cause progressive de l’accord politique conclu par Nelson Mandela en 1994, qui mettait fin au régime de l’apartheid et à la domination de la minorité blanche. Les Sud-Africains noirs avaient le sentiment d’avoir conquis leur liberté politique, mais restaient laissés pour compte dans l’économie nationale.

L’EFF a profité de cet élan contestataire pour mettre en avant la revendication de la restitution des terres au nom de la liberté économique des noirs. Malema s’est imposé comme un champion de l’autonomisation économique des Noirs, critiquant la réticence de l’ANC à redistribuer les terres de la minorité blanche à la majorité noire. L’EFF pourrait aussi bénéficier du rejet de Jacob Zuma et de son parti, l’ANC, qui, à la tête d’un État corrompu livré aux intérêts privés, cumule querelles internes, difficultés économiques et popularité en baisse, d’où ses résultats catastrophiques aux élections de mai. .

Souveraineté monétaire et nationalisme des ressources

En Afrique de l’Ouest francophone, la population réclame la souveraineté monétaire et la fin de la Françafrique, ce système néocolonial imposé par la à ses anciennes colonies. Au Sénégal notamment, le rejet du franc CFA a pris de l’ampleur dans les manifestations contre l’impérialisme français et contre cette monnaie héritée de la colonisation.

Ousmane Sonko, ancien percepteur soutenu par les syndicats de fonctionnaires des impôts, a ainsi articulé un discours contre les Français, qu’il accuse d’avoir conservé leur contrôle sur l’économie sénégalaise.

Le rejet de la France et la lutte contre la corruption ont été les clés de la victoire de Pastef à l’élection présidentielle. Au Sénégal et dans d’autres pays africains, on attend de voir si le parti réussira à transformer le pays, question qui déterminera l’éventuelle exportation de ce modèle politique vers d’autres pays africains.

En Tanzanie, 2014 a marqué l’apogée du « nationalisme des ressources » : les mobilisations contre la monopolisation des ressources dans le sud du pays par des sociétés étrangères se sont soldées par la mort de plusieurs manifestants sous les balles de la police, avant que l’armée n’intervienne pour réprimer le mouvement.

Dans les mois qui suivent, un scandale lié à la production d’électricité éclate, révélant le détournement de plus de 250 millions de dollars et déclenchant une vague de démissions parmi les cadres gouvernementaux. Zitto Kabwe se positionne alors comme porte-parole de la contestation, contre la corruption endémique dans l’administration tanzanienne et pour la mise des ressources naturelles au service de l’intérêt général.

 
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