« Je ne suis pas misogyne puisque je déteste les homosexuels ! »

« Arrogant, insultant, méprisant, odieux. » C’est ainsi que le vice-procureur a décrit Patrice qui s’est livré à une violente diatribe contre les femmes au tribunal de Meaux, en Seine-et-Marne. Il était effectivement exécrable. À son ex-compagne, il envoyait jusqu’à 500 SMS insultants par jour. Et, à l’égard de sa fille mineure, il a tenu des propos salaces et humiliants.

Salle d’audience du tribunal judiciaire de Meaux (Photo : I. Horlans)

Dès son entrée dans le box des détenus avec son escorte pénitentiaire, on sent que l’audience va donner du fil à retordre aux magistrats. Patrice, 52 ans, 1m80, cheveux gris coupés en ras du cou, veste bleue, jette un regard noir aux juges, notamment à la présidente Isabelle Florentin-Dombre. Arrêté fin septembre, il a répondu le 4 octobre au harcèlement depuis 18 mois contre son voisin, un ex-compagne « aux conditions de vie et de santé dégradées ». Le psychiatre lui a accordé sept jours d’ITT. Harcèlement aussi envers sa fille de 16 ans : il la traque, la torture avec des insultes obscènes. L’expert a exprimé son « inquiétude » pour l’adolescent, dont « l’impact psychologique est d’une intensité significative ».

“Un salaud” avec un “pédé”

Patrice, grutier en situation précaire depuis qu’il est séparé de sa famille – il a aussi un fils de 6 ans – est furieux d’être traduit en justice à cause de « le pouf ». C’est ainsi qu’il désigne Carine*, « une fille de pute » avec qui il a vécu 15 ans. Dès l’ouverture des débats, il a exprimé ainsi son ressentiment : « Je ne voulais pas d’enfants ! Quand elle est tombée enceinte, j’ai insisté pour qu’elle sorte l’enfant. »

Carine n’a pas avorté, Léa* est née. Son père ne l’aime pas.

Il n’a plus aucun contact avec la jeune fille depuis près de trois ans. Mais il vient au marché où elle gagne de l’argent de poche le week-end et l’insulte devant le patron, les clients. A ses yeux, c’est « une salaude » avec une « gueule de pédé » qui « montre ses parties intimes » et qui « devient une Lolita ». Il lui parle de « sa chatte » et promet de « la baiser dans le cul ». Des commentaires moins crus, qui donnent un aperçu de la relation père-fille. Avocate des victimes, Me Valérie Lefèvre-Krummenacker raconte qu’une fois le dossier accepté, elle s’est engagée « à mettre en valeur les insultes. J’ai vite arrêté car j’aurais surligné toutes les feuilles du procès-verbal.

Sous sursis probatoire renforcé pour violences avec arme, il ne respecte pas l’injonction de soins : « Je ne sais pas où on fait ça, donne-moi l’adresse. » Il a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour s’en être pris à un policier. Son ancien quartier évoque « un monsieur colérique et avec des problèmes de comportement ».

« Je ne suis pas un taliban ! » »

Carine n’est plus épargnée, mais c’est une adulte de 38 ans, susceptible de mieux s’en sortir. « Paresseux », un autre de ses surnoms, il « fait de la vie un enfer », précise son conseil. « Son téléphone ne cesse de vibrer : certains jours, elle recevait 400 à 500 appels et SMS ! » Les enregistrements et les captures d’écran ont été placés dans un dossier. Cela dure depuis leur rupture il y a un an et demi. Carine le signalait souvent à la police, qui ne prenait aucune mesure.

Patrice semble plus proche du petit garçon, même si l’enfant ne veut plus le voir, précise le juge. Il s’emporte : « Conneries ! Ce qu’elle [l’enquêtrice sociale] ce qui est écrit est complètement faux ! Sa mère le retourne contre moi. »

Quelle enquêteuse « peut aller se laver les fesses avec son rapport ».

« Arrêtez de crier, monsieur. Vos enfants sont en pleine construction, vous leur faites du mal.

– Et toi, ne me parle pas sur le ton que j’utilise avec eux ! Je ne suis pas ton fils ! »

Le procureur Éric de Valroger dévoile ses propos sur les femmes. Anthologie:

« S’ils veulent surpasser l’homme, ils doivent être exceptionnels. » Ou « la femme, égale à l’homme ? Cela ne nous parvient pas ! » Ou encore, à propos de sa séparation avec Carine : « Je n’allais pas avoir la même rillette avant 15 ans. »

Réponse de Patrice : « J’en ai marre ! J’ai fait un mois et demi en psychiatrie mais je ne suis pas taliban ! La vie avec les femmes est trop compliquée, trop dangereuse. »

« Il sort du Moyen Âge ! »

On apprend ainsi, par sa réponse, qu’il a fait l’objet d’un placement forcé dans un hôpital psychiatrique. Le motif était forcément grave. Mais l’expert qui l’a examiné en garde à vue n’a constaté aucune pathologie ni traitement. Me Lefèvre-Krummenacker parle de « la peur » de ses clients, « qui ne demandent qu’une chose : la tranquillité. Il les détruit. Vous devez les protéger.

Consterné par « le nombre incroyable de faits », Éric de Valroger juge le prévenu « ici irrespectueux », « détestable » de manière générale : « S’il n’est pas taliban, il sort du Moyen Âge ! » Préoccupé par le danger encouru par les victimes, il requiert deux ans de prison, dont un avec sursis probatoire de même durée, le maintien en détention pour la partie ferme, l’interdiction de contacter Carine et Léa, de se présenter à leur domicile, des soins et retrait de l’autorité parentale.

Le défenseur de Patrice, Me Jean-Louis Granata, s’interroge honnêtement sur « le caractère nauséabond de ce qu’a pu dire son client ». « Mais si la police sollicitée depuis 2023 avait mis le kibosh là-dessus, nous n’en serions pas là. » S’il avoue « qu’on a presque envie d’être aussi méchant avec lui », il croit néanmoins en l’amour pour son fils : « Il ne peut plus accueillir. La prison n’est pas la solution. Il faut lui envoyer un message, lui imposer des interdits.»

Patrice, qui prend la parole en dernier, démolit l’argument : « Apparemment, je suis misogyne. Non, car je déteste les homosexuels ! Il faut voir la jungle qu’est devenue cette société ! Cela me dégoûte. Elle aussi [Carine] est dégoûtant. Je suis épuisé, je suis fatigué. »

Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le président Florentin-Dombre suspende l’audience.

Le tribunal suit les réquisitions, sauf qu’il ne fait que retirer l’exercice de l’autorité parentale. En apprenant son incarcération, Patrice explose : « Vous n’apaisez rien ! Vous n’avez aucune dimension humaine ! Puisque c’est ainsi, je fais appel. » Le claquement des menottes et les mouvements dans la pièce étouffent ses dernières insultes.

*Les prénoms des victimes ont été modifiés

Me Valérie Lefèvre-Krummenacker, avocate des parties civiles, au tribunal de Meaux, le 4 octobre 2024 (Photo : ©I. Horlans)
 
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