« 19ème sommet de la Francophonie à Villers-Cotterêts les 5 et 6 octobre 2024. Résultats et perspectives» par Amadou Bal BA
Lors de la réunion des chefs d’État de ce sommet de la Francophonie, le thème général est «Pour un multilatéralisme renouvelé« . Des tables rondes à Paris et Villers-Cotterêts sont organisées autour de «créer, innover et entreprendre en anglais».
La Francophonie regroupe désormais 88 États. Il s’agit de Léopold Sédar SENGHOR, Habib BOURGUIBA et Norodom SIHANOUK, qui comptent parmi les éminents pères fondateurs de la francophonie. Dans l’esprit du président SENGHOR, premier Africain élu à l’Académie française, le 3 juin 1983, la francophonie ne doit pas être la langue du colonisateur, mais une rencontre du donner et du recevoir. A sa mort, SENGHOR qui avait chanté la Normandie, le chef du gouvernement, bien que socialiste, le Premier ministre, Lionel JOSPIN et le chef de l’Etat, Jacques CHIRAC, n’ont pas daigné se rendre à ses funérailles le 29 décembre 2001, au Sénégal. . Ce coup de mépris est, à mon avis, la première crise grave de la francophonie. “Nous nous l’avons raconté, répété, sans oser y croire. Les masques sont tombés. L’affaire est entendue. La France se moque désormais de l’Afrique. De ses loyautés passées, de ses douleurs présentes, de l’avenir de sa jeunesse. Tout le Monde à la maison. Le Nord avec le Nord. Les mendiants du Sud entre eux. Merci Méditerranée. La mer nous protège des appels des plus pauvres. Un grand homme d’Afrique vient de mourir. Ami indéfectible de la France dans ce qui est universel : sa langue, celle de la liberté. Pas de président de la République française. Ni un Premier ministre. Le terrain de Léopold Sédar Senghor a fermé sans eux. Alors j’ai honte. Honte à eux et à nous, les Français qu’ils représentent. Honte à leur oubli et à leur petitesse. Petite vision. Croient-ils une seconde vivre en paix, de plus en plus riches, dans la citadelle de l’Euroland ?», écrivait Erik ORSENNA, dans le journal Le Monde du 4 janvier 2002. Mais Léopold Sédar SENGOR, jusqu’à son dernier souffle, est resté attaché à la France républicaine, sans ressentiment ni colère stérile, même après le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye. Camp, daté du 1est Décembre 1944 : «Ah ! Seigneur, ôte de ma mémoire la France qui n’est pas la France, / ce masque de mesquinerie et de haine sur le visage de la France / […] Parce que j’ai un grand faible pour la France. / […] Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle, Seigneur, et a ouvert mes lourdes paupières à la lumière de la foi. / Il a ouvert mon cœur à la connaissance du monde, me montrant l’arc-en-ciel des nouveaux visages de mes frères», écrivait-il en 1948, dans «Hôtes noirs».
Il semblerait que le nouveau président du Sénégal Bassirou Diomaye FAYE, élu sur un projet dit de rupture, ne sera pas présent à ce sommet de Villers-Cotterêts, ville natale d’Alexandre DUMAS (Voir mon article, Médiapart, 11 août 2021). Je suppose que depuis l’annulation des sommets franco-africains, de nombreux autres chefs d’État africains, notamment du Mali, du Niger et du Burkina Faso, ne seront pas non plus présents. Quel bilan et perspectives, quel sens donner à la Francophonie, dans un contexte de fermeture des frontières et d’émergence de gouvernements identitaires islamophobes, négrophobes et xénophobes dans une Europe ayant décidé de se tourner vers le cosmopolitisme et l’universalité des droits ?
70% des francophones vivent en Afrique. Dès lors, la Francophonie aurait dû être et rester un espace de coopération et de solidarité : «Pendant de nombreuses années, la Francophonie a été perçue comme une défense prudente de la langue française contre l’hégémonie de l’anglais. a déclaré Souleymane Bachir DIAGNE. Or, il est indéniable que les notions de race et de tribu, depuis le contrat social de Jacques-Jacques ROUSSEAU, ont dominé la pensée européenne, dont le philosophe des droits de l’homme n’avait jamais envisagé au départ d’intégrer les femmes au colonisé et à l’esclave : «Mon inquiétude est celle que beaucoup partagent concernant un état du monde qui montre un déclin de la démocratie. Sur fond de désenchantement démocratique, la politique est devenue une guerre de tribus où les faits eux-mêmes dépendent de nos allégeances. dit Souleymane Bachir DIAGNE, philosophe (Sur cet éminent philosophe, voir mon article, Médiapart, 29 septembre 2024).
En fin de compte, c’est aux Africains de prendre leur destin en main. Ahmadou KOUROUMA (Voir mon article, Médiapart, 18 janvier 2024) avait massivement introduit des mots malinké dans sa contribution littéraire »J’ai planté une cabane africaine dans la maison de Molière», a-t-il déclaré en substance. Il faudrait doncs’approprier la langue française et l’intégrer pleinement au pluralisme linguistique. En clair, les Africains francophones peuvent, et doivent, modifier la langue, l’adapter à leurs langues nationales, à leurs pratiques, à leurs expériences. Et surtout n’attendez pas d’obtenir l’aval de l’Académie française pour le faire.», says Souleymane Bachir DIAGNE.
Références bibliographiques
BA (Amadou, Bal), «Alexandre Dumas, un mousquetaire de l’égalité réelle», Médiapart, 11 août 2021 ;
BA (Amadou, Bal), «Ahmadou Kourouma», Médiapart18 janvier 2024 ;
BA (Amadou, Bal), «Souleymane Bachir Diagne, philosopher, academic», Médiapart29 septembre 2024 ;
ORSENNA (Éric), «j’ai honte», Le monde4 janvier 2002.
Paris, le 4 octobre 2024, par Amadou Bal BA