Les tensions entre l’Éthiopie et l’alliance égypto-somalienne risquent de profiter aux Shebabs

Alliances, menaces, livraisons d’armes : les tensions entre l’Éthiopie et la Somalie ont atteint un nouveau niveau ces dernières semaines, menaçant l’équilibre fragile de cette région instable, ébranlée notamment par l’insurrection islamiste shebab.

Des étudiantes manifestent en soutien au gouvernement somalien après la signature d’un accord entre l’Éthiopie et la région séparatiste somalienne du Somaliland, le 3 janvier 2024 à Mogadiscio.

Les relations historiquement houleuses entre les deux voisins de la Corne de l’Afrique se sont dégradées depuis l’annonce le 1er janvier de la signature d’un protocole d’accord entre Addis-Abeba et la région séparatiste somalienne du Somaliland, un accord dénoncé par Mogadiscio comme une « agression » contre sa souveraineté.

Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed lors d’une visite au Soudan le 9 juillet 2024.

Ce texte prévoit la location pour 50 ans à l’Ethiopie, immense pays enclavé, de 20 km de côtes du Somaliland, qui a proclamé unilatéralement son indépendance en 1991. Les autorités du Somaliland affirment qu’en échange de cet accès à la mer, l’Ethiopie devenez le premier pays à reconnaître officiellement sa République !

Un membre des forces de sécurité somaliennes monte la garde sur une plage de Qaw, dans l’État régional semi-autonome du Puntland, le 18 décembre 2016.

Egypte-Somalie, l’ennemi de mon ennemi…

Depuis janvier 2024, Mogadiscio a intensifié ses relations avec Le Caire, rival de l’Ethiopie particulièrement opposé au méga-barrage hydroélectrique (GERD) construit par Addis-Abeba sur le Nil. Cette coopération de longue date a pris une tournure militaire avec la signature le 14 août 2024 d’un accord de défense dont le contenu n’a jamais été rendu public.

Depuis, deux livraisons égyptiennes de matériel militaire ont eu lieu, les 27 août et 22 septembre 2024. Le Caire a également proposé pour la première fois de contribuer à la Force de l’Union africaine déployée depuis 2007 en Somalie pour combattre les islamistes radicaux shebab. Une nouvelle mission (AUSSOM), actuellement en discussion, doit prendre le relais de l’actuelle (ATMIS) en janvier 2025.

Cette proposition fait écho aux déclarations de hauts responsables somaliens affirmant qu’un accord entre Addis-Abeba et le Somaliland rendrait inévitable le départ des troupes éthiopiennes contribuant à cette force, ainsi que de celles déployées bilatéralement, notamment pour protéger sa frontière des incursions. shebab. Le nombre exact de soldats éthiopiens présents en Somalie est inconnu, mais est estimé à « environ 10 000 », selon Samira Gaid, analyste chez Balqiis Insights basée à Mogadiscio.

Le ministère éthiopien des Affaires étrangères a mis en garde contre une transition Atmis-AUSSOM « pleine de dangers », affirmant que la région entrait dans des « eaux inexplorées » en raison de « forces tentant d’attiser les tensions », sans citer l’Égypte.

Un « farceur » de négociation ?

Pour des experts interrogés par l’AFP, ce apparent rapprochement égypto-somalien vise notamment à faire bouger les lignes dans les négociations actuellement dans l’impasse avec l’Éthiopie. ” La Somalie essaie de présenter un levier de pression, c’est-à-dire dire : « Si vous ne révoquez pas le protocole d’accord, voici quelques-unes des options qui s’offrent à nous. L’un d’eux est d’impliquer les troupes égyptiennes+», décrypte Omar Mahmood, chercheur à l’International Crisis Group.

« C’est une carte joker que la Somalie a fait tomber», estime également Samira Gaid. Mais ” avec une telle escalade rhétorique, il semble difficile d’avancer« . Les négociations, menées sous l’égide de la Turquie, apparaissent plus bloquées que jamais. Une troisième session, prévue le 17 septembre à Ankara, n’a pas eu lieu.

Tremblements en Somalie

Cette escalade verbale et armée menace d’ébranler l’équilibre fragile en Somalie, où les affrontements entre clans et les tensions entre États fédérés et gouvernement central s’ajoutent régulièrement aux attaques des islamistes shebab.

« La Somalie, un pays déjà inondé d’armes, connaît actuellement une augmentation de ses importations dans un contexte de tensions. Compte tenu de la méfiance généralisée et de la faiblesse des contrôles dans le pays, il s’agit d’une évolution inquiétante », a déclaré Omar Mahmood. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères a déclaré lundi 23 septembre 2024 craindre que les armes livrées par l’Egypte « finissent entre les mains de terroristes ». Trois jours plus tôt, Mogadiscio accusait l’Éthiopie d’avoir mené une « livraison non autorisée d’armes et de munitions » au Puntland, une région du nord de la Somalie qui s’oppose régulièrement au gouvernement depuis que celui-ci a déclaré unilatéralement son autonomie en 1998.

La menace d’exiger le départ des troupes éthiopiennes a également suscité un tollé dans l’Etat du Sud-Ouest où sont déployés ces soldats, qui ont des décennies d’expérience dans la lutte contre les Shebab. Leur départ créerait un vide sécuritaire (…) que le gouvernement somalien ou les États fédérés ne sont pas en mesure de combler», souligne Samira Gaid.

« Si l’Éthiopie et la Somalie ne coopèrent pas ou si leurs relations en matière de sécurité se détériorent, Al-Shabaab aura tout à y gagner. Ils peuvent être enhardis et profiter», résume Omar Mahmood. Dans le passé, les retraits éthiopiens ont été immédiatement suivis par des avancées islamistes.

© Afriquinfos & Agence -Presse

 
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