En trois mois, 16,5 milliards d’euros d’investissements pourraient être déplacés en dehors de l’Europe si aucun geste fort n’est fait. Et ce ne serait qu’un goût. Selon une enquête de la Fédération européenne du secteur (EFPIA), jusqu’à 85% des investissements et la moitié des frais de recherche et développement (R&D) prévus entre 2025 et 2029 pourraient être remis en question. Ou plus de 100 milliards d’euros sur les 164,8 initialement prévus dans l’UE.
Le secteur pharmaceutique, exempté de la colère de Donald Trump, est toujours inquiet: “Les derniers chiffres sont inquiétants”
Les causes d’un déclin
Le moment de cette lettre ne semble pas être dû au hasard. Cela suit en effet une réunion organisée le 8 avril entre le président de la Commission et les joueurs du secteur. Mais surtout, il intervient dans un contexte tendu, où les États-Unis de Donald Trump agitent la menace des tâches de douane sur les drogues européennes.
Mais le diagnostic posé dans la lettre est grave et beaucoup plus profond. En vingt ans, l’Europe a perdu du terrain. En 2004, il représentait près de 30% du marché pharmaceutique mondial. Aujourd’hui, il pèse à peine 22,7%. Dans le même temps, l’Amérique du Nord a grimpé à 53,3%. Moins rentable, plus restrictif, l’Europe devient de moins en moins intéressante pour le secteur.
François Blondel: «Nous avons vécu, pendant dix ans, une anomalie de l’histoire économique»
Prix trop rigides et trop de paperasse
Les signataires en particulier soulignent la politique de prix, trop rigide à leurs yeux. Contrairement aux États-Unis, où les médicaments sont vendus à des prix gratuits, la plupart des États européens imposent des rabais ou même des contributions supplémentaires. Résultat: les prix en moyenne deux fois plus bas, ce qui romprait la rentabilité.
Un autre sujet de tension: la directive européenne sur les micropolluants. Il prévoit une «éco-détrribution» spécifique pour le secteur pharmaceutique, destiné à financer le traitement des résidus de médicaments dans les eaux usées. Une initiative qui a assez pour irriter l’industrie pharmaceutique qui se sent injustement ciblée tandis que d’autres secteurs échappent à cette obligation.
De nouvelles menaces de Trump, un danger pour l’industrie pharmaceutique en Belgique: «Nous n’avons plus une journée tranquille»
Mais c’est peut-être dans le terrain réglementaire que la critique est la plus acerbe. Les industriels dénoncent une bureaucratie étouffante et des procédures trop lentes. Ils appellent à plus de cohérence des règles, en particulier pour les essais cliniques menés dans plusieurs pays. Et ils exigent que la directive de transparence soit respectée, ce dernier imposant une période maximale de 180 jours entre l’autorisation de commercialisation d’un médicament et sa vente. Un retard que seul le Danemark et l’Allemagne respecteraient aujourd’hui.
Brevets, un autre sujet de discorde
Au cœur des tensions se trouve également le projet sous la révision de la législation pharmaceutique européenne. L’UE prévoit de raccourcir la durée de la protection des brevets afin de promouvoir l’arrivée de génériques moins chers. Pour les boss du secteur, c’est une ligne rouge. Ils exigent un renforcement de la propriété intellectuelle jusqu’à ce qui existe aux États-Unis, et la protection s’est étendue à douze ans, contre dix aujourd’hui.
Malgré tout, la lettre se termine par une note plus conciliante, appelant à la collaboration avec la Commission «Dans les semaines à venir«Pour transformer ces propositions en mesures concrètes «Pour le bénéfice des patients en Europe et de son développement économique». Un dernier échange avant un éventuel grand départ?