Vendu 121 millions de dollars chez Christie’s New York le 19 novembre, le tableau L’Empire des Lumières (1954) de René Magritte devient à cette occasion l’œuvre la plus chère du peintre surréaliste. Ce disque historique nous invite à s’arrêter sur cette toile énigmatique, qui a notamment inspiré l’affiche du film L’Exorciste (1973).
Un tableau de Magritte bat des records aux enchères
L’image est reconnaissable entre des milliers. Dans une rue plongée dans l’obscurité, un homme se tient dos à lui, valise à la main, face à l’entrée d’une maison d’où émane un faisceau de lumière qui complète celui émis par le réverbère à sa gauche. Les mots «L’Exorciste” apparaissent en violet au-dessus de cette photo en noir et blanc de 1973, choisie comme affiche de l’un des plus grands films d’horreur de l’histoire. Si des millions de spectateurs se sont précipités à l’époque pour découvrir l’effrayant long métrage de William Friedkin, peu savent que ce plan culte, où l’exorciste apparaît devant la maison de la petite fille possédée par le diable, a été inspiré en réalité par l’un des peintres les plus célèbres. du 20ème siècle, René Magritteet sa peinture énigmatique L’Empire des Lumières.
Sous le marteau de Christie’s New York mardi 19 novembre dernier, une des versions de cette œuvre peinte en 1954 a été vendue 121 millions de dollars (plus de 114,6 millions d’euros). Une somme colossale qui marque deux records de ventes : l’un pour l’artiste belge, qui franchit à cette occasion le seuil symbolique des 100 millions de dollars, et l’autre pour un artiste surréaliste, en pleine année du centenaire du grand mouvement qui a marqué la première moitié du 20ème siècle. Il faut dire que L’Empire des Lumières a déjà prouvé son succès : en 2022, une version plus petite du tableau, datée de 1961, a été vendue 79 m$ à la maison Sotheby’s Londres, dépassant largement son estimation.
L’Empire des Lumièresl’œuvre qui a inspiré L’Exorciste
Et L’Empire des Lumières de 1961 a acquis une telle valeur, c’est d’abord à cause de son sujet. Une rue résidentielle apparaît frontalement entre chien et loup : là où le ciel bleu clair et nuageux annonce, au-dessus, une scène captée en plein jour, l’obscurité de la rue et les arbres, dont on ne distingue que les contours des feuillages, évoquent plutôt le crépuscule d’un paysage derrière lequel le soleil s’est déjà couché.
Bien qu’aucun être vivant ne soit visible sur cette toile, la lumière orange illuminant les fenêtres de la maison centrale évoque la présence de ses habitants, tandis que le réverbère allumé crée une atmosphère surprenante, voire angoissante. Ici, l’inquiétante étrangeté à laquelle nous a habitué le grand représentant du surréalisme pictural réside dans cette ambiguïté temporelle et narrative, qui crée un grand mystère.
Une série devenue une véritable obsession pour Magritte
Considérée aujourd’hui comme l’un des tableaux les plus importants du peintre belge, l’œuvre est aussi le tableau le plus répété de l’artiste, comme l’a confirmé le président de l’Association Fondation Magritte Charly Herscovici à Échos en 2017. Comme Claude Monet devant lui, ouAndy Warhol après lui, l’artiste a fait L’Empire des Lumières une série d’huiles sur toile dont dix-sept versions existent : la première date de 1948 et la dernière, inachevée, de 1967, année du décès de l’artiste. Une de ses versions est actuellement exposée dans « Surréalisme », l’exposition-événement consacrée au mouvement à Centre Pompidou.
Alors que sur la version de L’Empire des Lumières mise en vente par Sotheby’s en 2022, deux fenêtres de droite du premier étage de la maison sont éclairées, ce sont les deux de gauche qu’on voit éclairées sur celle de 1954. Le cadrage plus large de cette dernière permet également pour révéler au premier plan un élément fondamental : un cours d’eau le long du trottoir, dans lequel se reflète la lumière du réverbère. C’est précisément dans ce tableau particulier de la série que René Magritte l’a représenté pour la première fois.
Les chefs-d’œuvre de la collection Mica Ertegun, de David Hockney à Joan Miró
Record d’enchères pour l’année 2024, le tableau Magritte vendu par Christie’s est issu de l’impressionnante collection du designer, décorateur d’intérieur et philanthrope Mica Ertegünqui contient de nombreux chefs-d’œuvre signés David HockneyPeter Schlesinger ou plus Joan Miró. Décédé en 2023, à l’âge de 97 ans, l’Américain fut en effet l’un des premiers grands collectionneurs d’artistes surréalistes, contribuant à les rendre légendaires.
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