L’histoire de la Galerie de l’UQAM, et plus précisément celle de la collection d’art de l’Université du Québec à Montréal, est tissée d’affinités, de familles et d’appartenance. Et des inventaires, comme l’indique le titre de l’exposition, qui rassemble une cinquantaine d’œuvres (presque autant d’artistes) et de multiples archives.
Forte de 4 000 pièces, la collection d’art de l’UQAM s’est développée par à-coups, par lots disparates et parfois selon des procédés inhabituels — comme celui des œuvres « prêtées ». Inventaires d’une collection raconte sa longue histoire, commencée il y a plus d’un siècle avec l’arrivée à Montréal, en 1919, d’un convoi envoyé de Paris destiné au « musée de l’art français », projet avorté. Ce n’est pas sans raison que l’exposition est drôlement rythmée. Il y a des tours de force, des trous, des surprises, des incongruités aussi.
La momie Hetep-Bastet, exposée une seule et unique journée en 2016, n’est pas là cette fois-ci. Mais une autre antiquité égyptienne, oui : un lion de pierre datant de 300 avant notre ère. Des gravures de jeunesse aussi — signées Monic Brassard (du futur duo COZIC) ou Michèle Cournoyer (cinéaste d’animation réputée), pour ne citer que ces ex-élèves d’Albert Dumouchel. Sculpture murale et métal Giroflée n°2 (1970) d’Henry Saxe, artiste quasiment exposé nulle part, est à l’honneur grâce au vrillage élégant de ses pipes, flanqué d’œuvres des mêmes années de Pierre Ayot et Serge Lemoyne.
Le trio de conservateurs, membres de la famille de l’Uqam (la doctorante Lisa Bouraly et, du côté enseignant, Marie Fraser et Louis-Charles Lasnier), a trié la collection par inventaire, soit dix en tout. Certains regroupements sont pour le moins naturels, comme l’inventaire no 1 qui reconstitue le Fonds de l’École des beaux-Arts, hérité par l’UQAM au moment de sa fondation, en 1969. D’autres intriguent comme le no 8, intitulé « Déplacer la collection ». Entre « Dons d’œuvres d’art » (no 4), « Œuvres en circulation » (no 5) ou « Listes par artistes » (no 9), la ligne directrice devient confuse, d’autant que les commissaires, dans leur aménagement, ont privilégié le mélange des lots et des périodes.
Pour autant, ce n’est pas sorcier : chaque inventaire est un marqueur temporel, comme l’expriment les années qui accompagnent leurs titres. Ainsi, les périodes 1969-2003 et 2003-2024 qui déterminent les « Listes par artistes » marquent un tournant dans la revue de la collection. L’année 2003 marque l’entrée en vigueur d’une politique d’acquisition plus rigoureuse et donc alignée sur la programmation de la Galerie de l’UQAM. Chaque artiste qui y expose n’entre pas forcément dans la collection, mais chaque œuvre acquise, sauf exceptions, suppose-t-on, résulte du passage de son auteur dans la galerie universitaire.
Mais pourquoi exposer une sculpture de David Altmejd issue d’une collection privée ? Une « promesse de don » l’accompagne, bien sûr, mais l’université ne possède-t-elle pas d’autres œuvres de ce diplômé de la maison et chouchou de la Galerie de l’UQAM depuis plusieurs années ? Incroyable.
Beaucoup de questions
Cette déformation de la programmation annoncée – uniquement des œuvres de la collection de l’UQAM – est d’autant plus surprenante que les conservateurs semblent avoir effectué un travail minutieux, appuyé par l’examen d’une pléthore de documents. Les textes aux murs et la longue table au cœur de la salle détaillent les résultats obtenus. Et ceux introuvables.
Il existe des zones d’ombre qui colorent l’histoire de la collection, et de nombreuses questions restent sans réponse. L’inventaire no Le cas 7, « Œuvres disparues », est bien entendu le cas emblématique. Nous n’avons plus aucune trace de nombreuses œuvres, bien qu’elles aient été identifiées dans des documents écrits ou dans des photographies. Les deux grands agrandissements qui ouvrent l’exposition montrent par exemple des moulages en plâtre, dont un Rodin, tels qu’ils étaient placés en haut des escaliers de l’ancienne École des Beaux-Arts. Où sont-ils aujourd’hui ? Personne ne le sait.
Afin d’élargir la compréhension de la collection, les conservateurs ont invité des personnalités du milieu artistique à choisir une œuvre parmi l’un des dix lots. Des personnalités du milieu uqamien (de la directrice de la galerie Louise Déry à l’artiste et professeure Manon de Pauw) ont participé, tout comme des personnes de l’extérieur, comme l’artiste du Nunavik Asinnajaq ou la commissaire indépendante Dominique Fontaine.
En choisissant un ensemble de petits tableaux rares de Pierre Dorion, Eunice Bélidor ne met pas seulement en valeur une œuvre singulière. Elle pose également des questions. « Pourquoi la Galerie de l’UQAM a-t-elle accepté le don d’une œuvre qui ne représente pas la pratique actuelle de l’artiste ? S’agit-il précisément de démontrer des recherches et des expérimentations dans une collection académique ? »
Plutôt que de collectionner des chefs-d’œuvre, Inventaires d’une collection plonge dans les dessous d’un projet de conservation d’œuvres d’origines disparates. C’est comme une visite des coulisses, où les décisions sont prises. Si ceux-ci étaient autrefois du type copinage, ou presque improvisés, ils sont aujourd’hui d’un haut degré de professionnalisme.
A voir en vidéo
Related News :