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« Si je n’avais fait aucun voyage dans ma vie, j’aurais adoré y travailler et je m’y serais épanoui », raconte le célèbre photographe nature Laurent Ballesta.

A l’occasion de la clôture des 50 ans de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls, appartenant au Département, le plongeur professionnel, photographe sous-marin, biologiste, conseiller scientifique dans l’émission « Ushuaïa Nature » de Nicolas Hulot et auteur, Laurent Ballesta , anime une conférence intitulée « Les mers Méditerranée » ce vendredi 22 novembre 2024, à 18h30, au cinéma Castillet de Perpignan. Celui qui s’est vu décerner le prix de la plus belle photo naturaliste de l’année, pour la deuxième fois après 2021, par le Natural History Museum de Londres, dévoilera toutes les originalités de cette mer dans laquelle il a longuement plongé, notamment à Cerbère. -Banyuls.

Laurent Ballesta, le naturaliste et photographe sous-marin, biologiste, explorateur et documentariste que vous êtes, est lié à la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls.

Enfant, je plongeais régulièrement près de Banyuls dans la réserve qui a exactement mon âge, elle date de 1974. En tant qu’étudiant, j’ai eu le privilège d’effectuer l’intégralité de mon stage de fin d’études au sein de la réserve intégrale. Plus tard, le nom de ma société Andromeda Oceanology est venu du nom du petit poisson le Gobie d’Andromède, ma toute première découverte au cœur de la réserve de Banyuls, que personne n’avait jamais photographié. Lorsque Frédéric Cadène, conservateur de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls, m’a demandé de conclure l’année anniversaire par mon intervention, j’ai été à la fois très touché et un peu mal à l’aise, car cela faisait sérieusement une dizaine d’années que j’y exerçais le métier de naturaliste. Ce lieu me tient à cœur, car enfant, j’ai eu mes premières émotions et mes premières vocations de biologiste en voyant le laboratoire Arago.

Ce goût pour la recherche de l’exotisme au sein de la Méditerranée vient du fait que j’ai moi-même grandi dans une région très atypique.

A l’occasion de la clôture du 50ème anniversaire de la Réserve, vous animerez une conférence sur le thème « Les mers Méditerranéennes ». Pourquoi mentionner spécifiquement ce pluriel ? Selon la situation géographique, les équilibres écologiques sont-ils fragiles d’un point à l’autre de cette mer ?

Ce n’est pas une faute d’orthographe et je ne changerai pas la nomenclature. La mer Méditerranée est moins une grande mer qu’un petit océan avec des subdivisions, des crêtes, des bassins, des pics… Ce n’est pas la mer du Nord, la Chine ou la Baltique. Ce goût pour la recherche d’exotisme au sein de la Méditerranée vient du fait que j’ai moi-même grandi dans une région très atypique, le Golfe d’Aigues-Mortes, où est née ma vocation de biologiste marin, avec les lagons, le bassin de Thau, le Camargue. Cela n’a rien à voir avec la Côte d’Azur ou ailleurs avec l’influence du Rhône sur les écosystèmes. L’idée m’est venue d’inscrire Banyuls parmi les originalités de la Méditerranée. Au lieu de faire de la Méditerranée un tout et de montrer sa diversité. Des choses étranges qu’on n’a pas l’habitude de voir : les zones volcaniques sous-marines des îles Éoliennes en Italie, les forêts de grosses algues brunes près de Fréjus, le champ de dix-huit millions de nids de poissons collés les uns aux autres sur plus de 700 hectares… Même dans le Méditerranée, on ne sait pas encore tout.

Plus nous protégeons strictement les zones, plus les zones restantes sont exploitables.

Vitrine de la préservation de la nature face aux activités humaines et au changement climatique, la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls est en effet un atout précieux ?

C’est une vraie réussite. Je suis surpris par les changements, plus encore que lorsqu’on y vient souvent. Enfant, quand je plongeais dans les zones autorisées de la Réserve, c’était joli. Mais il n’y avait pas plus de poisson à l’intérieur de la Réserve qu’au Cap Béar où la chasse et la pêche sous-marine étaient intenses. Plus tard, j’ai pu plonger dans la réserve stricte. Je voyais bien la différence de richesse en quantité de poissons, taille, espèces rares. Aujourd’hui, tout cela est dans la Réserve Normale. En deux décennies, on voit que la Réserve Intégrale a débordé, c’est magnifique. Certains pensent que si nous protégeons tout, nous ne pouvons aller nulle part. Mais c’est le contraire. Plus nous protégeons strictement les zones, plus les zones restantes sont exploitables. La réserve stricte sème ailleurs la ressource qui est exploitable. Ce n’est pas pour rien que la Réserve est une réussite, qu’il y a des projets pour l’agrandir et que humainement et socialement, elle fonctionne.

Vous avez réalisé les premiers protocoles scientifiques sur le cœlacanthe, surnommé le fossile vivant. A la Réserve de Cerbère-Banyuls, l’animal totem est le mérou. Cela aurait-il pu vous inspirer pour un sujet d’étude ?

Oui, pourquoi pas. Ce n’est que cet été qu’il y a eu les premiers recrutements de mérous. On savait qu’il y avait une certaine reproduction, mais il faut savoir qu’il y a une trentaine d’années, on considérait que les mérous ne se reproduisaient pas au-dessus d’une ligne qui passait par la Corse et Barcelone. À Banyuls, il y avait des individus migrants nés ailleurs, car les larves et les œufs ne semblaient pas hiverner. Pour la première fois, cet hiver, de petits individus bien implantés sur la plage de Peyrefite ou ailleurs. Parce que l’espèce est protégée par la loi, le territoire l’est aussi, et ce n’est pas forcément une fête, mais un constat, c’est le reflet du réchauffement des eaux qui est favorable à cette espèce. Alors oui, ça peut être intéressant d’étudier les mérous, mais les chercheurs perpignanais le font bien.

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Avec votre œil d’artiste, quelle histoire pourriez-vous raconter sur cette Réserve ?

C’est délicat. Mais je rêverais simplement de faire un travail naturaliste qui peut paraître désuet, mais qui me permet de rapporter du neuf. C’est-à-dire un inventaire de la biodiversité, notamment des petits fonds rocheux chaotiques et peu échantillonnés, où les espèces à photographier ne manquent pas. Ou encore dans le coralligène profond (écosystème sous-marin caractérisé par l’abondance d’algues calcaires, NDLR). Tout cela avec des techniques de plongée mini-invasives, dans l’actuelle Réserve Stricte, et en comparaison avec ce que j’ai vu il y a 25 ans. J’aimerais ça. Si je n’avais pas fait de voyages à travers le monde dans ma vie, j’aurais adoré travailler dans cette Réserve et je m’y serais épanouie.

 
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