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[EXPO] Trompe l’oeil, ou quand l’art rencontre l’illusion

Il s’agit d’une exposition des plus originales autour du thème choisi : le trompe-l’œil. Le musée Marmottan-Monet en rassemble quatre-vingts, issus de ses propres collections ou provenant d’Europe et des États-Unis, allant du XVIee jusqu’à nos jours. Né en marge de la nature morte et de la vanité, le genre a ses maîtres, notamment au XVIIe siècle.e et 18e siècles : Cornelis Norbertus Gijsbrechts, Jean-François de La Motte, Guillaume Dominique Doncre, Louis-Léopold Boilly. Tous sont illustrés dans le « quodlibet », ou pêle-mêle : un panneau de bois auquel sont attachés, par un lien ou des épingles ou de la cire, tout un petit bazar : lettres, partitions, cartes à jouer, gravures, images enjeux, brochures, pièces de monnaie, plumes. , bésicules…

Cornelis Norbertus Gijsbrechts (1649-après 1676 ?). Trompe l’oeil, 1665. Huile sur toile. 59 x 56 cm. Paris, musée Marmottan Monet. © Musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB

Ces choix d’objets s’expliquent par leur caractère familier, qui permet de dresser un « portrait » du mécène ou du peintre (la palette apparaît, dans ce cas, ou l’autoportrait du peintre dans un Doncre de 1785, dans la forme d’une gravure à côté d’un canif, d’un pot à crayons, d’une équerre… Mais ces objets ont surtout l’avantage d’être plats ou peu épais et, donc, de se prêter à l’illusion d’objets optiquement meilleurs que volumineux. on voit bien la différence avec une grande vanité de Gijsbrechts qui, déployée dans l’espace, n’appartient pas au genre lui-même. Avec un grand trompe-l’œil, long de 2 mètres, La Motte atteint sans doute les limites du genre, bâti sur. fouillis, il gagne en épaisseur avec un buste, un violon, une bouteille et, à droite, s’élargit sur une bibliothèque puis se perd.

C’est à Louis-Léopold Boilly (1761-1845) que l’on doit le terme « trompe-l’œil ». Il titre ainsi un tableau exposé au Salon de 1800. Son plateau de table est célèbre. L’une des pièces qui y sont exposées porte l’effigie de Napoléon Bonaparte ; cela confirmerait l’hypothèse selon laquelle l’œuvre appartenait à l’Empereur. Boilly aimait aussi imiter les estampes et créer des accumulations d’images (peintures, gravures, dessins). Comme d’autres spécialistes du genre (Étienne Moulinneuf), il les présente parfois dans un sous-verre brisé… ce qui n’est qu’une feinte.

Louis Léopold Boilly (1761-1845) Trompe-l’oeil aux pièces de monnaie, sur le dessus d’un guéridon, vers 1808-1815. Peinture à l’huile sur vélin et bois. Guéridon hauteur 76 cm, plateau 48 x 60 cm. Lille, Palais des Beaux-. © Grand Palais Rmn (PBA, Lille) / Stéphane Maréchalle

Le quodlibet n’est pas que du trompe-l’oeil. Jean-Baptiste Oudry, peintre des chiens et des chasses de Louis XV, a peint un bois de cerf dans une composition audacieuse (Oudry était un peintre audacieux de Canard blanc sur fond blancen 1753). Anne Vallayer-Coster joue avec la sculpture, « peignant » des bas-reliefs en marbre (faune, putti…), deux petites peintures monochromes d’une grande sensibilité. L’imitation de bas-reliefs blancs destinés à prendre place dans une pièce, pour en décorer l’architecture, connaît un certain succès : comme les grandes toiles « néo-classiques » de Jacob de Wit.

Henri Cadiou (1906-1989). La Larme, 1981. Huile sur toile. Collection privée. © Tous droits réservés © ADAGP, Paris 2024

Au XXece sont les peintres du groupe Trompe-l’œil/Réalité, menés par Henri Cadiou (1906-1989), qui redonnent vie à un genre qui, sans avoir disparu, s’était quelque peu éclipsé. Signes Cadiou La larme (1981), emballage d’où surgit la Joconde. Pierre Ducordeau, Embarquez en déplacement (1966). Certaines œuvres modernes n’échappent pas à une certaine sécheresse : Le Reliquairepar Jacques Poirier; Colis postalpar Ton de Laat. Est-ce l’effet d’une recherche trop axée sur l’hyperréalisme ? Les quodlibets du XVIIème sièclee-XVIIIe montrez-nous que le trompe-l’œil n’a pas besoin d’être photographique pour créer une illusion. Nos sens n’ont pas besoin d’autant d’abus et la réalité n’est jamais aussi aride. Vu sous cet angle, le trompe-l’œil de l’art contemporain (Jadede Daniel Firman, 2015), 100% réalistes par des moyens étrangers à l’art, ne s’inscrivent pas dans la continuité d’un genre qui mélangeait art et illusion en équilibrant habilement les deux.

• Trompe l’œil, de 1520 à nos jours. Jusqu’au 2 mars 2025, musée Marmottan-Monet. 2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris. Du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
• Le catalogue (280 pages, 35 euros) sera en librairie à partir du 31 octobre.

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