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Être juste envers soi-même, c’est lutter (Par Mamadou Gomis)

L’Afrique a-t-elle dormi trop longtemps pour que certains osent parler de son réveil, de son rattrapage ? Ce continent, qui n’est que très souvent perçu selon le regard des autres, a un défi à relever, une image à corriger. C’est une nécessité vers une consécration du respect mutuel, une consécration de la dignité humaine, une mise en valeur de ses valeurs et des solutions adaptées aux exigences du présent qui permettent d’envisager sereinement l’avenir. Une démarche qui interpelle les acteurs des et de la Culture, notamment ceux du secteur de la photographie, ou encore du secteur de l’image, dont l’impact est encore sous-estimé ou méconnu. Pourtant, cela influence la société, la politique, l’économie, etc.

Que cela se fasse grâce à l’outil photographique, quelle autre tragédie ! Les acteurs de la photographie, surnommés « les savants rois » exhortent parfois, dans leur message à la jeunesse, à abandonner l’idée d’une immigration clandestine qui porte atteinte à la dignité de nos peuples. Pourtant, nombre de ces photographes travaillent dans des conditions qui les pousseraient vers le farniente et l’aventure. En effet, à travers d’extrêmes difficultés liées à la maltraitance au travail, notamment les très brillantes déformations de la réalité objective, les mauvais paiements, les négligences, les fausses obligations morales, les erreurs intentionnelles, les vols répétitifs de photos, le détournement de photos, etc., des centaines, voire des milliers de jeunes Africains les photographes font preuve d’une détermination à couper le souffle rien que pour vivre de leur passion, pour agir professionnellement au prix de leur vie.

Récemment, un jeune photographe avait acheté un nouvel appareil photo à bon prix pour prendre de belles photos et certainement de belles vidéos. Il pensait pouvoir réaliser son rêve professionnel et documenter en images toute la traversée d’une pirogue de migrants illégaux. Il était conscient des risques qu’il pouvait courir pour cette grande production d’images qui devait aussi l’aider à développer sa petite entreprise locale. Sa manière d’aborder son métier, son engagement l’ont finalement perdu. Une belle personne, une belle âme périt alors avec le naufrage de la pirogue dans laquelle il avait embarqué. Preuve que les photographes prennent autant de risques, sans assurance, pour trouver des solutions à de graves problèmes. Des risques, des sacrifices qui ne suscitent aucune inquiétude chez ceux que l’on appelle : les « spécialistes du vol de photos ». Faut-il leur rappeler que ce qu’ils publient, le droit exclusif du photographe est opposable à tous.

À une époque où le numérique déshumanise bien souvent, les techniques photographiques ont évolué. Il y a toujours une surface au fond de notre « œil sensible » qui envoie des informations à notre cerveau. La photographie peut et doit restaurer la capacité d’empathie, nous rappelant qu’au fond nous partageons tous les mêmes aspirations à un avenir meilleur. La photographie ne doit pas être volée. Non seulement le vol de photos affecte des milliers de photographes, mais il affecte directement la vie de millions de familles et met en danger l’avenir de milliers de photographes et de millions d’auteurs africains. Cependant, les véritables opportunités pour les jeunes en désarroi n’existent quasiment pas encore ou sont d’une importance minime dans le contexte des changements envisagés par les États africains pour réduire le chômage. Pour certains jeunes, leur façon d’appréhender la réussite, leur engagement dans le rêve peuvent les amener à perdre la vie en essayant d’atteindre l’Europe. Face à cela, l’obligation morale d’un photographe professionnel de consacrer son temps est également d’être un observateur critique et un participant actif aux luttes qui définissent notre époque.

L’analyse a une grande valeur, une capacité à rendre visibles des réalités frustrantes, à sensibiliser et à promouvoir de réels changements en faveur de la dignité humaine. Il marque une étape significative dans le renforcement de la lutte contre le vol de photos et les formes de détournement de la photographie en Afrique. Sur la route, ce qui se passe derrière et devant la caméra est sensible, solitaire et dur pendant longtemps. En fait, la véritable fonction d’un photographe est une forme de résistance, de ne jamais préférer le confort du connu. La mission du photographe est une célébration de la résilience humaine, de la capacité à trouver la beauté au milieu du chaos et de la capacité de rêver d’un avenir meilleur au milieu de la souffrance au travail. Dénoncer l’injustice, face à une injustice que vivent les photographes africains, ne fait que mettre en colère les ignorants et les injustes. Cette dénonciation marque une étape significative dans le renforcement de la lutte contre le vol de photos et les formes de détournement de photos en Afrique. Le vol de photos est tout simplement la commission d’un crime, un vol frauduleux du bien d’autrui. Mais il existe de nombreux acteurs manipulateurs et autres voleurs de photos qui constituent des obstacles à la liberté du métier et à l’économie du secteur de la photographie, pour tenter de faire croire que les photos sont libres de droits. Ils ont un trouble de la personnalité. De toutes les photos appartenant exclusivement au photographe qu’ils publient sans autorisation dans les journaux, sur Internet ou dans les réseaux sociaux, ces publications constituent une violation flagrante des droits des photographes et donc un vol de photos. Une attaque contre l’économie de nos sociétés africaines et contre la dignité humaine. Les vols, les attentats qu’ils commettent à travers leurs publications constantes d’œuvres de photographes et d’autres auteurs sont intimement liés aux « bandes de voyous » et au « banditisme colonial » qu’ils tentent de renforcer, formant un lien fraternel, peu puissant. Ce lien entre « voyous » transcende la simple « garde intellectuelle » et devient un pilier central de leur existence d’acteurs malsains, à travers des « postures » et une malhonnêteté intellectuelle coloniale et post-coloniale.

Le vol de photos ou le détournement de photographies accompagné de malhonnêteté intellectuelle n’est ni une question esthétique ni éthique. C’est une résistance au changement, une peur viscérale de ceux qui veulent remettre en cause, notamment, le respect de la dignité. Il ne suffit pas de dire : « Je suis d’accord avec votre combat ou je soutiens votre combat qui est légitime. » Cela doit être sincère, motivé et accompagné d’un changement d’attitudes et de comportements. Le vol de photos est tout simplement une trahison de l’essence même de notre métier ; c’est un refus, aux yeux du monde, d’encourager les efforts de nombreux photographes et auteurs africains.

L’engagement social du photographe, de l’auteur, est une responsabilité inévitable malgré « l’adversité ». Le silence face à l’injustice est en soi une forme de violence. Ce silence est complicité. J’invite (encore) mes chers frères et sœurs africains qui ont l’obligation d’agir dans leur environnement immédiat, de susciter le dialogue, de se reconnecter à nos sociétés et de créer des ponts entre les peuples. C’est un effort vers une société plus juste, plus solitaire et plus prospère. C’est aussi un cri partagé, un acte appelant à un réel changement de comportement. Les photographes doivent être à la fois un miroir et un marteau, capables de refléter la vérité avec clarté et, en même temps, de sculpter un nouvel avenir plus positif pour nos sociétés. Malgré les incompréhensions et les critiques de la part des « démons » qui veulent vivre de leur égoïsme économique et culturel, les photographes ne doivent pas renoncer à leur mission. Leur générosité se limite à partager leur vision. Leur courage pour défier les soi-disant « savants rois » et leur authenticité pour rester fidèles à eux-mêmes sont des actes qui ont le pouvoir de transformer nos sociétés, c’est un combat contre ceux qui veulent assurer et maintenir le contrôle du visuel narratif. Nous avons toutes les capacités pour vaincre définitivement les « démons savants » par la maîtrise du récit visuel et éradiquer cette atteinte à la dignité humaine qu’est l’immigration clandestine.

Mamadou Gomis, auteur-photographe, chercheur, fondateur de la Fédération Africaine de l’Art Photographique (FAAP) et membre fondateur de l’Union Nationale des Photojournalistes du Sénégal (UNPJS).

 
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