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Pour le peintre Tom Wesselmann, un marché à l’ombre de Warhol

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« Fumeur #3 (Bouche #17) », 1968. 2024 THE ESTATE OF TOM WESSELMANN/ARTISTS RIGHTS SOCIETY (ARS), NEW YORK – AVEC L’AIMENT DE L’ESTATE ET ALMINE RECH

Des lèvres gourmandes. Paupières maquillées. Derme rose. L’œuvre couleur chair de l’artiste américain Tom Wesselmann (1931-2004), que la Fondation Louis Vuitton à Paris expose à partir du 17 octobre, est identifiable entre mille, sans être reconnue à sa juste valeur. Sa palette franche était jugée trop flashy, ses sujets pleins de désir, trop obscènes. Lors de la réouverture du Whitney Museum dans un bâtiment flambant neuf en 2015, le peintre trônait en effet dans la salle dédiée au pop art, une étiquette qu’il a souvent réfuté de son vivant.

De tous ses contemporains, il est le mal-aimé. “Il fait néanmoins partie des trois grands, avec Andy Warhol et Roy Lichtenstein”» argumente le marchand new-yorkais Christophe Van de Weghe. Ses prix sont cependant à des années lumières de ceux de ses pairs. « Lorsqu’un chef-d’œuvre de Warhol vaut 200 millions de dollars, le Lichtenstein 55 millions, un grand Wesselmann vaut 6 millions de dollars ! Le prix d’un jeune artiste dont on ne sait pas ce qu’il vaudra dans cinq ans, alors que Wesselmann est dans l’histoire ! »se désole M. Van de Weghe.

Son collègue Emilio Steinberger, l’un des directeurs de la galerie new-yorkaise Lévy Gorvy, donne un début d’explication : « Il a produit beaucoup moins que les deux autres. Pour un Wesselmann, il y a quinze Lichtenstein et trente Warhol. Les gens hésitent à le mettre en vente. En conséquence, le marché est instable. » C’est en partie vrai, mais ce n’est pas la seule explication.

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Exposition « A Different Kind of Woman », à la galerie Almine Rech, à Paris, en 2016. 2024 THE ESTATE OF TOM WESSELMANN/ARTISTS RIGHTS SOCIETY (ARS), NEW YORK – AVEC L’AIMENT DE L’ESTATE ET ALMINE RECH

Né en 1931 dans l’Ohio, Wesselmann rêve d’abord de devenir dessinateur avant de s’imposer comme artiste à partir de 1961 avec sa série de Grand nu américain, dont une version a été proposée en juin par Christophe Van de Weghe au salon Art Basel pour 5,5 millions de dollars. Même s’il peint aussi des hommes, des verges et des glands en gros plans, la femme apparaît d’emblée comme un sujet obsessionnel, son corps délimité, entouré, ses membres brisés comme un puzzle. Même les montures suivent les contours féminins. Contrairement à ses camarades du pop art, qui prenaient leurs figures féminines dans les magazines, il peignait des modèles en chair et en os. Comme Matisse, sa référence absolue.

Wesselmann a beau être un digne héritier du peintre français, ses nus s’inscrivent dans un tout autre contexte, l’hédonisme de années soixante et le consumérisme américain. Canette de Budweiser, milkshake, 7 Up, hamburger… Tous les attributs duMode de vie américain apparaissent dans le décor.

Travail suspect

Pendant longtemps, le marché de Tom Wesselmann a été atone. L’œuvre qui fétichise à outrance la bouche, forcément pulpeuse, les tétons, le pubis ou la trace d’un bikini, a pu paraître répétitive, et pire, suspecte aux yeux des féministes. Wesselmann adhère certainement à la révolution sexuelle : ses femmes sont libérées et agréables. Mais dépourvues de regard, associées à des fruits ou des fleurs comme une simple nature morte, elles semblent juste bonnes à regarder, femmes-objets en somme.

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