News Day FR

La vision du nouveau directeur des Musées royaux des Beaux-Arts : « Diversité »

Kim Oosterlinck était vice-recteur à l’ULB en charge de la prospective et du financement, et professeur de finance à l’école Solvay. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur commercial Solvay, d’une licence d’histoire de l’art et d’archéologie et est docteur en sciences économiques et de gestion.

Kim Oosterlinck succède à Michel Draguet aux Musées royaux des Beaux-Arts

Il devra faire face à deux défis majeurs : gérer d’importants travaux de rénovation, pendant peut-être dix ans, avec des fermetures de salles, et, d’autre part, remotiver le personnel, et ce, au moment où le probable gouvernement dirigé par la N-VA est on parle de réduire drastiquement le financement de la politique scientifique, et donc aussi des musées fédéraux.

Comment se dérouleront les gros travaux et les fermetures de salles ?

Nous commencerons par les travaux de rénovation du « Prolongations »ces anciens et très beaux espaces d’exposition fermés depuis des années. Il faudra les vider et stocker les œuvres qui s’y trouvent dans le Fin de siècle Museum fermé depuis janvier. Les travaux débuteront après ce transfert. Parallèlement, des travaux seront réalisés à l’entrée du bâtiment Balat (entrée rue de la Régence) qui était prévue pour 350 000 visiteurs par an ; mais nous en sommes à 700 000. Nous prévoyons également de rénover le Balat en général (le bâtiment du Musée d’Art Ancien où des fuites d’eau se produisent dans les chambres). Mais il n’y a pas encore de calendrier ni de financement pour cela. Les travaux en dehors de Balat commenceront en 2026 et se termineront en 2030 et nous avons obtenu les 32 millions d’euros nécessaires pour cela. La rénovation de Balat dépendra alors de financements (20 millions ?), dont du mécénat de compétences. Pour transférer des œuvres des extensions vers le stockage à Fin de siècle Museumvous devrez passer par nos espaces d’expositions temporaires actuels. Il y aura alors une année, 2026, pendant laquelle nous ne pourrons pas organiser d’expositions temporaires.

Quelle est votre philosophie pour le musée ?

Il possède une collection exceptionnelle d’œuvres d’artistes belges et étrangers liés à la Belgique comme Marat assassiné de David. En tant qu’institution scientifique, nous devons être essentiels pour ces artistes. Le musée doit également être exemplaire en termes de durabilité, de diversité et d’inclusion. J’ai demandé aux conservateurs de voir où nous manquons dans ces domaines. Il y a des périodes où nous n’avons pas ou peu d’artistes féminines. Pouvons-nous le réparer ou expliquer pourquoi nous n’en avons pas ? Ou trouver comment combler ces lacunes ? Notre mission est également de présenter l’art du 14ème siècle jusqu’à nos jours. Pour l’instant, compte tenu de la fermeture du Musée d’Art Moderne en 2011 et maintenant celle du Fin du Siècle, si l’on ne faisait rien, on ne présenterait pas d’art moderne ou contemporain avant des années ! Impossible. Pour éviter cela, j’ai donc demandé aux conservateurs et au service éducatif de repenser l’ensemble du parcours de Balat. Il ne faut plus le considérer comme un musée d’art ancien, mais comme un musée des beaux-arts en général, où seront présentées des œuvres du XIVe au XXIe siècle. Cela représentera un changement profond dans notre façon de penser le musée. Cette révision se fera progressivement. Nous ne pouvons pas fermer le musée d’un seul coup. Ce serait une catastrophe, y compris budgétaire. L’idée est donc qu’au cours des deux prochaines années, nous commencerons progressivement à intégrer les nouvelles salles.

Le musée doit être exemplaire en termes de durabilité, de diversité et d’inclusion.

Prônez-vous la diversité ?

Le Forum du musée, qui est le lieu symbolique lorsque l’on entre dans le musée, doit avoir une dimension accueillante pour tous et refléter que l’art est plus grand que nous et nous inclut tous. Il faudrait y créer un parcours, y mettre plus d’œuvres avec plus de diversité. Affichez-y notre message général. La diversité, c’est aussi montrer différents types d’art. Pour l’instant, il s’agit principalement de peinture, mais il y a aussi des œuvres sur papier et pour le 21ème siècle, des installations. Je souhaite également que le public belge et bruxellois se réapproprie le musée et revienne régulièrement constater la richesse de nos collections. J’aimerais tous les 2 ans avoir une thématique qui nous amène à changer 10% de nos œuvres exposées. Si par exemple 2026 était l’année de la musique, nous aurions 10 % d’œuvres liées à ce thème. Il permet à nos conservateurs de repenser nos collections et de faire des avancées scientifiques.

Cette diversité perdurerait-elle après les travaux ?

Nous pourrions conserver cette forme par la suite. Plutôt que d’avoir des musées divisés par période, ayez un seul musée des Beaux-Arts. Nous arrêterions la séparation Art ancien, Art moderne, Fin de siècle. Cela permettrait de repenser ensemble les collections, d’avoir plus de dialogues et d’éviter que, quand on ferme quelque chose, on ferme directement une période entière.

Quel avenir lors des travaux sur la collection Art nouveau Gillion-Crowet prêtée au musée ?

Une option serait de le rendre accessible à certaines périodes de l’année, deux ou trois semaines par an.

Kim Oosterlinck devant l’un des joyaux du musée que l’on pourra revoir la semaine prochaine dans le patio du musée : « Le Pape Hibou » de Francis Bacon (1958). ©Ennio Camièrere

Quelles expositions aimeriez-vous voir ?

J’aimerais davantage d’expositions à portée sociétale ou liées à nos recherches comme celle qui ouvre la semaine prochaine : « Brouillons », Croquis (en même temps qu’Emily Mae Smith au musée Magritte). De nos collections, l’exposition Brouillons montre que l’esquisse peut être considérée comme le geste créatif premier de l’artiste. Nous essaierons également d’organiser des expositions avec des artefacts légèrement différents. Les conservateurs veulent vraiment pouvoir mettre la main à la pâte. Il y aura aussi de grandes expositions en partenariat avec des musées étrangers, de véritables partenariats, tant scientifiques qu’en termes d’œuvres d’art. Comme nous l’avons fait avec celui du Surréalisme. Les grands travaux ne débuteront qu’en 2026. Nous l’avons appris tardivement alors qu’ils étaient prévus pour fin 2025. Je mettrai les équipes à contribution pour essayer d’avoir une exposition fin 2025.

Au Musée des Beaux-Arts, un siècle d’aventures du surréalisme annoncé par le symbolisme

Le musée pourrait-il s’étendre à l’espace Vanderborght et ING à Bruxelles ? Et qu’en est-il de vos autres musées : le Magritte, le Wiertz ? Et les restaurants du musée ?

Ces questions de nouveaux espaces sont ouvertes. Tout dépend des conditions dans lesquelles nous reprendrions les lieux. Vanderborght dépend de la Ville de Bruxelles. Quelle entente trouverait-on entre le gouvernement fédéral et la Ville ? Pour le moment, je travaille sans cette hypothèse car elle me permet d’avancer sur ce que je maîtrise. Le reste dépendra des négociations. Il faut aussi se rendre compte que chaque fois qu’on a un bâtiment supplémentaire, on aurait un entretien supplémentaire à faire. Si nous avons un bâtiment supplémentaire, d’où viendront les fonds pour l’entretenir et le faire fonctionner ? Le musée Magritte fonctionne très bien. Le musée Wiertz est proche du Parlement européen. On pourrait y organiser des expositions qui questionnent, par exemple, l’art et la démocratie, ou l’art et la science. Le restaurant est fermé depuis des années. Nous ne le rouvrirons pas, mais nous mettrons le Boutique Magritte. Quant à la restauration à l’intérieur du musée, il faudra relancer un marché public, pour la cafétéria qui est fermée pour le moment.

Comment les problèmes de personnel internes ont-ils été résolus ?

Je ne suis le juge de personne. Sara Lammens a fait un travail considérable pour calmer le jeu. Le problème du manque de ressources est une des causes des difficultés car évidemment dans les arbitrages qu’il a fallu faire, certains se sont sentis maltraités parce qu’ils n’ont pas obtenu autant de ressources qu’ils le souhaiteraient et d’autres en ont. J’essaie de mettre en place des procédures pour clarifier les choses dans une gestion plus participative, et avec plus de transparence sur les décisions. Il y a eu des gens qui ont été très blessés pour diverses raisons, mais je suis confiant. Le personnel est motivé, extrêmement qualifié et avec un très fort attachement au musée.

Une note préliminaire a fuité des négociations pour l’Arizona avec une réduction de 50% des subventions pour la politique scientifique fédérale ! Faut-il concentrer les efforts sur le ministère (Belspo) plutôt que sur les établissements scientifiques ? Il y a aussi le spectre d’une communautarisation des musées fédéraux ?

Idéalement, vous souhaitez économiser le moins possible. Au sein du musée, nous avons des coûts incompressibles, comme pour les gardiens, pour la sécurité, la conservation, la restauration. Nous avons déjà atteint la limite du possible. Les économies de 50 % sont totalement irréalistes. Communautarisation ? Non, je pense qu’il faut se rendre compte que la richesse de nos collections fait que nous avons vocation à avoir un niveau international, à jouer en Premier League. Nos partenaires sont tous des musées de premier plan. Si cette gestion commençait à avoir des connotations communautaires, elle serait incompréhensible pour le reste du monde. C’est une vitrine importante pour toute la Belgique. Quand vous avez des prêts partout dans le monde, vous montrez le musée et nos chercheurs. Cet aspect fédéral est crucial à conserver.

Y a-t-il des synergies à réaliser ?

Tous les directeurs des grandes institutions s’entendent très bien. Nous voulons travailler ensemble. Et en ce moment, celle avec qui je travaille le plus est Sara Lammens. Nous aimerions voir ce que nous pourrions mettre en place pour redynamiser le Mont-des-Arts, avec Christophe Slagmuylder (Bozar) et Géraldine David (MIM). Faites des choses ensemble, la nuit par exemple.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :