News Day FR

Dans «Les bouches», Bruno Pellegrino parle du travail du sculpteur Lou Masduraud – rts.ch

Dans le dernier livre de la collection Portraits d’Art&Fiction, l’auteur vaudois Bruno Pellegrino s’intéresse à l’œuvre de l’artiste plasticien français Lou Masduraud, rencontré lors d’une résidence à Rome entre 2021 et 2022. Un récit joyeux d’une amitié naissante.

« Ce n’est pas la première fois que j’écris sur des personnes réelles, mais c’est la première fois que j’écris sur quelqu’un de vivant. » Lorsque Bruno Pellegrino est arrivé en résidence à l’Istituto Svizzero de Rome en 2021 dans le but d’écrire son prochain roman, il ne connaissait que le nom de l’artiste plasticienne Lou Masduraud. Et surtout, il ne savait pas qu’il allait écrire son portrait.

Originaire de Montpellier, Lou travaille la pierre, la céramique et le marbre. « Je crois que c’est la première sculptrice que j’ai vue de ma vie et je ne pense même pas à regarder ses mains », écrit l’auteur à propos de cette femme qui sera pendant des mois sa colocataire.

Très vite, Bruno Pellegrino se sent comme porté par une intuition inexplicable : « C’est comme quand j’ai une idée de livre. Elle m’a tout de suite intrigué, elle m’a fait beaucoup rire. Mais je sentais dans sa manière d’exister quelque chose qui me fascinait. Alors, j’ai commencé à prendre des notes, mais sans plan. »

Si Bruno Pellegrino est à Rome pour écrire, Lou compte explorer un domaine qui l’intéresse depuis longtemps : les fontaines. Dans la ville éternelle, elles sont innombrables.

Lou s’intéresse beaucoup aux bouches, là où s’échangent mots, salive et bactéries, les bouches comme début ou fin d’un système : le réseau souterrain rejoint la surface, quelque chose passe et se produit, l’invisible devient visible.

Extrait de « Les bouches » de Bruno Pellegrino

Récupération fasciste

Mais pour le sculpteur, s’il s’agit de traiter la fontaine comme un objet symbolique, il est aussi essentiel de la voir comme un objet politique. Sous le régime de Mussolini, ces bouches par lesquelles l’eau était offerte à la population et qui constituent encore aujourd’hui un enjeu majeur d’assainissement dans l’Italie d’aujourd’hui, furent pour beaucoup déplacées de leur emplacement d’origine. Un réaménagement justifié par la volonté du Duce de restaurer la grandeur de l’Empire romain.

Ironiquement, la ville de Carrare, d’où provient le marbre de la plupart des fontaines, est aussi le berceau de l’anarchisme italien, et l’un des plus grands bastions de l’antifascisme. C’est là que Lou Masduraud doit se rendre si elle veut trouver la matière de son travail. L’occasion d’un road trip en compagnie de Stefano, propriétaire d’une marbrerie à Rome, micro-éditeur à ses heures et fan d’Einstürzende Neubauten, groupe de punk industriel allemand.

A Carrare, Lou Masduraud espère trouver des petits morceaux de marbre rouge et rose dans lesquels elle sculptera de vraies bouches, avec des dents, des langues, des sourires, des grimaces. Certaines ressembleront à des anus.

Après un certain temps, elle revient de son cours en possession de sa première bouche en marbre, un objet blanc, irrégulier, étrangement lourd, qui tient dans la paume de la main et que je tourne et retourne longuement dans mes mains.

Extrait de « Les bouches » de Bruno Pellegrino

Concours de circonstances

En mai 2022, la résidence romaine touche à sa fin et Bruno Pellegrino reçoit un mail l’invitant à peindre le portrait littéraire d’un artiste. « J’ai peur que Lou refuse, j’attendrai un peu avant de lui en parler. Mais non, ça va, elle est d’accord ». Puis une annonce tombe, celle d’un concours que le plasticien a remporté : celui d’une fontaine publique à Genève qui, si tout va bien, sera inaugurée en 2025. Une bouche de plus.

Ellen Ichters/olhor

Bruno Pellegrino, « Les bouches – Portrait de Lou Masduraud », éd. Art&Fiction, août 2024.

Aimez-vous lire? Abonnez-vous à QWERTZ et recevez chaque vendredi cette newsletter dédiée à l’actualité du livre préparée par RTS Culture.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :