Les cambrioleurs avaient fait tomber le tableau sans prévenir

Les cambrioleurs avaient fait tomber le tableau sans prévenir
Les cambrioleurs avaient fait tomber le tableau sans prévenir
Les deux cambrioleurs maladroits qui ont volé « La Madone » mais aussi « Le Cri ». ©2004AFP

La Norvège est sous le choc. Et pour cause : premièrement, nous avions déjà volé un Cri (la version de la National Gallery d’Oslo) en 1994, lors des Jeux Olympiques de Lillehammer. Les voleurs avaient laissé un post-it embarrassant : «Merci pour le manque de surveillance« . La peinture a été récupérée quelques mois plus tard, mais ça fait encore beaucoup de dégâts.

D’autant plus que si Le cri est une œuvre de cœur pour les Norvégiens, qui y voient la modestie scandinave dans l’expression des sentiments, l’œuvre a aussi une aura mondiale. Qui ne pense pas avoir cette image dans les yeux («hein, je ne sais pas de quel tableau tu parles ?“) il suffit de regarder de plus près l’emoji “peur” présent sur son smartphone, dont le visage est emprunté à l’œuvre la plus célèbre d’Edward Munch. Cri, dont il a produit cinq interprétations au total, a également inspiré l’expression horrifiée de Macaulay Culkin sur l’affiche de Maman, j’ai raté l’avion ou l’effrayant masque de fou de Crier. Et c’est sans compter le nombre d’objets dérivés incalculables sur lesquels on a pu alors la « contempler », du tapis de souris au set de table plastifié, en passant par les coussins, les chaussettes et la jupe, enfin la cravate hurlante – cravate dont l’événement d’exposition doit être choisi avec soin, car le sujet représenté n’est pas léger.

il est donc également possible de boire dans un « Cri ». ©imagebroker.com

Peindre la dépression

Edward Munch a peint sa première version de Cri en 1893, visible à la National Gallery d’Oslo, alors qu’il traverse un profond épisode dépressif. L’œuvre représente un homme au visage fantomatique en proie à la peur, dans un décor extérieur fait d’aplats lumineux. Le protagoniste semble isolé, malgré les personnages en arrière-plan, de l’autre côté d’un pont. On peut également identifier les lieux. C’est le port d’Oslo vu depuis la colline d’Ekeberg. Cette image peut être comparée à un événement raconté par l’artiste lui-même. “Je marchais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout à coup le ciel est devenu rouge sang. Je me suis arrêté, fatigué, et je me suis appuyé contre une clôture – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – mes amis ont continué, et je suis resté là, tremblant d’anxiété – j’ai senti un cri infini qui traversait le l’univers et qui a déchiré la nature.

Munch voulait peindre sa vie, l’exposition à Beaubourg

Cet extrait de journal nous permet de comprendre quelque chose de fondamental qui manque souvent à la première lecture de cet ouvrage. Ce n’est pas l’artiste/protagoniste lui-même qui crie, mais plutôt la nature qui l’entoure. Ceci est confirmé par le premier titre de l’ouvrage qui a été Le cri de la nature. Et si les traits de la figure du personnage semblent avoir été empruntés par l’artiste à une momie péruvienne qu’il a vue en 1889 lors de l’Exposition universelle de Paris, en revanche, l’instant représenté, la puissance des couleurs, la force de la ligne, ce ciel irradié, pourrait faire référence à l’éruption volcanique de la montagne indonésienne Krakatoa en 1883, dont les conséquences météorologiques atteignirent alors le ciel de l’Europe.

Mais finalement, Le cri, même dans la version en noir et blanc de l’exposition actuelle au Palazzo Reale de Milan, plus modeste peut-être, exprime les spasmes du peintre. Ce n’est pas anodin si l’on considère Edward Munch comme l’un des précurseurs de l’expressionnisme en peinture, proche de Van Gogh et Gauguin. Ce hurlement silencieux dû à l’angoisse d’une fin qui nous dépasse ; Cette mélancolie obscure des humains sont les thèmes qui ont irrigué l’œuvre du Norvégien depuis qu’il a décidé, à l’âge de 16 ans, qu’il serait peintre. Son projet qu’il a initié très tôt, Frise de vie, vise à montrer les humeurs de son existence.

Issu d’une famille excessivement puritaine – son père, un médecin militaire très religieux, était devenu presque fou d’intolérance, disait-il –, Munch a connu très jeune la maladie et son corollaire, la mort. Sa mère est décédée de la tuberculose alors qu’il n’avait que cinq ans. Huit ans plus tard, sa sœur Sophie décède de la même maladie qui a donné naissance au tableau L’enfant malade, peint en 1885.

Très tôt, Munch entend donc dépeindre les sentiments qui l’habitent, afin de partager avec le spectateur les difficultés d’être. Un style avant-gardiste pour son époque, qui suscite dans un premier temps de la méfiance, voire du dégoût, à l’égard de son œuvre. Quand la table le cri a été montré pour la première fois au public en 1895, on ne parlait toujours pas de santé mentale. La vision de Munch est troublante, au point qu’un étudiant en médecine suggère que le peintre devait avoir un problème psychologique. D’ailleurs, si l’on regarde la toile, on retrouve cette mention : « Ne peut avoir été peint que par un fou », ajoutée par Munch lui-même, a posteriori de la réception de son œuvre.

La police norvégienne, pas si folle, a réussi à mettre la main sur les Munches volées en août 2006. Plus de peur que de mal.

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⇒”Munch, le cri intérieur», au Palazzo Reale, à Milan, jusqu’au 26 janvier. Infos : https://www.palazzorealemilano.it

⇒”Munch Portraits », à la National Gallery de Londres, à partir du 13 mars. Infos : https://www.npg.org.uk


Le Cri coûte de l’argent !

En 2012, un multimillionnaire américain a acquis 119 millions de dollars (91 millions d’euros) une version de Cri aux pastels sur carton. A peine 12 minutes pour atteindre ce record de ventes chez Sodeby’s. Le fait est que les trois autres versions du Cri sont au musée, donc inaccessibles aux collectionneurs. explique un prix d’achat aussi exceptionnel. Le collectionneur ne pouvait pas laisser passer l’affaire.


Toujours à Milan : Eva Jospin chez Max Mara

Une vue de « Microclima » depuis la verrière du magasin. ©MasiarPasquali

L’artiste Eva Jospin (Paris, 1975), qui avait déjà séduit le directeur artistique de la maison de luxe Dior qui lui avait commandé le décor d’un défilé haute couture, aura une nouvelle fois brillé lors d’un concours à l’initiative de la collection Maramotti. . C’est son ouvrage intitulé Microclimat qui trône désormais sur les hauteurs de la Piazza del Liberty à Milan, sous la verrière de la boutique Max Mara.

Le sculpteur français, qui a fait du carton son matériau de prédilection, a imaginé, pour ces lieux, toute une végétation luxuriante qui semble s’épanouir à l’abri d’une serre. Des plantes curieuses, des lianes, des feuilles immenses sous lesquelles on s’abrite, et dont on oublie vite l’aspect cartonné.

Attention cependant, le titre de l’ouvrage nous chatouille : Microclimat Cela nous rappelle-t-il la fragilité des constructions humaines, en l’occurrence une serre qui croit entourer la nature ? Tandis que la nature n’accepte pas de se laisser enfermer dans des murs. Il n’y a pas d’angélisme esthétique dans cette proposition qui ne manque cependant pas de interpeller par la sensation d’immersion dans un autre monde qu’elle crée. Il faut dire aussi qu’Eva Jospin a travaillé avec le parfumeur Julien Rasquinet qui a cherché à restituer la trace olfactive d’une serre tropicale, pour parfaire cette sensation d’entrée dans un univers singulier, entre souvenirs et projections mentales. Eva Jospin explique : «À un moment donné, c’était comme si ces architectures naturelles, ces « portes rocheuses », ces entrées vers des mondes inconnus, étaient devenues une obsession. Et dans cette obsession, la nature devient un mystère qui enveloppe l’homme dans une étonnante spatialité. C’était l’idée de franchir le seuil d’une autre dimension“. (DE, à Milan)

 
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