mise à jour sur la situation

La mission du gouvernement de créer un « véritable campus » réunissant l’École nationale des beaux- et l’École nationale d’architecture n’est pas du goût des étudiants et des enseignants, qui craignent pour leur modèle pédagogique.

L’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris où les étudiants entendent poursuivre leur activité pour protester contre un projet de rapprochement avec des apprentis architectes. Photo Martin Argyroglo/Divergence

Par Xavier de Jarcy

Publié le 9 décembre 2024 à 18h52

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Depuis la fin de la semaine dernière, les étudiants des Beaux-Arts de Paris occupent leur école, sur leur site historique baptisé « Saint-Germain-des-Prés », face au Louvre. Les portes restent ouvertes, mais les étudiants sont présents jour et nuit. Ils protestent ainsi contre une éventuelle fusion entre l’École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) et l’École nationale supérieure d’architecture (Ensa) Paris-Malaquais, situées au même endroit. Près de deux mille personnes, dont neuf cents étudiants en architecture et six cents étudiants en beaux-arts, travaillent ici. Exigu : la surface disponible par étudiant (3,8 m2 contre 8,73 dans les écoles d’architecture, et 17 m2 aux Beaux-Arts contre 27 m2 dans d’autres écoles d’art, notait récemment le journal Libération) est nettement inférieur à la moyenne nationale.

Depuis plusieurs mois, des rumeurs vagues et contradictoires circulent sur les projets du gouvernement. Le 5 juillet, la ministre de la Culture, Rachida Dati, a adressé une lettre de mission au promoteur immobilier Laurent Dumas, président du conseil d’administration de l’École des Beaux-Arts, et au sociologue Pierre-Paul Zalio, président du Condorcet. Campus et administrateur de Paris-Malaquais. Les deux sont chargés de réfléchir à « un véritable campus d’art et d’architecture, ouvert sur la ville ». Cette lettre de mission a mis le feu aux poudres. En octobre, une pétition a rassemblé plus de mille cinq cents artistes, étudiants et enseignants. Ils craignent que derrière le nom « campus » cache l’intention d’un « véritable démantèlement des Beaux-Arts », dont la pédagogie et les équipes sont différentes de celles de l’Ensa : en première année, chaque étudiant postule pour intégrer pendant cinq ans un atelier animé par un artiste, qui choisit ses étudiants en fonction de leurs affinités avec sa pratique (peinture, photographie, sculpture, etc. .). Les âges sont mixtes, ce qui permet aux plus grands d’aider les plus jeunes.

Vers un partage plus large ?

Le 3 décembre, Christopher Miles, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture et membre du conseil d’administration de l’Ensba, a reçu la directrice des Beaux-Arts, Alexia Fabre, accompagnée de représentants des professeurs, personnels et étudiants. Christopher Miles leur a rappelé la nécessité de rénover l’un des bâtiments, le Palais des Etudes. Cent millions de travaux sont prévus sur le site de Saint-Germain-des-Prés, un terrain de deux hectares abritant de multiples bâtiments dont certains en mauvais état. C’est à ses yeux l’occasion d’engager une réflexion générale en incluant l’Ecole d’Architecture.

La cour vitrée du Palais des Études, à l'École nationale des beaux-arts de Paris.

La cour vitrée du Palais des Études, à l’École nationale des beaux-arts de Paris. Photo Martin Argyroglo/Divergence

Christopher Miles a particulièrement écouté les plaintes des enseignants, qui craignent que les projets de mutualisation « techniques de base » le bois et le métal, les locaux et les équipements, ne sont pas le point de départ d’un partage plus large, y compris pédagogique, et font perdre à l’école son identité. Professeurs et élèves refusent également la délocalisation en banlieue de toutes les collections d’art de l’école, unique au monde et point fort de la pédagogie. Une partie a déjà été déplacée. Christopher Miles leur a donné des garanties.

Une réunion du conseil d’établissement s’est tenue le lendemain, le 4 décembre. Le projet de fusion n’était pas à l’ordre du jour, mais, en présence de Christopher Miles, les représentants des professeurs ont lu une déclaration introductive : « Nous avions l’impression d’avoir été entendus, ont-ils dit à l’envoyé du ministère, réitérant ses propos de la veille. Nous nous souvenons de la réunion d’hier : cet enseignement en atelier allait être protégé ; qu’aucune mutualisation n’aurait lieu tant que nous nous y opposerions, que ce soit sur des bases techniques ou pour des enseignements théoriques et de dessin ; que les collections étaient destinées, en partie, à réinvestir le Palais des Etudes et que les espaces potentiellement libérés seraient attribués à l’École des Beaux-Arts. »

Des mois de « langage de bois »

Mais l’attitude conciliante de Christopher Miles n’a pas apaisé toutes les inquiétudes. Les enseignants exigent désormais des garanties écrites. D’autant qu’ils ont évoqué lors de la séance l’existence d’un document rédigé en juin dernier par Jean-Baptiste de Froment, directeur de Paris-Malaquais, privilégiant le scénario d’un « une refonte au moins partielle de l’offre d’enseignement et de recherche des deux établissements », avec par exemple « la création d’un collège d’arts et d’architecture au premier cycle, à spécialisation progressive (vers les arts ou l’architecture) » ; “l’intégration du niveau master dans une “graduate school” commune” ; « le développement d’un centre de recherche commun ».

Les étudiants, brûlés par des mois de “langue de bois”, ne sont pas non plus satisfaits. « Le ministère s’engage à ne pas remettre en cause l’enseignement en atelier. C’est plutôt rassurant, explique un porte-parole. Mais la mutualisation des bases techniques nous inquiète. Ce n’est pas souhaitable pour des raisons pédagogiques. De plus, ces bases fonctionnent déjà à pleine capacité. »

On est d’accord pour y réfléchir, mais l’injonction à la mutualisation a bouleversé tout le monde.

Christopher Miles, directeur général de la création artistique au ministère de la Culture

De son côté, l’Ensa Paris-Malaquais joue aussi un rôle apaisant : « Nous ne sommes pas du tout dans une logique d’affrontement et de compétition. Nous voulons seulement réfléchir de manière pacifique et constructive à la manière de mieux vivre ensemble. » fait valoir l’architecte Frank Minnaërt, enseignant et président du conseil d’administration. Avec un peu de bonne volonté, les deux écoles pourraient s’entendre sur certains points, comme la recherche. « Il existe déjà des ateliers communs », souligne le porte-parole étudiant, qui regrette surtout l’absence de dialogue et la méthode ” verticale ” employé. ” Nous avons d’excellents collègues à Malaquais, mais les projets de recherche ne peuvent venir que des chercheurs eux-mêmes. Nous sommes d’accord pour y réfléchir, mais l’injonction de mutualiser a bouleversé tout le monde », confirme un représentant des professeurs des Beaux-Arts.

La mission Zalio-Dumas devrait rendre son rapport vers le 20 décembre. Son avis sera consultatif. Il est peu probable qu’elle propose au ministère une fusion, et encore moins une fusion. Mais il ne se contentera pas non plus de simples recommandations techniques. D’ici là, les étudiants, rejoints par les étudiants architectes, poursuivront leur métier, élargissant le débat à la situation financière. “catastrophique” les écoles d’art et de design en général et les menaces de coupes budgétaires dans le secteur culturel.

 
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