REPORTAGE – Ce massif montagneux présente une palette particulièrement riche de réalisations architecturales innovantes. Structures touristiques et équipements publics créent ici un art de vivre élégant qui ouvre la porte à la modernité.
Depuis la lagune de Venise, par temps clair, vous pouvez parfaitement les voir avec leurs sommets enneigés toute l’année. Si les Dolomites semblent à portée de main, il faut néanmoins compter deux à trois bonnes heures de route pour atteindre cette chaîne de montagnes, partie intégrante des Alpes, mais aux paysages bien distincts. Réparties à la frontière de l’Italie et de l’Autriche, les Dolomites se caractérisent par une roche sédimentaire, la dolomite, qui produit ces éperons rocheux très particuliers, flanqués d’impressionnantes falaises.
C’est un géologue français, Déodat Gratet de Dolomieu, qui a mis au jour, à la fin du XVIIIe siècle, cette composition géologique qui, un peu plus tard, sera reconnue par l’appellation dudit massif d’après son patronyme. C’est ainsi que les Dolomites – inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2009 – trouvent leur place sur les cartes, tandis qu’on fait également référence à la province du Tyrol du Sud (Trentin-Haut-Adige, en français) pour désigner la zone.
Forme organique
Le massif est relativement vaste, ponctué de sommets flirtant avec les 3000 mètres (Marmolada, Tre Cime, Piz Boè…), tandis que les routes pour explorer le territoire sont particulièrement sinueuses. Reste le loisir de profiter des paysages grandioses, pour ne pas dire uniques, qui font des Dolomites une destination de choix pour les amoureux de nature pure. Mais très vite, on est frappé de découvrir, même au fond d’une vallée perdue, un art de vivre raffiné, souvent servi par une architecture particulièrement innovante que l’on n’attendrait pas forcément dans une destination qui paraît au premier abord bien éloignée.
Cette impression devient évidente lorsque l’on atteint le sommet du Plan de Corones (2275 mètres). Là, au cœur du domaine skiable, deux musées ont été érigés : le Lumen est dédié à la photographie de montagne et a été conçu par les agences d’architecture EM2 et Demogo dans l’ancienne gare d’arrivée des remontées mécaniques en provenance de Riscone. Le second, le MMM Corones, semble émerger du rocher. C’est l’architecte Zaha Hadid qui a conçu cette forme très organique, en partie souterraine, pour accueillir l’un des six musées imaginés par une véritable star locale : l’alpiniste Reinhold Messner qui souhaite à travers cette série de lieux d’exposition, appelés Messner Mountain Museum, payer hommage aux massifs qui l’ont amené au firmament de ce « conquête de l’inutile »symbolisé par l’escalade en haute montagne.
Les Dolomites version archi
« C’est une véritable prouesse architecturale, car les quelque 400 panneaux d’acier qui habillent la structure ne sont pas identiques dans leurs formes. Le bâtiment est comme un puzzle”souligne le guide du musée. Les randonneurs et les skieurs peuvent ainsi profiter d’une véritable escale culturelle durant leur périple, d’autant que le Lumen abrite également une table, AlpiNN. Son aménagement intérieur a été confié au designer Martino Gamper par le chef triplement étoilé Norbert Niederkofler, déjà présent dans la vallée à l’Atelier Moessmer.
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Des accords plus que parfaits
Cet exemple n’est pas un fait unique qui serait porté par l’économie de l’excellente gastronomie, car c’est bien l’ensemble du secteur hôtelier qui est particulièrement enclin à apporter le goût du modernisme aux bâtiments abritant les établissements. Au pied des pistes, ou parfois le long de celles-ci, il n’est pas rare de voir des hôtels à l’architecture très contemporaine côtoyer des bâtiments au design beaucoup plus traditionnel. Pourtant, rien ne détonne dans le paysage, et plus encore, il ne suscite pas de polémique. Ici, quand on décide de construire de toutes pièces, on ne cherche pas à jouer au pastiche montagnard ou au traditionnel vrai-faux. Le travail sur les formes et la recherche sur les matériaux sont sans concession et proposent souvent des interprétations innovantes de l’architecture de montagne utilisant des matériaux et une iconographie propres au territoire.
Une raison majeure à cela : la présence d’une scène architecturale incarnée par des agences comme Noa, Pedevilla, Modus, Peter Pichler, Martin Gruber, Armin Sader, ou encore Matteo Thun… particulièrement dynamique, traitant avec des sponsors qui n’ont pas peur d’oser. Faisant écho à ce constat, la liste des hôtels et restaurants pour jouer le jeu de la modernité est pour le moins impressionnante : qu’il s’agisse d’adresses initiées par des groupes à dimension internationale – comme Como et Adler présents à l’Alpe di Siusi ou Falkensteiner à Riscone, à au pied du Plan de Corones – mais aussi des entreprises plus locales, pour ne pas dire familiales, comme Atto à San Candido, Anders Mountain Suites ou Forestis au domaine de Plose, Milla Montis à Maranza, Schgaguler à Castelrotto, Zallinger et Icaro à l’Alpe di Susi, Bühelwirt et Olm dans la vallée de l’Ahr… Pour réaliser les enduits de la façade de l’hôtel Atto, par exemple, l’agence Pedevilla a décidé d’utiliser du sable violet provenant de la région voisine. rivière. Au Falkensteiner, l’architecte Matteo Thun a largement utilisé le bois pour décorer le complexe 5 étoiles.
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Zéro folklore
À Plose, Andreas Plattner, propriétaire du très intimiste Anders Mountain Suites, a confié à l’architecte Martin Gruber le soin de remplacer la maison d’hôtes classique de ses parents par un « villa » aux formes très modernistes. À Obereggen, le domaine skiable a fait appel à Peter Pichler pour construire un nouveau restaurant d’altitude appelé Oberholz. « Nous avons remarqué que la silhouette unique du bâtiment, avec ses trois façades vitrées, faisait rapidement le tour des réseaux sociaux et attirait de fait une clientèle venant parfois spécifiquement au domaine pour un repas »explique le responsable de la communication de la station.
Ainsi, l’architecture contemporaine peut s’intégrer à l’offre touristique d’une région, s’affranchissant complètement du folklore. Et cette manière de changer le cadre de vie se reflète à travers différents types de bâtiments – qu’il s’agisse d’équipements publics, comme les casernes de pompiers, les offices de tourisme, les salles de réunion. escalade comme les sièges sociaux des entreprises, et bien sûr les maisons, voire les fermes. Preuve en est, même au cœur de la ruralité, les formes créatives permettent à l’art de vivre d’évoluer sans le dénaturer.
Information : sur Idm-suedtirol.com et Suedtirol. information