Il est l’un des grands noms de l’impressionnisme, auteur de tableaux extrêmement célèbres comme « Les Raboteuses » ou « Le Pont de l’Europe », démonstrations de force picturale qui lui permirent de s’affirmer dans le groupe – il fut l’un des plus jeunes. Issu d’une famille bourgeoise, Gustave Caillebotte (1848-1894) fut aussi un mécène et un soutien fédérateur pour ses amis artistes – 38 œuvres de sa collection, léguées à l’État, sont également présentées dans une salle du musée d’Orsay. Aujourd’hui, l’institution aborde son travail à travers une approche inédite dans une exposition : la chronique du monde moderne à travers la représentation de la condition masculine.
Chronologique et géographique, « Painting Men » illumine ses univers, de la ville moderne aux banlieues parisiennes encore rurales, des intérieurs cossus aux paysages extérieurs. Le sujet s’attarde peu sur l’évolution de sa peinture, même si sa touche apparaît de plus en plus épaisse au fil du temps, dans l’énergie du geste et les contrastes de couleurs. Comme le souligne Paul Perrin, commissaire de l’exposition et directeur de la conservation et des collections au musée d’Orsay : « Caillebotte est avant tout un créateur d’images. »
Les différentes versions du « Pont de l’Europe » révèlent une nouvelle architecture, dont les poutres d’acier semblent voler la vedette aux passants : les corps sont coupés et les visages détournés. Aux derniers étages des immeubles, les balcons offrent des espaces de vie uniques et la possibilité d’avoir des vues plongeantes éblouissantes – Caillebotte en fait l’un de ses motifs favoris. L’espace public est dominé par les hommes, riches ou pauvres, tour à tour absorbés dans leurs pensées ou emportés par le feu de l’action. Tous les records du vestiaire masculin sont précisément documentés, de la redingote à la blouse de l’ouvrier.
« Caillebotte a grandi avec la photographie et l’intègre à sa peinture »
En regardant ses vues de ville, on pense à un cadrage photographique. Mais comme l’explique Paul Perrin, « Caillebotte a grandi avec la photographie et l’intègre dans sa peinture. Pourtant, en 1870, la photo instantanée n’existait pas, et des images qui s’en inspirent apparurent plus tard. Surtout, ses œuvres nous donnent l’impression d’être dans l’œil du peintre comme dans l’objectif d’un photographe.
L’indétermination est sans doute ce qui caractérise le mieux ses images, qu’il montre des scènes de rue dans lesquelles on ne sait pas toujours qui observe qui, ou qu’il réalise des portraits d’hommes alanguis sur des fauteuils ou occupés à lire. livres. Dans une lettre à un ami, il fait part de son mépris des distinctions sociales. S’il montre des ouvriers au travail, il ne peint pas les raboteuses de l’usine, mais la peau en sueur, agenouillée sur le sol de son propre atelier. Paul Perrin précise : « Caillebotte montre beaucoup et cache beaucoup : l’expression des visages, les relations entre les personnages, ce qu’ils regardent hors du cadre… »
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Même dans ses rares nus, masculins ou féminins – les trois seuls qu’il a réalisés sont présentés dans l’exposition – le travail de Caillebotte est peu érotique. Elle témoigne de son quotidien de ses débuts – dans la maison familiale, avec ses frères – puis de sa vie d’adulte. Sa compagne, Charlotte Berthier, apparaît même dans quelques tableaux. Mais il ne montre jamais clairement sa vie personnelle. « C’est une œuvre à la fois voyeuriste et modeste », souligne Paul Perrin. A travers ses peintures, Caillebotte montre les complexités de l’âme humaine, avec des provocations qu’il semble parfois apprécier. Il semble y avoir un projet de liberté dans ses peintures.