“Ce que j’ai voulu montrer, c’est le mensonge de la beauté”

“Ce que j’ai voulu montrer, c’est le mensonge de la beauté”
“Ce que j’ai voulu montrer, c’est le mensonge de la beauté”

Photographe, plasticienne, Valérie Belin a été élue en 2024 à l’Académie des Beaux-. Formée aux Beaux-Arts de Versailles, puis à l’École nationale supérieure d’art de Bourges, influencée par l’art minimal américain et le baroque italien, la photographe plasticienne présente sa première exposition en 1994 : sa célèbre série Cristaldes objets en cristal, en noir et blanc, cadrés très près, où tout devient lumière. Depuis, elle ne cesse de développer un art où les êtres et les objets sont comme des spécimens au cœur de l’image, où l’incroyable beauté côtoie le froid et le vide, où les identités se brouillent au gré des stéréotypes. Une photographie qui donne au spectateur un sentiment d’étrangeté qui l’accompagne longtemps….

Valérie Belin est accueillie cette année au festival Paris Photo, dans le cadre du stage Elle X Paris Photos pour l’exposition de nouvelles photos inédites.

Une beauté très étrange

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Photos dans l’ordre de « Bodybuilders I » (99070605), 1999 / « Study for Black Eyed Susan #6 » (130806), 2013
– © Valérie Belin Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia Paris/Bruxelles

Avec 30 ans de carrière et 45 séries photographiques exposées à travers le monde, Valérie Belin s’impose indéniablement comme l’une des références de la photographie contemporaine. Quand on plonge dans son œuvre, un trouble apparaît. S’agit-il d’un trouble de l’identité, d’un trouble de l’image ou d’un trouble de la réalité ? Difficile d’en être sûr. Pourtant, derrière ce désordre se cache toujours une étrange beauté. “Mon travail consiste à exagérer ce qui se passe à la surface des choses. Et parfois, explique-t-elle en parlant de sa série Mannequins (2003)c’est en s’approchant de très près qu’on se rend compte que tout est faux. Ce que je voulais montrer, c’est le mensonge de la beauté. Il y a une forme d’aliénation de soi dans toutes les représentations des femmes et des hommes que j’ai faites jusqu’à aujourd’hui.»

Et en photographiant la beauté, Valérie Belin s’en est fait sa propre idée : «la beauté est aussi un danger, l’incarnation d’une forme de stéréotype. Je pense que nous avons tous besoin de modèles pour nous former, mais l’excès de modèles fait basculer notre identité vers quelque chose de destructeur. Aujourd’hui, le diktat des images pourrait aussi être une définition de la beauté.

La figure humaine comme toile vierge

Avec l’arrivée du numérique, le travail du photographe visuel a évolué. Des appareils photo argentiques, elle est passée aux portraits numériques avec des couleurs et des superpositions d’images et de formes. Pourtant, la figure humaine habite encore tout un pan de sa dernière série : «Aujourd’hui, je travaille avec des mannequins d’agence que j’utilise comme toiles vierges où je crée un personnage de toutes pièces. Cette création de personnages, c’est un peu ce qui définit mon travail actuel. On pourrait presque parler de collage. Il y a un jeu d’appropriation très fort qui me permet de continuer à évoquer cette aliénation de soi sur laquelle je travaillais déjà au cinéma. Mais je ne fais pas de portraits d’âme, mais plutôt celui du psychisme belliqueux des femmes d’aujourd’hui. Mes sujets continuent de sortir du magma du quotidien.»

La photographie est un art du regard

Pour Valérie Belin, la photographie est avant tout un regard. Pourtant, pour elle, celui du spectateur compte au moins autant que celui de l’artiste : «Quand je crée une photographie, une série, des images, il s’agit d’essayer de provoquer une expérience qui est celle de nous ramener à nous-mêmes, de pousser les spectateurs au rêve. Je dis cela dans le sens où mes photographies tentent de nous confronter à un miroir qui nous regarde, dans lequel nous nous voyons, ce qui nous oblige finalement à nous regarder. Et la beauté est justement cette porte d’entrée du regard qui nous pousse à aller ailleurs, dans toutes les strates de l’œuvre. Une œuvre d’art pour moi, c’est aussi cela, quelque chose qui résiste à une interprétation complète, toujours avec un peu de mystère et de rêverie.

A venir visiter Paris Photosrendez-vous au Grand Palais à Paris du 7 au 10 novembre 2024.

Extraits sonores

  • Archives de Roland Barthes en Entretiens avec Roland Barthes Culture, 23/02/1977
  • Archives de George Didi Huberman dans Les chemins de la philosophie le 26/06/2018
  • Chanson : Taxi Girls – Mannequin extrait de l’album À la recherche du garçon (2010)
 
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