Au Musée de l’Orangerie, ombres et lumières de la collection Berggruen

Au Musée de l’Orangerie, ombres et lumières de la collection Berggruen
Au Musée de l’Orangerie, ombres et lumières de la collection Berggruen

Heinz Berggruen (1914-2007) fut l’un des principaux marchands d’art moderne des années 1950 aux années 1970. Sa galerie, rue de l’Université, à Paris, n’avait pas les dimensions monumentales qui sont aujourd’hui la règle, mais on y voyait des raretés. L’une de ses dernières expositions, en 1981, était consacrée aux œuvres sur papier de la dernière décennie de Picasso, période alors décriée.

Mais Berggruen était aussi un collectionneur obstiné, comme on le voit à Berlin, dans le musée qu’il y a fondé et qui a été acquis par l’État allemand en 2000. Il est aujourd’hui en construction et ses œuvres circulent. L’exposition au musée de l’Orangerie, « Heinz Berggruen, un marchand et sa collection », inaugurée le 2 octobre à Paris, est l’une des étapes de ce tour du monde.

Il présente un peu moins d’une centaine d’œuvres. Par ordre chronologique des auteurs : Cézanne, Matisse, Klee, Picasso, Braque et Giacometti. En termes de quantités, Picasso domine de loin. Les tableaux célèbres de ces artistes célèbres alternent avec d’autres tableaux moins connus des mêmes artistes, qui n’en sont pas moins intéressants, sinon plus en raison de leur moindre notoriété. L’accrochage est élégant, dans une architecture blanche qui privilégie les vues traversantes et les connexions visuelles entre, par exemple, un nu découpé à la gouache bleue de Matisse et une petite sculpture de Picasso. C’est donc une exposition très luxueuse, qui célèbre l’œil d’un grand connaisseur.

Le Cubisme, sa grande passion

Né en 1914 dans une famille juive bourgeoise à Berlin, Heinz Berggruen étudie la littérature et le journalisme dans cette ville, puis en France. Forcé de fuir le IIIe Reich, il émigre en Californie en 1936 grâce à une bourse de l’Université de Berkeley, puis travaille au Musée d’Art Moderne de San Francisco. Il combat dans l’armée américaine et est chargé, en 1945, de créer un magazine qui sera, dans l’Allemagne libérée du nazisme, une sorte de Vie. Mais il préféra, à cette tâche, écrire sur l’art contemporain et, bientôt, le vendre. En 1947, il ouvre une première galerie à Paris, Place Dauphine, qui lui est rachetée en 1949 par des voisins désireux de s’agrandir, le couple Simone Signoret-Yves Montand. Il s’installe ensuite rue de l’Université, où il reste jusqu’à sa retraite.

« Guitare et journal » (1916) et « Buste de femme nue » (Etude pour « Les Demoiselles d’Avignon ») (1907), de Pablo Picasso. BPK/GALERIE NATIONALE, PME, MUSÉE BERGGRUEN/JENS ZIEHE/SUCCESSION PICASSO 2024

Il exerce simultanément deux activités dont l’une finance l’autre. La première consiste à acheter, exposer et vendre. L’autre achète et ne vend pas. Le premier est banal. Comme tout galeriste, Heinz Berggruen sélectionne les artistes, organise des présentations, publie des catalogues (petits et gracieux) et vend. Cette partie de sa vie n’est visible que dans l’exposition de la dernière salle, suggérée par des affiches et des catalogues. Si plusieurs sont consacrés à Picasso et Klee, d’autres défendent Tapies, Poliakoff ou Soulages. L’éclectisme de la programmation ne répond pas à des préférences claires, mais plutôt à un pragmatisme, évidemment efficace puisqu’il permet à Berggruen de poursuivre son autre œuvre, de constituer une collection cohérente des artistes qui lui sont chers : les héros de l’exposition.

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