Décès de Yan Morvan, photographe des guerres et des marginalisés

Décès de Yan Morvan, photographe des guerres et des marginalisés
Décès de Yan Morvan, photographe des guerres et des marginalisés

Il a couvert plus d’une vingtaine de conflits, mais a aussi photographié des personnes en marge de la société ou des lieux hantés par le passé. Le photojournaliste est décédé le 20 septembre, à l’âge de 70 ans.

Le photographe Yan Morvan, en 1976. Collection Yan Morvan

Par Marie-Anne Kleiber

Publié le 24 septembre 2024 à 15h22

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«RRaconter une histoire commence sur le pas de la porte “, assurait Yan Morvan. Il a étendu sa curiosité du coin de sa rue au monde entier. Légende du photojournalisme, lauréat de deux World Press, le photographe français est décédé le 20 septembre 2024 à l’âge de 70 ans.

Irlande du Nord, Liban, Afghanistan, Rwanda, Kosovo… Connu pour son énergie de rouleau compresseur et pour ne pas mâcher ses mots, Yan Morvan a couvert plus d’une vingtaine de conflits des années 1980 aux années 2020. Sa photo émouvante d’un soldat tenant la main d’un autre soldat enseveli sous les décombres du quartier général des forces françaises à Beyrouth, démoli après un attentat suicide le 23 octobre 1983, a fait la Une du quotidien français Paris Match et a fait forte impression. Il y a deux ans, il était encore à Marioupol, en Ukraine, pour le magazine Marianne.Il n’a pas lâché la pièce “, raconte son collègue Éric Bouvet, avec qui il a réalisé la série Hexagone (2017-2019), composée de portraits de Français. Il savait prendre le temps de rester en place, de pouvoir pousser les portes et de se faire accepter. « , jusqu’à ce qu’il s’intègre, photographiant instinctivement, comme fondu dans des groupes sociaux différents du sien.

Avant d’explorer les zones de guerre pour l’agence Sipa, Yan Morvan – qui aimait les histoires deIliade Enfant, à Antibes, il étudie les mathématiques. Rêvant de réaliser des péplums, il s’oriente rapidement vers une école de cinéma à Vincennes, au grand désespoir de son père qui lui coupe les vivres. Fauché, se livrant à de petits vols pour survivre, Morvan parvient à vendre des photos à Libérer, il débute dans les années 1970 par une enquête photographique « dans sa rue » sur les vestes noires.

Le photographe Yan Morvan, en lunettes noires au centre, avec « Blousons noirs », 1971.

Le photographe Yan Morvan, en lunettes noires au centre, avec « Blousons noirs », 1971.

Le photographe Yan Morvan, en lunettes noires au centre, avec « Blousons noirs », 1971. Archives de Yan Morvan

Le photojournaliste poursuit cette exploration des groupes de jeunes marginaux à la fin des années 1980, lorsque les Red Warriors combattent les skinheads, s’intéressant également à l’essor du hip-hop dans les banlieues. Histoire de gangs, L’œuvre, qui retrace ces différentes trajectoires, a été diffusée une première fois en 2013. Avant d’être retirée suite à une décision de justice : un jeune homme, photographié alors qu’il était mineur et néonazi dans les années 1980, a assuré n’avoir pas donné son autorisation. L’œuvre est finalement réapparue en 2022.

Ramasser les morceaux

Fort de plusieurs vies, Yan Morvan a échappé à la mort à de nombreuses reprises. Lors d’une bagarre dans un café dans les années 1970, puis après avoir été séquestré et torturé par Guy Georges (le futur tueur en série de l’Est parisien), qui était alors son fixeur dans les squats parisiens. Au Liban, aussi. « 1982, 1983, 1984, 1985, j’ai vécu quatre ans dans l’enfer de la guerre. En gagnant de l’argent grâce à l’horreur, je suis devenu cynique ” a-t-il écrit dans Journaliste de guerre, designed with Aurélie Taupin in 2012 (Edition de La Martinière).

Série « La Ligne verte », Hossein et sa famille, Beyrouth, 1985.

Série « La Ligne verte », Hossein et sa famille, Beyrouth, 1985.

Série « La Ligne verte », Hossein et sa famille, Beyrouth, 1985. Photo Yan Morvan/Avec l’aimable autorisation de la Galerie Sit Down

Il revient ensuite à ce qui l’intéresse : « les petites gens ». Ceux qui restent aux marges du monde. En 1985, il réalise une série à la chambre photographique sur les Beyrouthins vivant le long de la Ligne verte, ces 15 kilomètres qui séparent musulmans et chrétiens. Plus récemment, dans le cadre de la Grande Commande photographique, il s’intéresse aux portraits, toujours à la chambre photographique, des consommateurs de crack. « Comment pouvons-nous continuer à raconter l’histoire ? Nous devons ramasser les morceaux », il a écrit dans Champs de bataille, publié en 2015 et qui recense les sites où se sont déroulées des batailles sanglantes dans le passé. Qu’en reste-t-il ? Des parkings, des parcs, des bois hantés par les massacres qui s’y sont déroulés. Un ouvrage classé par la critique dans la catégorie « art », ce qui l’irrite : selon lui, il s’agit encore et toujours de photojournalisme.

Grigny, La Grande Borne, 1992.

Grigny, La Grande Borne, 1992.

Grigny, La Grande Borne, 1992. Photo Yan Morvan/La fabrique à livres

Série « La ligne verte », un Druze et son bébé, district d’Aley, octobre 1983.

Série « La ligne verte », un Druze et son bébé, district d’Aley, octobre 1983.

Série « La ligne verte », un Druze et son bébé, district d’Aley, octobre 1983. Photo Yan Morvan/Avec l’aimable autorisation de la Galerie Sit Down

Sans titre, de la série « Vestes noires », 1975.

Sans titre, de la série « Vestes noires », 1975.

Sans titre, de la série « Vestes noires », 1975. Photo Yan Morvan/La fabrique à livres

« Squat Didot », 1994.

« Squat Didot », 1994.

« Squat Didot », 1994. Photo Yan Morvan/La fabrique à livres

Série « Vestes noires », Place des Vosges, Paris, 1975.

Série « Vestes noires », Place des Vosges, Paris, 1975.

Série « Vestes noires », Place des Vosges, Paris, 1975. Photo Yan Morvan/Avec l’aimable autorisation de la Galerie Sit Down

 
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