La Belgique, eldorado des étudiants déçus par Parcoursup

La Belgique, eldorado des étudiants déçus par Parcoursup
La Belgique, eldorado des étudiants déçus par Parcoursup

Pour Inès, l’architecture est une vocation. « J’aime l’idée de construire quelque chose pour les gens, de voir que ce que l’on fait a un impact sur eux et leur environnement », résume l’étudiante originaire de Bordeaux. En 2020, sur Parcoursup, elle postule dans six écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA). Malgré sa mention « Bien » au bac, elle essuie des refus partout. Le plan B est tout trouvé. « Je me suis tournée vers la Belgique, plus accessible financièrement que l’Espagne, se souvient-elle. Même si je ne savais pas vraiment comment ça allait se passer, je savais que c’était ce que je voulais faire ! »

Chaque année, comme Inès, un millier d’étudiants français partent s’installer en Belgique pour poursuivre leurs études en architecture. Les facultés de Bruxelles, Louvain, Lièges et Mons constituent celles que les Français et les Belges surnomment la « 21e école française d’architecture » (en plus des 20 ENSA, ndlr). Faciles d’accès et réputées, ces écoles sont devenues en quelques années un eldorado sur lequel peuvent compter les étudiants déçus de Parcoursup.

Nathan pensait répondre aux critères de l’ENSA : stages, baccalauréat général spécialité maths, physique et sciences de l’ingénieur, participation aux journées portes ouvertes des écoles… « J’ai fait huit demandes sur Parcoursup, toutes refusées. » La Belgique est alors apparue comme une possibilité. « Je n’ai pas eu le temps de réfléchir, tout s’est passé très vite jusqu’à la rentrée. J’ai choisi l’Université libre de Bruxelles (ULB) pour des raisons pratiques et logistiques », avoue Nathan, originaire de Vichy.

Des études d’architecture assez similaires

Inès a également choisi l’ULB. « J’étais à la fois impatiente et excitée. Mais au final, plus on me parlait de mon déménagement en Belgique, plus je réalisais et plus je stressais. » Les derniers adieux à l’aéroport avec sa famille ont été « très durs, tout le monde pleurait », raconte-t-elle en riant en y repensant.

De son côté, Brice avait anticipé. Lorsqu’il a appris qu’il ne serait admis dans aucune des neuf ENSA pour lesquelles il avait postulé, l’étudiant, lui aussi originaire de Bordeaux, a rejoint des groupes sur les réseaux sociaux. Ses conversations l’ont fait pencher vers l’Université de Liège. « À la rentrée, je connaissais déjà quelques personnes, c’était rassurant. »

Les trois étudiants sont unanimes : s’ils ont aussi choisi la Belgique, c’est aussi et surtout parce que le pays est francophone. « L’intégration des étudiants ne pose aucun problème. Le fossé culturel est marginal et on ne voit même pas de différence en termes d’enseignement », assure Jean-Didier Bergilez, vice-doyen à la faculté d’architecture La Cambre Horta de l’ULB.

Désormais en troisième année, Brice a tout de suite trouvé sa place. « Les Belges ont beaucoup de préjugés sur les Français, ils nous trouvent très arrogants, c’est drôle ! On se taquine sur nos expressions mais c’est tout, on s’intègre très vite. » Les élèves louent également la relation professeur-élève. « On tutoie, on s’appelle par nos prénoms, on va même boire des bières après les cours. C’est plus convivial même s’il y a beaucoup de respect », souligne Inès.

Un lieu « remis en jeu » chaque année

L’étudiante bordelaise s’apprête aujourd’hui à terminer sa dernière année à l’ULB. Mais tout n’a pas été aussi simple. « En première année, nous étions plus de 500. Et on nous a tout de suite dit qu’à la fin de l’année, il n’en resterait qu’un tiers. Donc, même si c’est facile d’entrer, c’est beaucoup plus difficile de rester. »

Car en Belgique, il n’y a pas de sélection. Pour intégrer la première année, Belges et Français envoient simplement un dossier de candidature. « Ce sont des études qui attirent car il y a à la fois de la construction et de la créativité, de nombreux défis à relever, notamment environnementaux. Les étudiants se sentent de vrais acteurs », explique le doyen de la Faculté d’architecture et d’urbanisme de Mons. Résultat, chaque année, le nombre d’étudiants en architecture ne cesse de grimper. « En six ans, le nombre d’étudiants a explosé, nous sommes passés de 1.200 à 2.400 étudiants », résume le vice-doyen de l’ULB. Parmi eux, 30 % sont des étudiants français, toujours aussi nombreux dans les cours.

Finalement, comme en France, l’exigence se fait de plus en plus sentir. « Comme on est nombreux, ils nous trient, constate Brice. Je suis déjà sorti de certains cours en pleurs car les professeurs n’hésitent pas à nous dire quand on ne répond pas à leurs attentes. Ils nous poussent à bout pour éliminer les plus faibles. » Les élèves parlent des chariots, du peu de sommeil et des périodes de travail très intenses. « On subit beaucoup de pression, ce n’est pas plus facile qu’en France, rétorque Nathan, actuellement en troisième année. C’est presque plus sélectif car chaque année, notre place est remise en jeu. Beaucoup abandonnent et redoublent en Belgique. Mais au moins, on a eu notre chance. »

Les étudiants français plus motivés pour réussir

Et pas question de revoir le principe d’admission en Belgique. « On entend parfois parler de concours, de numerus clausus, mais je ne pense pas que les universités aient envie de défendre ce système », confie le doyen de l’Université de Mons. « Il n’a jamais été question de limiter l’accès aux Français ou de les faire payer plus cher. D’autant que quand je vois le système Parcoursup et les compétences attendues, on peut se dire qu’il y a un fossé énorme : ce ne sont pas forcément de bons résultats au secondaire qui vont nous rendre brillants et capables de nous épanouir dans ces études », confirme le vice-doyen bruxellois.

De plus, selon Jean-Didier Bergilez, à l’ULM, les étudiants français réussissent mieux que les étudiants belges. « Je pense que ceux qui sont passés par Parcoursup ont davantage réfléchi à leur orientation, ils ont une plus grande culture architecturale, ils sont plus motivés. Et puis, pour eux, venir en Belgique, c’est un engagement familial et financier et donc, là encore, une certaine motivation. »

Une fois diplômés, les étudiants français ne semblent pas avoir de mal à intégrer le marché du travail. Le diplôme belge étant reconnu en France, les jeunes architectes peuvent choisir de retourner dans leur pays d’origine. « C’est parfois difficile d’être loin de ses proches, notamment pour les anniversaires, confie Inès. Mais je sais que cela m’apporte beaucoup. Je suis beaucoup plus ouverte qu’avant, moins introvertie. » La future architecte avoue que son avenir professionnel est encore « flou » mais n’exclut pas d’aller travailler ailleurs dans le monde. « Notre parcours ne s’arrête pas parce que les écoles françaises nous ont refusés. En plus, la Belgique, c’est génial ! »

 
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