La sculpture de la Renaissance revient au château de Dordogne grâce à un musée new-yorkais

CLe vendredi 20 septembre restera une date gravée dans l’histoire culturelle de la Dordogne. Grâce à un partenariat réunissant les deux rives de l’océan Atlantique, une œuvre d’art a pu (presque) retrouver son emplacement d’origine.

Il s’agit de « La Mise au Tombeau du Christ », au Château de Biron. Nous sommes dans un territoire un peu particulier, aux confins du Périgord, du Quercy et de l’Agenais. Le premier édifice date du XIIe siècleet siècle. L’un des trésors de ce que beaucoup considèrent comme le plus beau château de Dordogne réside dans une chapelle édifiée à la Renaissance. Un maître imagier de l’époque a créé deux ensembles sculpturaux considérés comme « exceptionnels » : une Pietà (représentation de Marie tenant son fils Jésus-Christ sur ses genoux au moment de la descente de croix) et une mise au tombeau.


Ce sont les détails qui ont pris le plus de temps : il a fallu ciseler « le voile de la pierre » pour lui donner l’apparence d’un original.

Loïc Mazalrey

Un précédent

Le premier ensemble a déjà été copié et sa reproduction envoyée aux Périgourdins en octobre 2023. Désormais, la deuxième œuvre est de retour chez elle, en ce week-end symbolique des Journées du Patrimoine. Ces pièces monumentales, sculptées au XVIe siècleet siècle par un artiste anonyme, avait été cédée en 1907 par le dernier marquis de Biron à John Pierpont Morgan, fondateur de la banque JPMorgan et président du Metropolitan Museum of Art – communément appelé le MET. En 1957, une première demande de copie avait été refusée par le musée américain car un moulage risquait d’endommager les traces de peinture encore présentes.


A gauche, Griffith Mann, directeur du département médiéval du MET à New York, a fait le déplacement pour l’occasion.

Loïc Mazalrey

Impact sur les visites

« L’idée a été relancée en 2017, se souvient André Barbé, directeur de la Semitour, chargée de l’exploitation des sites culturels et touristiques de la Dordogne. Nous avons pu proposer une reproduction extraordinaire où chaque détail a été minutieusement restitué. »

Restait à convaincre les Américains, même s’ils ne l’avouent pas ouvertement : « C’était une question très simple pour nous quand nous savions que le travail pouvait être bien fait et que nous pouvions avoir une confiance totale dans l’équipe du fac-similé », répond Griffith Mann, directeur du département médiéval du MET, qui a fait le déplacement.


Voici la copie. L’original se trouve à New York depuis 1907.

Loïc Mazalrey

« Le fait que les sculptures reviennent donne à la chapelle son âme »

Il faut reconnaître que la Dordogne avait tout à y gagner, contrairement aux New-Yorkais : « Cela change complètement la chapelle, se réjouit Sébastien Cailler, régisseur du château. C’est un très vaste édifice, l’une des plus grandes chapelles castrales du royaume de France. Et comme elle est entièrement dépouillée, le fait que les sculptures reviennent lui redonne son âme. »

Le château de Biron est certainement l'un des plus beaux de Dordogne.


Le château de Biron est certainement l’un des plus beaux de Dordogne.

Loïc Mazalrey

Quel impact peut-on attendre sur la fréquentation ? Certains contribuables périgourdins peuvent tousser en apprenant que la reproduction a coûté 350 000 euros au Département. Mais la collectivité met en avant l’augmentation constante des touristes à Biron : de 25 000 il y a treize ans à 80 000 cette année. « C’est un élément de rayonnement supplémentaire en Dordogne », argumente Germinal Peiro, président du Conseil départemental.

Les sculptures ont été imprimées en 3D avant l'intervention d'experts pour donner au mélange de résine et de poudre un aspect de pierre.


Les sculptures ont été imprimées en 3D avant l’intervention d’experts pour donner au mélange de résine et de poudre un aspect de pierre.

Stéphane Klein / SO Archives

Lascaux experts 4

L’argent public a servi à rémunérer les salariés de l’Atelier des fac-similés du Périgord (AFSP), filiale de la Semitour déjà fière d’avoir réalisé Lascaux 3 et 4. « Nous avons travaillé pendant neuf mois, à quatre personnes puis à cinq le dernier mois », raconte Gilles Lafleur, coordinateur de l’Atelier. Une fois les photos de l’original prises, l’équipe l’a reproduit à l’aide d’une imprimante 3D.

Au total, cinq personnes ont travaillé sur la reproduction, mais sans jamais voir l’original.


Au total, cinq personnes ont travaillé sur la reproduction, mais sans jamais voir l’original.

Stéphane Klein / SO Archives

Vient ensuite l’étape cruciale du « voile de pierre », cette technique qui permet de faire apparaître une œuvre originale. « C’est un mélange de résine et de poudre, résume l’artiste plasticienne Valérie Mathias. Il faut donner l’illusion de la pierre en restituant tous les détails et le ciselage, sans jamais avoir vu l’original. C’est un grand défi, mais on se sent privilégié de copier cette œuvre. C’est exaltant. »

La sculpture est conservée dans l'abbaye du château de Biron, considérée comme un chef-d'œuvre.


La sculpture était conservée dans l’abbaye du château de Biron, considérée comme un chef-d’œuvre.

Loïc Mazalrey

« On voit bien que la culture rassemble les gens, le patrimoine rassemble les gens au-delà des querelles politiques »

La formule pourrait apporter une réponse à une question diplomatique très aiguë : les pays colonisés qui demandent aux États colonisateurs de restituer les œuvres spoliées. « Le savoir-faire développé en Dordogne pourrait effectivement aider dans ces cas-là, convient M. Peiro. On voit bien que la culture unit les gens, le patrimoine unit au-delà des querelles politiques. Ces choses-là dépassent tout et sont porteuses de valeurs universelles. »

Le directeur du MET s’est réjoui en découvrant l’œuvre et son décor : « Le travail qui a été fait à partir des images seules est impressionnant. Les détails sont magnifiques. » […] Un autre travail commence maintenant. Nous allons voir comment connecter Biron et nos visiteurs à New York et leur montrer d’où il vient. « Peut-être qu’en voyant l’original aux États-Unis, quelques passionnés viendront grossir les rangs des touristes en France…

 
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