Le mercredi 4 décembre 2024, Brian Thompson, PDG de UnitedHealthcare, l’une des plus grandes compagnies d’assurance maladie aux États-Unis, a été abattu devant un hôtel de Manhattan. La scène, captée par une caméra de vidéosurveillance, montre un crime méthodique, presque théâtral. Quelques heures plus tard, les images sont devenues virales sur Internet, captivant les Américains.
#FreeLuigi enflamme les réseaux sociaux
Après cinq jours de cavale, Luigi Mangione, 26 ans, a été arrêté et accusé de meurtre. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Avant même de connaître son identité, Internet et les Américains s’enflamment : le hashtag #FreeLuigi envahit les réseaux sociaux, transformant le suspect en une figure presque héroïque. Lorsque sa photo a été publiée, les montages du Criminel de Britney Spears ont afflué de partout.
Les médias s’emparent également de son histoire, car l’affaire possède tous les ingrédients d’une série américaine à succès : une histoire prenante avec plusieurs rebondissements, une lutte entre le bien et le mal et de nombreux indices laissés par les coupables présumés. Les enquêteurs ont par exemple trouvé un manifeste de trois pages dans lequel Luigi critique violemment le système de santé américain, qu’il qualifie de « le plus cher du monde » et les douilles retrouvées sur les lieux du crime portent une inscription : « Nier, Défendre, Déposez »*, un slogan souvent attribué aux pratiques controversées des compagnies d’assurance maladie qui rejettent les demandes d’indemnisation.
*Delay, Deny, Defend: Why Insurance Companies Don’t Pay Claims and What You Can Do About It, de Jay Feinman est un essai critique sur les compagnies d’assurance spécialisées dans la santé aux États-Unis, au sujet du remboursement des soins, accusant entreprises de donner la priorité aux profits au détriment des assurés.
Robin des Bois ou meurtrier des temps modernes ?
Fils de bonne famille, diplômé d’une université prestigieuse, Luigi Mangione surprend par son profil atypique. Décrit par ses proches comme calme et attentif, il est aujourd’hui le principal suspect d’un meurtre prémédité et minutieusement exécuté. Pour certains, il apparaît comme un Robin des Bois des temps modernes, prêt à défier les puissants pour dénoncer les injustices du système. Pour d’autres, il reste un meurtrier qu’aucune cause ne peut justifier.
Pourtant, l’affaire cristallise les tensions d’une société tiraillée entre ses inégalités et ses idéaux. Elle soulève une problématique bien plus vaste et met une nouvelle fois sous le feu des projecteurs un mal propre aux États-Unis : les défauts du système d’assurance maladie.
Colère et ressentiment envers l’assurance maladie privée
Malgré les progrès réalisés depuis la présidence d’Obama, le ressentiment envers les assureurs privés reste profondément ancré. Ces derniers sont souvent accusés de privilégier les profits au détriment de la santé des patients. Ces dernières années, le taux de refus d’approbation d’actes médicaux a considérablement augmenté. Avec un système de santé qui absorbe 17 % du produit intérieur brut, les critiques vont bon train quant à son coût exorbitant et son inefficacité.
Et les réactions face au meurtre de Brian Thompson reflètent cette colère latente et cet engouement autour de l’accusé. D’où l’inquiétude croissante des autorités. Une note interne, citée par le New York Times, souligne le risque que Mangione devienne un martyr ou un modèle, encourageant d’éventuels actes similaires. “La crainte est que cet événement inspire d’autres individus prêts à se positionner comme défenseurs du peuple par des moyens extrêmes”, a déclaré un officier.
La nomination de Robert Kennedy Jr. au poste de ministre de la Santé n’augure rien de bon
Dans un pays où l’assurance maladie privée est régulièrement accusée de privilégier le profit au détriment des patients, le geste de ce jeune homme résonne avec la frustration partagée par de nombreux Américains, quelle que soit leur allégeance politique. Il révèle les fractures profondes d’une société en quête d’équité et met en lumière les limites d’un système de santé qui, malgré ses réformes, ne fonctionne pas vraiment. De plus, la nomination controversée de Robert Kennedy Jr., un anti-vaccin notoire, au poste de ministre de la Santé par le président élu Donald Trump, ne fait qu’ajouter à la polarisation du débat.
L’enquête se poursuit. L’une des hypothèses privilégiées est celle d’un problème de dos suite à un grave accident de surf, qui aurait nécessité une opération pour le jeune homme. Mais pour l’heure, aucun élément ni déclaration de l’accusé n’a établi un lien entre son accident et le meurtre qu’il a commis. Il a également plaidé « non coupable » devant la justice new-yorkaise, le 23 décembre 2024, de l’accusation de meurtre constitutif d’un acte « terroriste ».
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