Le 26 décembre 1994, un avion atterrit sur le tarmac de l’aéroport de Marignane avec à son bord 172 otages, détenus par quatre terroristes du Groupe islamiste armé (GIA), le plus radical des mouvements terroristes algériens. Retour sur les heures qui ont mené à l’assaut final du GIGN.
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Ces images spectaculaires ont été filmées par la télévision régionale de l’époque, suivies par des millions de Français. Pendant les 54 heures que dura la prise d’otages, ils retinrent leur souffle. Cet assaut reste à ce jour le principal fait d’armes du GIGN, le groupe d’élite de la Gendarmerie nationale, qui est intervenu pour libérer les otages. Ce 26 décembre 2024, on fête les 30 ans de cet événement.
Un réveillon de Noël mouvementé
Tout a commencé la veille de Noël 1994. À 11 heures du matin, sur le tarmac de l’aéroport d’Alger. Les 227 passagers du vol Air France 8969 à destination de Paris embarquent à bord de l’Airbus A300.
Quatre hommes se présentant comme des policiers, venus pour un contrôle d’identité inopiné, sont également montés à bord. “Nous sommes du GIA ! Nous sommes des tueurs, nous prenons le contrôle de l’avion”, crient-ils aux passagers, brandissant des armes de poing et des kalachnikovs. Les pirates de l’air, membres des mouvements terroristes algériens les plus radicaux, réclament également la libération des deux dirigeants historiques du Front islamique du salut, Abassi Madani et Ali Belhadj, emprisonnés en Algérie pour atteinte à la sécurité de l’État.
Les premières négociations avec les autorités locales se sont soldées par un échec. Le 25 décembre, les preneurs d’otages ont exigé la suppression des passerelles pour pouvoir décoller vers Paris, où ils ont déclaré « vouloir tenir une conférence de presse ».
Lorsque les autorités algériennes ont refusé de laisser décoller l’avion, les terroristes ont exécuté sommairement un otage, un policier algérien de 30 ans. Son corps est jeté sur la passerelle. Mais quelques heures plus tard, 67 otages ont été libérés, permettant d’identifier les preneurs d’otages. Il reste 160 personnes à bord de l’avion ainsi que les 12 membres d’équipage, qui vivront les deux jours les plus longs de leur vie.
Une cellule de crise est déjà à l’œuvre en France. Le Premier ministre Edouard Balladur propose d’attaquer le GIGN. En permission pour les vacances, les gendarmes d’élite ont été rappelés en urgence et prépositionnés à Palma de Majorque, à mi-chemin entre Paris et Alger. Mais l’Algérie refuse toute intervention extérieure sur son territoire national. Les autorités algériennes ont également refusé dans un premier temps que l’avion soit réceptionné sur le sol français. Ils ont fait appel à la mère du chef du commando Abdallah Yahia pour le supplier de se rendre. C’est un échec. Les terroristes exécutent un deuxième otage, un conseiller commercial de l’ambassade vietnamienne.
Le 25 au soir, Yannick Beugnet, cuisinier à l’ambassade de France à Alger, s’adresse à la tour de contrôle depuis le cockpit. A la radio, il transmet le message des pirates de l’air : si l’avion ne peut pas décoller à 21h30, les otages mourront. A 21h31, le Français de 28 ans reçoit une balle dans la tête et son corps est projeté sur le tarmac. Les terroristes menacent de tuer un otage toutes les 30 minutes.
La France accroît la pression sur le gouvernement algérien. “Un avion est comme un tube à travers lequel il est difficile de distinguer les passagers des preneurs d’otages, analyse Denis Favier, patron du GIGN, dans un entretien accordé le 22 mai 2004 au Figaro. C’est un univers fermé, plein de kérosène. D’emblée, nous envisageons le scénario catastrophe, ce qui aurait préfiguré celui du 11 septembre 2001… ».
L’avion a finalement décollé d’Alger à 2h20 le 26 décembre. Les terroristes veulent atterrir à Paris, mais sous prétexte de lui fournir du kérosène, il doit faire escale à Marignane. Sur le tarmac de l’aéroport provençal, une trentaine de gendarmes d’élite du GIGN s’apprêtent déjà à intervenir. Pas question de laisser le commando s’envoler, les autorités craignent une opération kamikaze dans la Capitale. L’aéroport de Marseille-Provence est fermé à la circulation, tous les vols annulés jusqu’à nouvel ordre.
A l’époque, Jacques Beaume était procureur de la République d’Aix-en-Provence, il faisait partie de la cellule de crise qui négociait avec les terroristes. « Dans nos têtes, il était évident que cet avion ne partirait pas »» a-t-il déclaré à France 3 Provence-Alpes le 26 décembre 2004.
Nous étions fermement convaincus qu’il y avait trop de risques quelque part ce soir pour que cet avion quitte le sol de Marignane.
Jacques Beaume, Public Prosecutor of Aix-en-Provence in 1994France 3 (26 décembre 2004)
Le préfet de police de Marseille, Alain Gehin, prend les commandes des négociations, épaulé par deux négociateurs du GIGN, pour maintenir l’avion au sol. Durant les longues heures de négociations, le GIGN prépare son attaque.
L’avion se dirige vers la tour de contrôle. Les contacts avec les terroristes sont limités. Des coups de feu retentissent en direction de la tour. Les tireurs d’élite du GIGN sont prêts.
A 17h12, le chef d’escadron Denis Favier attaque. Trois équipes montent dans l’avion. Les deux premiers font exploser les portes arrière, d’où sont extraits sur toboggans les premiers otages dans les minutes qui suivent.
« Nous avons choisi d’agir avec flexibilité. Notre intention était d’utiliser l’arme uniquement en cas de légitime défense, nous n’avons donc pas utilisé d’explosifs pour pénétrer. »a déclaré Denis Favier sur France 2, quelques heures après l’agression. La troisième équipe est entrée par la porte avant droite de l’avion pour neutraliser le cockpit et s’est immédiatement retrouvée au contact des tirs des preneurs d’otages.
Plus d’un millier de balles tirées, de grenades, d’engins explosifs… La guerre fait rage dans la cabane. “A l’intérieur de l’avion, c’était l’enfer, surtout pour l’élément qui entrait par la porte avant droite.dit le commandant. Le copilote, Jean-Paul Borderie, s’est jeté par la fenêtre pour échapper aux tirs. Il a réussi à s’échapper, mais il s’est cassé la jambe lors de sa chute.
C’est le capitaine qui annonce que les terroristes sont tombés : « Arrêtez de tirer, ils sont tous morts. Il y a encore des Français en vie”. A 17h29, l’assaut était terminé. Cela a duré 16 minutes. Les otages sont tous sains et saufs.
En 2004 pour France 3, Jacques Beaume n’en revient toujours pas « Moment absolument inimaginable ». “On ne voyait pas, on avait seulement le son, on se disait, il pourrait y avoir des dizaines de morts, c’est inimaginable que personne n’ait été tué à l’intérieur”.
Il y a eu 25 blessés : treize passagers, trois membres d’équipage et neuf gendarmes du GIGN, dont un très grièvement blessé, touché à l’épaule et aux jambes.
“En quatorze ans de GIGN, c’est la première fois que je participe à une opération aussi périlleuse.confiera plus tard Thierry P., membre de la colonne d’assaut de la porte d’entrée droite, grièvement blessé.
Le soir même, lors d’une conférence de presse, Edouard Balladur a salué le courage et l’efficacité des gendarmes des forces spéciales. Le groupe sera reçu le 15 février à l’Élysée, par le président Mitterrand, lui exprimant “la gratitude de la nation”.
Relayée par les médias du monde entier, l’agression a été portée au cinéma en 2011, par le réalisateur Julien Leclercq, avec Vincent Elbaz, dans le rôle de Denis Favier.
Les preneurs d’otages, Abdul Abdallah Yahia, Makhlouf Benguettaf, et leurs deux complices, surnommés « Lotfi » et « Maboul », ont été enterrés en France, leurs corps n’ayant jamais été réclamés par leur famille.
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