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Fabien Touraille, la disparition d’une figure du quartier Saint-Pierre à Bordeaux

LLe quartier Saint-Pierre vient de perdre une de ses figures. Probablement l’un des derniers. Fabien Touraille, patron emblématique du Petit Commerce est décédé ce week-end à Bordeaux. Il avait 60 ans. Un épicurien et un alchimiste. Épicurien, parce qu’il aimait passionnément les fêtes, les amis, et en bref la vie. Alchimiste aussi. On les compte sur les doigts d’une main, ces « patrons », qui inscrivent un simple restaurant dans le patrimoine immatériel d’une ville. Le Petit Commerce a attiré sur son orbite toutes les galaxies bordelaises : avocats, chefs d’entreprise, flics, célébrités, artistes… Haut-bourgeois et semi-sel, côte à côte, noyés dans le même brouhaha. Tout le monde était accueilli avec les mêmes manières, sans se soucier de savoir si elles étaient bonnes.

“Il avait des frissons”

« En 2005, je me promenais rue du Parlement-Saint-Pierre, on y peignait l’enseigne Petit Commerce, je me suis dit que c’était une idée géniale. Je rencontre Fabien, je lui demande ce qu’il compte faire : un truc simple autour du poisson. Nous sommes devenus amis, raconte Jean-Pierre Xiradakis, de Tupina. Un gars d’une tendresse folle, d’une sensibilité incroyable, d’un cœur immense. Il avait cette magie, ce sens de la mise en scène, il donnait le frisson avant même d’avoir assis le client à table. Les gens n’imaginent pas les convictions, le travail, la réflexion et la sensibilité qu’il faut. Ce sont des choses qui font qu’il y a des bons et des mauvais restaurateurs. L’argent ne l’intéressait pas, il allait à la rencontre des gens. Il adorait faire. »

Changement dans le quartier

Un personnage né à Limoges. Il s’installe à Bordeaux à l’âge de 21 ans et va partout où le vent l’emmène : plomberie, imprimerie, immobilier, poissonnerie… Il travaille également derrière le comptoir du Cafécito, mythe de la nuit bordelaise de la fin du siècle. Dans cette même rue du Parlement-Saint-Pierre dont il fera son temple.

On les compte sur les doigts d’une main, ces « patrons », qui incluent un simple restaurant dans le patrimoine immatériel d’une ville.

C’est ici qu’il lance sa première entreprise en 2003 : Le Bulot boldi. Deux ans plus tard, il rachète une ferblanterie, dirigée pendant des décennies par la famille Gardel. Le Petit Commerce devient le fer de lance et le fleuron de la transformation du quartier Saint-Pierre. Il racontait à qui voulait l’entendre avoir exhumé le magnifique comptoir en zinc qui se dressait dans son restaurant d’une ancienne maison close, rue du Pont-de-La-Mousque. Au mur, des tableaux d’artistes bordelais dont les premiers pas ont été guidés par Fabien Touraille. Surtout, il a démontré que le contenant est moins important que le contenu. Tant que l’esprit respire.

Il étendra sa toile dans toute la rue, en y ajoutant la cave du Petit Commerce et un troisième lieu, La Pêcherie. Ce petit royaume emploiera jusqu’à 35 salariés. « Il avait un génie pour le lieu et les gens. Une capacité à comprendre et à sauvegarder l’instant, à transformer un apéritif banal en une rencontre intemporelle. C’était burlesque, tendre et poétique. On est souvent ressortis surpris et en un rien de temps», observe Yves Harté, ancien chroniqueur de «Sud Ouest». Il a fini par vendre cette « œuvre » il y a quelques années. « Il y avait une magie chez Fabien, raconte Jean-Pierre Xiradakis. Ce métier ne peut fonctionner sans ouverture, sans esprit de curiosité. C’est stupide ce que je vais dire mais il faut aimer les gens. Fabien les aimait plus que lui-même. Nous l’aimions. »

 
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