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Marie-Thérèse Ordonez, plus connue sous le nom de Maïté, qui a animé pendant quinze ans des émissions culinaires à succès à la télévision, dont « La cuisine des Mousquetaires », est décédée samedi 21 décembre. Retour sur le parcours hors du commun de celle qui était la préférée des Français cuisiner.
Elle a mis sur le devant de la scène la cuisine traditionnelle du Sud-Ouest au point de devenir une star du petit écran et aujourd’hui encore des vidéos que l’on partage sur internet : la célèbre cuisinière Maïté, de son vrai nom Marie-Thérèse Ordonez, est décédée hier à l’âge de 86 ans, au terme d’un parcours incroyable : celui d’une « musicienne ferroviaire », comme elle aimait se définir, à une reine incontestée des fours cathodiques.
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L’histoire commence dans les Landes profondes, le 2 juin 1938 à Rion-des-Landes, où est née Marie-Thérèse Badet, fille de paysans. Après avoir quitté l’école à 14 ans, elle devient femme de ménage puis employée à la SNCF, où elle annonce l’arrivée des trains aux ouvriers travaillant sur les voies à l’aide d’un klaxon. « J’ai fait ça pendant 22 ans », confiait-elle lors d’un portrait pour FR3 en 1989, évoquant ses années à la SNCF. « Je suis partie du matin au soir avec mon mari, toute la journée. » Un métier difficile qui l’a menée de voie ferrée en voie ferrée, d’Ychoux aux portes de Bayonne. Cette vie de travail, loin des projecteurs, forge son fort caractère qui le rendra célèbre.
De la troisième mi-- aux sets FR3
C’est dans une troisième mi-- de rugby que le destin de Maïté bascule. Cuisinière bénévole des joueurs de Rion-des-Landes, elle régalait une centaine de convives avec ses plats généreux lorsque Patrice Bellot, directeur de FR3 Aquitaine, la repéra en 1983. Il cherchait alors un personnage capable d’incarner l’esprit du pantagruélien. des fêtes du « Grand Dictionnaire de cuisine » d’Alexandre Dumas pour un spectacle qui deviendra « La cuisine des Mousquetaires ». La rencontre providentielle propulse Maïté sur le devant de la scène télévisuelle, dans le sillage de Raymond Oliver qui présentait la première émission télévisée consacrée à la cuisine, « Art et magie de la cuisine », avec Catherine Langeais.
Maïté commence alors à animer l’émission culinaire avec Micheline Banzet-Lawton, qui incarne la néophyte Paris-Bordeaux. La Landaise, qui a appris la cuisine par transmission, par observation, par amour des bons produits et des recettes mijotées, fait de l’absence de formation classique une véritable force. Le duo cartonne sur FR3 Aquitaine et l’émission se retrouve rapidement sur les ondes nationales en 1991, où la gouaille et l’accent de Maïté font des miracles sur l’audience.
“D’abord, de l’Armagnac!” »
“D’abord, de l’Armagnac!” » Cette formule, devenue sa signature, résonne alors comme un cri de guerre contre la nouvelle cuisine qu’elle déteste. “C’est une horreur, c’est même honteux”, a-t-elle déclaré sans détour dans son portrait sur FR3. « On voit des choses servies dans de grandes assiettes, ils ne prennent même pas la précaution de les beurrer. C’est affreux, tu sors des cartons, tu décores, ça fait de la couleur, c’est rouge, vert, jaune et blanc, c’est très joli mais ça n’a pas de goût. »
Tout le contraire de ce qu’elle souhaite faire dans sa cuisine-TV décorée d’oiseaux empaillés, de marmites en cuivre et de fusils de chasse. Derrière son plan de travail encombré de produits toujours frais, Maïté présente des recettes simples, traditionnelles, populaires et… très savoureuses, pour lesquelles on ne lésine jamais sur les quantités. Plus d’un million de fidèles suivent cette messe rabelaisienne quotidienne où les flambées explosives côtoient les découpes de sanglier, où les anguilles vivantes s’étourdissent sous les yeux médusés des spectateurs. Et si vous dégustiez des ortolans aux chandelles ? Autant de séquences devenues cultes, régulièrement diffusées dans les émissions bêtisières de fin d’année, partagées depuis YouTube ou le site de l’INA et qui inspirent toujours les comédiens. Dans son émission de sketchs diffusée ce mercredi, Jérôme Commandeur s’est déguisé en Maïté pour se moquer d’elle avec tendresse.
Succès international
Du « burger landais », création iconoclaste garnie de foie gras poêlé et magret de canard, aux recettes traditionnelles de cailles farcies au foie gras et de pigeons flambés à l’Armagnac, Maïté célèbre – elle – une cuisine sans compromis, riche en saveurs et en personnage. Elle réinvente même les classiques avec une audace qui confine parfois à l’absurde, comme un « filet de dacquoise » mariné une nuit dans un bain d’Armagnac et de kirsch. « La cuisine des Mousquetaires, pour moi, c’est la cuisine des miracles, confiait-elle en 1993. J’étais une ouvrière, une femme comme tout le Monde, encore moins que tout le monde. Personne ne faisait attention à moi… » Cette humilité, cette simplicité désarmante font d’elle bien plus qu’une simple cuisinière de télévision : l’incarnation d’une France qui refuse de voir disparaître ses traditions culinaires, symbole de résistance également face à l’uniformisation gastronomique.
Son succès dépasse largement les frontières de la France. « C’est par satellite, pratiquement partout dans le monde, et ça a un certain succès. Donc, j’en suis quand même fière», a-t-elle admis avec une touchante modestie. De la Belgique au Canada, en passant par TV5 Monde, ses recettes vivifiantes ont conquis les amateurs de cuisine authentique et généreuse.
Jean-Pierre Café et la bistronomie
Les années 1990 marquent également l’apogée de cette cuisine locale à la télévision. Maïté a ouvert la voie à d’autres personnalités hautes en couleur comme Jean-Pierre Coffe, pourfendeur de la malbouffe sur Canal+. Cette période correspond aussi à l’émergence du mouvement « bistronomique », mené par des chefs comme Yves Camdeborde, qui prônait un retour à une cuisine plus authentique et accessible. Après « La cuisine des mousquetaires » de 1983 à 1997, on retrouve Maïté dans « À table » de 1997 à 1999 où sa popularité ne se dément pas et déborde de la télévision vers l’édition. Ses trois premiers livres de recettes se sont vendus à plus de 120 000 exemplaires.
Devenue une célébrité, Maïté, qui sera également animatrice sur Sud Radio et actrice dans une demi-douzaine de longs métrages et téléfilms, réalisera de nombreuses publicités : pour la lessive Bonux – où elle raconte une réplique devenue culte « Y’a pas écrit bécasse, ici ! » – pour les confitures William Saurin ou le fromage Rondelé. Son accent chantant fait des merveilles.
Les épreuves de la vie
Au début des années 2000, elle ouvre son restaurant « Chez Maïté » dans sa ville natale, où elle met à la carte tous les plats qu’elle aime. « Je crois n’avoir jamais mangé de confit de canard aussi bien réalisé et aussi succulent qu’à la maison », confiait Didier Antoine, président des restaurateurs des Landes, lorsque le restaurant a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Dax en 2015. Maïté était sans doute meilleure cuisinière que gérante mais a surtout dû endurer la perte de son fils Serge en 2013, emporté par un cancer. La mort de son mari Jean-Pierre, dit “Pierrot”, en 2020, avait d’ailleurs profondément marqué celui qui incarnait la joie de vivre à l’écran.
Sa petite-fille Camille, qui a participé à Objectif Top Chef en 2018, a néanmoins témoigné que sa grand-mère allait « bien » et profitait de « sa retraite et de sa famille », même si elle ne souhaitait plus répondre aux interviews ni apparaître à la télévision. Atteinte d’une maladie neurodégénérative, Maïté s’était retirée de la scène, mais pas du cœur des Français, qui, à l’heure des repas de fête de fin d’année, se souviendront longtemps de la générosité, du talent et de l’authenticité de celle-ci. dont ils tenteront peut-être de recréer les succulentes recettes.
« Un ambassadeur de notre cuisine traditionnelle » pour Emmanuel Macron
« Ambassadrice de notre cuisine traditionnelle, icône populaire, source d’inspiration de tant de familles, Maïté, qui incarnait si bien l’art d’être français, n’est plus. J’adresse mes condoléances à sa famille, à ses proches et à tous ceux qui ont aimé l’écouter”, a écrit le président Macron.
« Personnalité attachante et généreuse, figure de la culture landaise et symbole de la gastronomie rurale, Maïté nous a quitté. Des pensées sincères pour sa famille, ses proches et tous ceux qui, comme moi, l’ont aimée, de Rion-des-Landes jusqu’au bout du monde”, a réagi le député landais Boris Vallaud.
« C’est pour Rion, et bien au-delà, la disparition d’une Française à laquelle nous étions tous attachés, et même identifiés, par sa bonté, sa truculence. Les gens disaient d’elle : elle est comme à la télé ! Et c’est ce qui explique l’affection que nous avions pour elle », a déclaré Laurent Civel, maire du village.
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